La transformation en banque des Caisses d’Epargne de Biscaye, d’Alava et de Guipuzcoa a débuté en 2011. Dès le début, à l’époque seul contre tous, le syndicat ELA s’est opposé à cette première étape ouvrant la voie à la privatisation.ELA pointait du doigt le risque majeur de voir l’épargne populaire détournée du renforcement de l’économie locale ainsi que la disparition d’un outil au service de l’intérêt général et de la souveraineté. Amaia Muñoa, secrétaire générale adjointe du syndicat ELA, nous présente les enjeux liés à ce changement de statut des Caisses d’Epargne des trois provinces basques.
Qu’est-ce qui est en jeu avec la privatisation de Kutxabank ?
Ce qui est en jeu c’est un outil financier qui aujourd’hui est public et doit répondre aux besoins sociaux et économiques de notre pays. Un instrument important car c’est 40% de l’épargne de la Communauté Autonome Basque qui a été déposé dans les trois Caisses d’Epargne (BBK, Kutxa Gipuzkoa et Vital Kutxa) par la population, les entreprises ou d’autres agents au fil des ans.
Quel est le risque ?
C’est important de rappeler que le modèle du système financier détermine aussi le type de société que nous avons. Ce patrimoine est sous contrôle public aujourd’hui, et le PNV, le PP et le PSE se sont mis d’accord pour le laisser dans les mains d’investisseurs privés sans donner d’information sur le processus ni sur leurs intentions et en prétendant qu’il s’agissait uniquement d’adaptations légales et, qui plus est, obligatoires. Le risque est aussi simple que grave. Un instrument financier au service de la population et de l’économie réelle, dont les bénéfices sont destinés à satisfaire en priorité les attentes de la société deviendrait une banque commerciale privée où son actionnaire majoritaire (capital privé) devra comme partout ailleurs tirer le maximum de bénéfices pour se rémunérer.
Comment expliquez-vous la décision de ceux qui défendent cette privatisation ?
C’est assez incompréhensible de voir comment le pouvoir politique, indépendamment de sa couleur, renonce à un tel instrument. En Allemagne les pouvoirs économique et politique sont aussi néo-libéraux qu’ici et pourtant ils maintiennent intactes leurs Caisses d’Epargne. Les décideurs du Pays Basque nous disent qu’il n’y pas d’alternative. C’est totalement faux et ELA a dénoncé de façon argumentée et publique toute leur manoeuvre, en présentant ses propositions et demandant un débat public.
Quelles ont été les réactions des défenseurs de la privatisation ?
Ils n’ont pas d’arguments acceptables par la population et sont obligés de fuir le débat. Mais surtout ils n’acceptent pas que le syndicat ELA questionne leurs intentions et encore moins qu’on les oblige à changer leur feuille de route. Incapables de faire face aux critiques portées par le syndicat, les partis politiques attaquent ELA en disant que nous n’avons pas de légitimité pour parler de ces sujets, que nous nous allions à Sortu et que nous voulons faire couler Kutxabank…
Comment se défend le syndicat ELA ?
C’est là qu’une fois de plus on sent l’importance capitale pour un syndicat qui se dit de contrepouvoir d’être indépendant politiquement et donc financièrement. C’est au moment où nous subissons toutes ces attaques que notre clarté et force idéologique, organisationnelle et financière nous aident à continuer à soutenir les solutions alternatives au système économique dominant. En ce moment la stigmatisation dont est victime ELA de la part du pouvoir politique, du patronat et des médias a pour but de faire changer d’avis le syndicat ELA.
Cette situation n’est pas nouvelle…
Tout ça n’a pas commencé en 2014. La feuille de route de la privatisation a été décidée par une petite élite il y a quelques années et le processus a commencé en 2011. A l’époque, les Caisses d’Epargne ont été transformées en banques (Kutxabank). À ce moment-là ELA a été très critique car nous prenions en compte les faits, leurs conséquences prévisibles et surtout la façon de faire opaque, très grave et totalement inadmissible.La réaction contre ELA a été la même que cette fois-ci, sauf qu’à l’époque tous les partis politiques (y compris la gauche abertzale) étaient d’accord pour cette transformation en banque… et pour attaquer (avec l’appui des médias) la position critique d’ELA. Ça a été un moment difficile où a été mise en évidence la non acceptation de la critique syndicale par la gauche abertzale. Cela a eu des conséquences très lourdes sur le travail en commun avec le syndicat LAB. En effet nous étions jusqu’alors sur la même position de refus de cette transformation des Caisses en banque (qui ouvrait la voie à la privatisation). Cette position commune s’est effondrée quand EH Bildu a voté pour cette transformation. Nous avions pris connaissance de cette nouvelle dans la presse, une fois l’accord conclu.
Aujourd’hui, même si EH Bildu et LAB n’ont pas remis en cause leurs choix de 2011, ils sont actifs contre la privatisation et nous travaillons ensemble dans les différentes mobilisations.
Il me semble aussi que la domination,presque totalitaire, du capitalisme doit etre debatue et des alternatives proposees et mises en place