Quelques commentaires à chaud avant un bilan plus approfondi de la coalition, des partis qui la compose et des groupes locaux constitués pour mener la campagne.
Au niveau de l’État français le premier élément constituant la toile de fond du panorama émergeant de ces cantonales est le taux d’abstention, particulièrement dans les classes populaires et chez les jeunes, et le vote Front national. Deux tendances lour-des, symptômes inquiétant commun à de nombreux pays occidentaux sur la perte de crédibilité des élections et des représentants politiques élus à changer quoique ce soit de fondamental. Depuis 2008, jamais la dictature des marchés financiers n’est autant apparue comme instance décisionnelle réelle, court-circuitant les instances politiques, sur la vie quotidienne des gens. Et dans ce panorama, le vote Front National comme la protestation qui secoue le mieux la politique-spectacle. En Iparralde aussi ces tendances sont à l’œuvre et plus spécialement sur le BAB.
Avec 10,2% des suffrages exprimés sur les dix cantons renouvelables du Pays Basque (12% de moyenne sur les 9 cantons où la coalition se présentait) et notamment une moyenne de 19,5% sur les 5 cantons de l’intérieur, EH BAI remplit un premier objectif fixé dans la feuille de route accordée fin 2010: être la 3ème force politique en Pays Basque Nord derrière le PS et le bloc de la majorité départementale et s’afficher, par endroits au moins, comme une véritable alternative. Elle devance EELV (7% sur Iparralde et 10% de moyenne sur les cantons où elle est présente) et le Front de gauche (6% sur Iparralde). La visibilité de la coalition et de son message au lendemain de ces cantonales est incontestable. Le traitement accordé par les médias au soir des résultats, les demandes de rencontre des principaux partis ou la prégnance des thématiques portées par les abertzale pendant la campagne sont autant d’indicateurs montrant que l’objectif de «renforcer au sein de la population d’Iparralde le message abertzale progressiste et la référentialité de la coalition EH BAI» est aussi rempli. «Peser politiquement sur le second tour et avoir une meilleure gestion de ce dernier» semble à cette heure en bonne voie, au vu des procédures mises en place et des décisions prises par la coalition. Le travail réalisé en commun lors de cette campagne après de longues années de démarches séparées a fait du bien à tou(te)s les militant(e)s et représente un actif précieux pour l’avenir.
L’accomplissement de ces objectifs permis par le choix, parfois difficile, mais renouvelé des trois partis en faveur de la formule EH BAI permet à ses promoteurs d’être raisonnablement satisfaits. Raisonnablement car il y a aussi le moins bon, qui oblige à reconnaître que l’objectif général de «transcrire électoralement le poids réel des abertzale, la dynamique qu’ils impulsent, dans divers domaines, en Iparralde» n’est pas totalement rempli. A coté des points forts de l’intérieur, le BAB reste un point faible. L’abstention record de l’Hexagone frappe Bayonne de plein fouet et fait perdre aux abertzale la moitié de leur voix. Biarritz Ouest reste par sa composition sociologique un bastion difficile à l’implantation de tout projet abertzale et de transformation sociale. Le parcours malheureux d’Angelu Zain interroge tout autant. Des choix différents, un passé au sein de la majorité, un positionnement pré-municipal, n’ont pas apporté la moindre preuve d’une supériorité sur la formule EH BAI. La déroute du PNB contredit de même les analyses hâ-tives sur son implantation réelle. Le bilan et l’analyse en profondeur de ces phénomènes de sociologie électorale par les abertzale reste à faire car aucun facteur simple et évident ne fournit de cadre explicatif satisfaisant.
Au delà de cette analyse incontournable, gageons que le débat stratégique sur les alliances électorales restera vif au sein des mouvements abertzale. La nécessité de s’allier à moyen terme à d’autres pour construire une stratégie efficace est une évidence, la politique étant par nature accumulation de forces pour obtenir un objectif. Mais la nécessité de s’allier à d’autres pour simplement exister pose des débats plus aiguës.
Certains souligneront que d’autres alliances auraient permis un meilleur score sur le BAB. Peut-être, bien que l’arithmétique ait peu à voir avec la sociologie électorale. N’oublions pas cependant qu’elles n’auraient pas permis en même temps l’obtention des objectifs cités précédemment.