Bien loger les gens tout en minimisant l’empreinte carbone et écologique de leur territoire est une équation complexe à résoudre. Focus sur une initiative originale visant à le permettre.
Habiter autrement nos territoires
Le terme frugal a une belle signification. Il vient du latin « frugalis » « qui rapporte », lui-même issu de « frux » signifiant semence. S’il est synonyme de sobre, c’est une sobriété des fruits de la terre, une sobriété qui comble les besoins essentiels avec simplicité et préserve l’avenir…
C’est ce terme de frugalité qui a été choisi par le groupe de professionnels de l’urbanisme et du bâtiment qui a lancé le « mouvement pour une frugalité heureuse et créative dans l’architecture et le ménagement du territoire » et un manifeste associé signé déjà par plus de 15.000 personnes. www.frugalite.org. Ce texte indique notamment que « les professionnels du bâtiment et de l’aménagement du territoire ne peuvent se soustraire à leur responsabilité. Leurs domaines d’action émettent au moins 40% des gaz à effet de serre pour les bâtiments, et bien plus avec les déplacements induits par les choix urbanistiques, telle la forte préférence pour la construction neuve, plutôt que la réhabilitation. Ces choix suppriment, tous les dix ans, l’équivalent de la surface d’un département en terres agricoles. L’engagement collectif et individuel s’impose. »
Il engage à aller vers la frugalité en énergie, en matière, en technicité, à avoir un usage prudent des ressources épuisables, à oeuvrer à la préservation des diversités biologiques et culturelles pour une planète meilleure à vivre.
La frugalité vise à prendre soin et à réparer la ville existante, le « déjà-là » et ainsi, à ré-enchanter l’espace dans lequel nous vivons. Pour ce faire, il propose comme réponse le bâtiment frugal et le territoire frugal – urbain ou rural.
Une charte du bâtiment frugal Sud-aquitain
Par définition, un bâtiment frugal est lié à un territoire, il est adapté au contexte géographique et climatique, aux ressources locales, à la situation économique et sociale, au savoir-faire local et à l’activité culturelle.
En Pays Basque Nord, le secteur résidentiel, premier consommateur énergétique du territoire (38%) est responsable de 15% des émissions de gaz à effet de serre, deux indicateurs parmi d’autres révélant l’importance de l’impact écologique de l’habitat sur notre territoire. Dans le contexte de crise de l’habitat que l’on connaît, notre paysage hérissé de grues et d’échafaudages, les tensions sur l’usage des terres, les épisodes climatiques extrêmes, tout montre à quel point il est urgent d’avoir une réflexion globale, cohérente et poussée dans les secteurs du bâtiment et de l’urbanisme, et d’en sortir des outils pratiques. Le groupe Habitat de Bizi! et le Mouvement de la frugalité se sont associés pour monter un groupe de travail constitué de professionnels du territoire (architecte, ingénieur, entrepreneur, assistant à maîtrise d’ouvrage). De leur travail est sorti un outil intitulé « charte du bâtiment frugal Sud-aquitain ». Ce document destiné aux professionnels de l’urbanisme et du bâtiment, aux décideurs et à toute personne s’intéressant au sujet, reprend les caractéristiques des différents territoires, Landes, Pays Basque Nord et Béarn, à différents niveaux : géographique, climatique, économique, social, historique, culturel… Il propose ensuite des pistes concrètes pour, en rénovation, réhabilitation ou construction (la construction de bâtiments neufs ainsi que la démolition devant devenir l’exception et non la règle), doter le territoire de bâtiments de qualité répondant aux besoins et aux aspirations des habitants. Ceux-ci devront être économes en ressources (foncier, énergie, matériaux, eau…) et en carbone et permettre de bien vivre ensemble et de préserver les milieux naturels.
Des choix politiques à faire
Cette charte qui va être largement diffusée va être un outil précieux… pour ceux et celles qui pourront et voudront bien s’en saisir. Car il y a une donnée importante à prendre en compte. Tant que les externalités négatives ne seront pas intégrées aux coûts de l’habitat (comme la destruction des écosystèmes liée à l’artificialisation), tant que la réglementation ne sera pas à la hauteur des enjeux écologiques, tant que les filières de matériaux écologiques ne seront pas encouragées, il reste beaucoup plus cher de rénover ou réhabiliter que de construire du neuf jetable. Il est également difficile de trouver suffisamment de professionnels bien formés. Agir pour un habitat et une ville adaptés au climat de demain et qui cesse de participer à son dérèglement ne doit pas être un choix individuel engagé et coûteux, mais un projet de société pour notre territoire.