C’est l’histoire de 50 objets basques, racontant chacun à sa façon: la société basque dans toute sa diversité. Quoi de commun entre le béret en feutre signé Elosegui mis sur le marché en 1858, et le skate (ou si l’on préfère la planche à roulettes Sancheski) imaginé(e) à Irun à la fin des années 60 ? Un monde les sépare !
« Hemendik » parut en 2020 sous la forme d’un ouvrage de presque 400 pages. Couverture dynamique, couleur jaune d’or. Et titre lapidaire que l’on pourrait traduire par l’expression « D’ici ». Ce livre, devenu un véritable classique, revenait sur l’histoire d’une cinquantaine d’objets iconiques du Pays Basque dont la plupart nous sont plutôt familiers. Qu’ils aient été conçus côté sud ou nord, ils portent chacun à leur façon la signature du « made in Pays Basque ». « Hemendik » revient donc dans l’actualité grâce à l’exposition qui en donne un aperçu détaillé sous le toit de la Commanderie d’Irissarry (1).
On y retrouve ainsi la maison Elosegi spécialiste du béret basque qui s’active toujours à Tolosa. Ce couvre-chef devint populaire en Europe et au-delà, du fait des guerres carlistes qui ébranlèrent l’Espagne. Le grand public devait redécouvrir ce béret bien plus tard (au XXe siècle), notamment sur la chevelure de Greta Garbo et de Lauren Bacall qui lui apportèrent un côté glamour aguicheur… Et que dire de Pataugas, la chaussure qui fit le tour du monde après avoir été conçue à Mauléon ! Ce tout-terrain, décrit comme « brodequin souple », avait été imaginé dans l’usine de l’industriel René Elissabide avant de faire le tour du monde, de changer de mains et de finir par quitter la Soule…
De Vicinay à Fagor
Les gourdes Las 3 Z.Z.Z., fabriquées dans de la peau de chèvre et de bouc, ont connu un sort différent ! Elles ont fêté leur centenaire en 2016 en Navarre, leur région d’origine, où elles sont encore fabriquées de façon artisanale. Et que dire de Vicinay, de tradition séculaire, célèbre pour ses chaînes en fer monumentales (un seul de leurs maillons peut peser jusqu’à 700 kg !). L’entreprise est installée en Biscaye, province qui produisait du minerai depuis le XIVe siècle. Vicinay s’est ainsi spécialisée dans l’off-shore, l’éolien et l’industrie navale. En deux mots, dans le monumental. Aux antipodes donc de l’industrie armurière qui a survécu aux crises successives dans la cité d’Eibar en Gipuzkoa : fusils, révolvers, pistolets, de même que, reconversion oblige, serrures et vélos… On n’oubliera pas Fagor, fer de lance du secteur coopératif basque jusqu’à ce que l’entreprise soit obligée à renoncer au modèle qui avait tant contribué à sa réputation. Elle mit la clef sous la porte en 2013. Produisant des autocuiseurs (« Rapid Express »), elle compta jusqu’à plus de 5000 sociétaires.
Sa déconfiture créa un choc sans toutefois entraîner la chute du groupe coopératif Mondragon, le plus important d’Euskadi dont elle était le fleuron. Alki, quant à elle, s’est forgée une grande spécialité dans le siège contemporain dès les années 90. Son atelier de production est basé à Itxassou. Son fauteuil blanc cassé très design, signé Jean-Louis Iratzoki, se retrouve ainsi momentanément sous le plafond de la Commanderie où il s’intègre parfaitement.
Le txikitero d’antan
Dans le domaine du classique, halte chez Fournier à Vitoria-Gasteiz où l’on produit toujours des cartes à jouer (jeu de mus notamment) depuis les années 1870. Dans le domaine du classique, il y a aussi toujours place pour la toile basque à rayures (et autres motifs plus complexes), dont l’entreprise Moutet d’Orthez est désormais l’une des dernières spécialistes dans la région. Le txikitero est ce verre épais que les amateurs de Bilbao affectionnaient tant. Produit par la société Vicrila, il cache un fond plein jusqu’aux deux tiers. Il ne contient pas plus de 12 cl de boisson et n’est plus très utilisé…
Basques par nature
Il y a bien sûr place dans cette vitrine pour la poterie Goicoechea d’Arrossa, la pierre à lever de Saralegui et de Perurena, de même que pour le kaiku séculaire taillé dans le bouleau, qui protège le lait de la chaleur et de l’humidité. Sans oublier la Gula del Norte, ce succédané de vraies-fausses pibales qui veut nous donner l’illusion de savourer de l’authentique angula pêchée selon la tradition. L’ethnographe Xabier Kerexeta Erro rappelle dans sa préface que tous ces objets « ont une forte personnalité, naturellement ». Mais ajoute-t-il, « ils ne sont pas pour autant identitaires car ils n’ont pas été créés comme objets basques, comme revendications, ou souvenirs. Ils sont basques par nature, voilà tout. »
(1) Commanderie Ospitalea : centre départemental du patrimoine. L’exposition se limite à la présentation d’une trentaine d’objets. Entrée libre. À voir du lundi au samedi, 10 heures-12h30 – 13h30-17h30. Fermé : dimanches et jours fériés. Tel : 05 59 37 97 20. Informationsréservations : [email protected] / www.ospitalea.fr. Visites commentées en juillet-août, les jeudi et vendredi à 10 heures. Editeur : Hemendik elkartea. 14 Lormand karrika. Bayonne. www.hemendik.eu