Un géant de l’abertzalisme a disparu le 5 avril à Senpere, il était âgé de 88 ans. Compagnon de route d’Enbata dès sa création, nous lui rendons ici hommage avec deux articles de Denis Laborde et Koko Abeberry parus en août 1991, lors de sa libération, après 1170 jours d’incarcération à Bois d’Arcy.
Co-fondateur d’ETA, avocat, chef d’entreprise, expulsé, exilé, condamné, incarcéré X fois par la France, présent lors de l’Aberri Eguna d’Ixassou aux côtés de Ximun Haran pour planter un rejeton de l’arbre de Gernika, les lecteurs d’Enbata connaissent bien Iulen Madariaga. La chronique de sa vie mouvementée s’égrène au fil des numéros de ce journal.
Né en 1932 à Bilbo, cet homme connut de près les années les plus noires de l’histoire récente du Pays Basque, celles de l’écrasement hispano-franquiste. Celles qui, dans les années cinquante, inspirèrent au poète biscayen Gabriel Aresti un poème fameux: « Hi haiz Euskal Herria, herri nekatua,/Inork ezagutzen du hire bekatua?/ Baina inoren zorrik ez dun ordainduko, /Heure etorkizunak ditun apainduko ». En un pays épuisé, exsangue, qui ne sait quelle faute il a commise, Iulen Madariaga se lève, il relève la tête, il dit non à la fatalité. Il fait partie de ces jeunes Basques qui partent à l’assaut de l’impossible. Sa vie sera celle d’un lutteur inébranlable, tel un Lezo Urreiztieta bravant la tempête à la barre de son navire. Ce ne seront que résistances et choix crucifiants, face aux diktats espagnols et français. Ils firent tout pour l’abattre. Sa fidélité intransigeante à l’abertzalisme n’eut d’égale que sa détermination.
Ces jours-ci, dans leurs chroniques nécrologiques, les médias hipano-français mettent en avant son désavoeu de la lutte armée à la fin des années 90. Comme d‘habitude et même avec un mort, ils ne font que tirer la couverture à eux. Ils insistent sur les réactions des jusqu’auboutistes qui fustigèrent alors Iulen. Il a eu raison plus tôt que les autres, voilà tout. Ces mêmes médias restent discrets sur la dureté du combat qui fut la colonne vertébrale de sa vie, les violences qui lui furent infligées, comme à tant d’autres. Ils oublient le refus de Madrid et de Paris quant à la recherche d’une solution négociée du conflit dont Iulen fut un des acteurs intrépide et qui en paya le prix fort. Hier comme aujourd’hui, ils taisent cet acharnement.
Toute vie a aussi ses errements. Mais quoi qu’en disent ou fassent les donneurs de leçons, le vieux combattant figure désormais au Panthéon de notre histoire nationale. Demain, un écrivain s’emparera de sa saga, le souffle épique aidant, il écrira une pastorale.
Denis Laborde, en 1991 vice président du Comité des droits de l’homme en Pays Basque, et Koko Abeberry, avocat de Iulen devant les tribunaux, vous diront quel fut l’homme qui nous a quitté, un Basque rebelle dans le siècle. Avec ses exploits et ses excès, déjà de son vivant, il est tout droit entré dans la légende d’un peuple. Nous errerons longtemps autour de son exemple.