La liste abertzale de Saint-Jean-de-Luz, qui mène depuis près de vingt ans un important travail de terrain, pourrait être la seule alternative à gauche aux élections municipales de 2020. Dans ce fief de la droite, le groupe Herri Berri s’est agrandi au fil des années de forces écologistes, socialistes et communistes.
Les abertzale de Saint-Jean-de-Luz ont le vent en poupe au tournant des élections de mars 2020. D’abord parce que la liste Herri Berri, qui mène dans la cité corsaire un vrai travail de terrain depuis près de vingt ans, engrange des scrutins au fil des années, dans une ville qui reste tout de même nettement marquée à droite.
Avec 11,5% des votes en 2001, 19,5% en 2008 et près de 26% en 2014, Herri Berri enregistre une progression constante aux élections municipales. Les abertzale luziens ont aussi raflé près de 46% des scrutins sur le canton au second tour des élections départementales de 2015.
Certes, il en faut plus pour inquiéter une majorité municipale élue lors du dernier scrutin avec près de 55% des voix dès le premier tour. Et à la fin, c’est toujours la droite qui gagne. Mais la prochaine échéance municipale annonce une configuration particulière, depuis que Manuel de Lara, élu aux côtés du maire sortant LR Jean-François Irigoyen, a décidé de mener sa propre liste. Cet ancien collaborateur d’Alain Lamassoure et de Jean Grenet, entraîne dans son sillage les socialistes luziens qui se retrouvent, de fait, décentrés à droite. D’autant plus que d’autres socialistes ont rejoint Herri Berri depuis 2014, comme les communistes la même année ou les verts dès 2008, constituant aujourd’hui, autour de cet agrégat abertzale, l’unique force de gauche.
Si la configuration reste à trois listes, une partie des 20% d’électeurs socialistes de 2014 subirait cette attraction gravitationnelle. Sauf que la France Insoumise pourrait aussi déposer une candidature qui annulerait ce monopole de gauche. Et que la démarche de Manuel de Lara se veut “transpartisane”, un genre de gauche-droite qui n’est pas sans rappeler le dernier succès présidentiel. Mais l’investiture La République en marche devrait pourtant profiter à la majorité actuelle, force tranquille qui risque pourtant de perdre des plumes dans la manoeuvre de cette nouvelle candidature.
Tarte à la crème
Avant d’envisager un second tour dans cette forteresse de la droite, il convient cependant de considérer la tarte à la crème de cette élection et le vote imperturbable des propriétaires de résidences secondaires. Avec autant d’habitants que de logements, Saint-Jean-de-Luz possède cette singularité électorale qui plombe d’autant mieux Herri Berri que le groupe d’opposition a fait de la problématique du logement l’un des axes forts de son travail politique. Avec une sensibilité simultanément abertzale, de gauche, solidaire et écologiste, la liste menée par Paxkal Lafitte ne peut qu’inquiéter les propriétaire de résidences de loisirs qui ne rentrent pas dans ces cases. Mais ces valeurs portent aussi leurs fruits dans la cité balnéaire, qui s’inquiète de cette pression foncière comme de l’engorgement lancinant de ses rues livrées à la voiture, autre cheval de bataille d’Herri Berri.
Conférences publiques, actions d’agitprop, publications, les abertzale occupent le terrains et constituent désormais une force de proposition, notamment dans ces domaines du logement, s’il s’agit de remettre en question la loi Elan, qui produit de l’accession sociale à la propriété pour une durée limitée ou proposer des mobilités douces pour pallier au goulet d’étranglement de la traversée de Saint-Jean-de-Luz en voiture.
Reste, pour compléter ce panorama politique, que le PNV a quitté la liste Herri Berri en 2008 en rejoignant la liste de Michèle Alliot-Marie. Une autre stratégie abertzale qui consiste à se frotter à l’exercice du pouvoir et dont les effets électoraux ou pragmatiques sont difficilement quantifiables.
En tout cas pas à regarder les panneaux bilingues de la ville qui indiquent “free eserleku” pour un parking gratuit ou “Gustiak norabideak” pour une direction multiple qui ramène plus sûrement au logiciel en ligne de Google traduction.