Inégalité linguistique et discrimination

Signalétique indiquant que les usagers du service public peuvent s’adresser à l’agent·e en euskara.

Pello Igeregi, responsable Euskara et Igor Eizagirre, secrétaire général de la fédération des services publics d’ELA

Cet article est la synthèse d’un texte publié début octobre par ELA. Le syndicat basque y analyse les éléments du débat qui agite en Hegoalde les différents syndicats au sujet du niveau requis en euskara pour travailler dans les services publics.

Des acteurs politiques, judiciaires et syndicaux conduisent une bataille contre l’égalité des compétences linguistiques requises en euskara et en espagnol. Les syndicats UGT et CCOO (Commissions ouvrières) ont présenté des recours judiciaires en ce sens, avec une conception très particulière de l’accès aux postes de travail dans l’administration. Pour obtenir un poste de médecin dans les services d’Osakidetza, par exemple, le diplôme de médecin est requis. Ceux qui n’ont pas ce diplôme ne souffrent d’aucune discrimination, ils n’ont simplement pas les connaissances demandées. Le droit de travailler dans les services publics n’est nulle part universel et seuls sont choisis ceux qui en ont les aptitudes. En Euskal Herria, cette logique a une exception : l’euskara.

Pello Igeregi, responsable Euskara

Les syndicats UGT et CCOO demandent que dans les critères de recrutement soit éliminé le niveau requis en euskara, alors que la connaissance des deux langues officielles est incontournable pour choisir librement la langue dans laquelle être reçu ou pouvoir travailler. La connaissance d’une seule langue impose son usage et limite la liberté d’en parler une autre. Il est possible d’apprendre l’euskara, comme la médecine ou autre compétence, mais exiger la connaissance d’une langue officielle telle que l’euskara, selon UGT et CCOO, relève de l’exclusion, alors que rien de tel pour la médecine.

Éliminer la compétence en matière de langue basque

Les administrations proposent des contrats précaires à des milliers de salariés, parmi lesquels beaucoup ignorent l’euskara. UGT et CCOO ont obtenu du gouvernement espagnol que ces salariés puissent obtenir un emploi stable, à condition d’avoir les aptitudes requises, sauf en euskara. Alors que le syndicat ELA défend la mise en oeuvre d’un régime transitoire pour que ceux qui ne connaissent que le castillan puissent apprendre l’euskara — les salariés proches de la retraite en étant exemptés —, UGT et CCOO exigent que les demandes de compétence en langue basque soient supprimées pour de nombreux postes de travail. Ils veulent que seule la connaissance de l’espagnol soit obligatoire, et que recevoir un service en euskara soit exceptionnel.

Igor Eizagirre, secrétaire général de la fédération des services publics d’ELA

Demander à être jugé en euskara est une démarche exceptionnelle, alors que la grande majorité du personnel judiciaire ignore cette langue et que ses membres sont très conservateurs ; d’où des chances moindres d’obtenir un jugement équitable. De même, demander à un médecin urgentiste à être reçu et soigné en euskara est exceptionnel, du fait de l’état de grande vulnérabilité du patient.

Le citoyen hendayais

Quasiment 100 % de la population connaît la langue espagnole parce que c’est une obligation. Au fond, ELA aimerait beaucoup que soit éliminée l’exigence de niveau en euskara pour le recrutement de personnel dans le secteur public… comme cela se passe pour le castillan, mais avec une exception très révélatrice : le niveau C2 en espagnol est exigé chez les personnes d’autres nationalités, même s’il n’est pas nécessaire dans leur travail. Prenons l’exemple d’un citoyen hendayais qui a étudié la philologie basque. Il ne peut obtenir un poste dans une école publique d’Irun où il enseignerait l’euskara s’il n’atteint pas le niveau C2 en espagnol. L’espagnol doit être la seule langue de travail et l’usage de l’euskara aura toujours un caractère exceptionnel.

Pour ne pas avoir à exiger un niveau de connaissance de l’euskara dans les services publics, cette langue devrait bénéficier des mêmes mécanismes de reproduction que l’espagnol. Ceux qui conduisent la bataille contre les compétences requises en euskara dans le secteur public, sont les mêmes qui se sont prononcés contre la généralisation de la filière D d’enseignement, la seule à offrir une connaissance équivalente des deux langues. Après coup, UGT et CCOO soutiendront que les personnes qui ont été écartées de la possibilité de connaître l’euskara, sont victimes de discrimination parce qu’elles ne le parlent pas !

“La connaissance des deux langues officielles est incontournable
pour choisir librement la langue dans laquelle être reçu ou pouvoir travailler.
La connaissance d’une seule langue impose son usage
et limite la liberté d’en parler une autre.”

Aller vers un bilinguisme universel est une pierre d’angle pour l’égalité et contre les discriminations linguistiques. Il est impossible d’accepter que l’espagnol soit la seule langue dont la connaissance soit obligatoire et donc la seule dont l’usage est généralisé. L’égalité des droits exige que le statut de l’euskara soit équivalent à celui de l’espagnol. La générosité, la patience et la flexibilité avec toutes les personnes qui travaillent dans le public sont nécessaires et justifiées. Mais sont inadmissibles les discours suprémacistes de ceux qui approuvent la discrimination dont nous souffrons, alors que nous avons fait le choix de vivre et de travailler en euskara ou de vouloir l’apprendre.

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