L’ethnologue biscayenne Gurutzi Arregi a rendu l’âme le 6 mai à l’âge de 84 ans, le Pays Basque perd un des piliers de sa culture. Notre dette à son égard est immense. Sans son œuvre au sein d’Etniker, nous ne connaîtrions pas sérieusement ce qu’est la société traditionnelle basque, son mode de vie, ses structures et ses valeurs.
Rien ne prédisposait Gurutzi Arregi à devenir l’éminente ethnologue qu’elle fut. Née en 1936 à Lemoa dans les années les plus difficiles de l’histoire de notre pays, elle s’installa ensuite à Durango où elle exerça la profession de secrétaire comptable.
Mais très vite, elle s’orienta vers ce qui allait être sa passion, l’œuvre de sa vie : la collecte patiente, acharnée, des us et coutumes de son pays dont «la culture traditionnelle nous file entre les doigts», sans que nous y prenions garde.
En 1972, elle intégra l’équipe de Koxemiel Barandiaran dont elle fut la secrétaire, et elle eut pour mentor une autre personnalité éminente, Ander Manterola.
Inscrite à la Faculté de sociologie de Deusto à une époque où l’ethnographie n’y faisait pas l’objet d’un enseignement, elle y poursuit ses recherches qui aboutissent en 1996 à sa thèse consacrée aux ermitages biscayens et leur rôle dans les relations de voisinage. Sa démarche s’appuie sur un énorme et minutieux travail de recueil de données sur le terrain, pour saisir les intentions de ses interlocuteurs et leurs pratiques sociales. Il s’agit d’un ouvrage de référence sur la religion populaire dans la province.
A partir de 1978, elle dirige le département d’ethnographie de la fondation Labayru et se lance avec Ander Manterola dans la réalisation de l’Atlas ethnographique de la Vasconie. Une œuvre collective colossale —sous la forme d’une quinzaine de volumes imposants— qui touche à de très nombreux aspects de la vie de notre pays: pratiques culinaires, rites funéraires, jeux des enfants, médecine populaire, pratiques agricoles et d’élevage, rituels de la naissance et du mariage, etc. Ce travail trop peu connu du grand public, réalisé par les groupes Ethniker à travers tout le Pays Basque, par le bais de 70 questionnaires, nous permet d’approcher, de toucher du doigt et de comprendre le quotidien de nos ancêtres. Et surtout de donner du sens à une civilisation qui s’efface, mais qui nous habite encore, sans que nous en soyons très conscients.
En Iparralde dès 1986, grâce à l’association Lauburu et sous la coordination de Michel Duvert, un groupe de travail Etniker apporte sa pierre à l’édifice. Thierry Truffaut et Peio Goity en sont les chevilles ouvrières.
Gurutzi Arregi fut également une des fondatrices de l’association culturelle Gerediaga, dont on connaît l’importance à Durango et au-delà. Membre du comité de rédaction de la revue Anuario de Eusko folklore fondée par Barandiaran, elle présida la section d’anthropologie et d’ethnographie d’Eusko Ikaskuntza. Sa contribution fut également essentielle en faveur de la Revue internationale des études basques ainsi que des Musées Basque et Archéologique de Bilbao. En septembre prochain, elle devait célébrer à Iruñea le congrès des groupes Etniker d’Euskal Herria, poursuivre la diffusion de ce travail et tracer les contours d’une feuille de route pour le XXIe siècle.
Telle fut Gurutzi Arregi. Notre dette à son égard est immense.
Du livre tiède des pierres, celles des ermitages qu’elle a tant aimés, le murmure des légendes, des prières et des rites s’est tu. Mais Gurutzi Arregi a réveillé, nous a transmis le «souffle de la tradition orale, des gestes rituels et de la mémoire qui enveloppent ces vaisseaux immobiles. Et de chaque pierre, comme d’un iceberg au printemps, jaillissent des mots dégelés, des cris, des vérités rauques ou cristallines…»
Eskerrik asko, Enbata eta Ellande. Je suis Juan Mari Arregi, frere du Gurutzi Arregi, Eskerrik asko, pour votre reconanaissement. Juan Mari