Les démocraties craignent au plus haut point la montée actuelle des régimes autoritaires, notamment en Europe, d’autant plus que l’un d’eux, à nos portes, agresse violemment sa première voisine par une guerre totale.
Poutine s’est trompé par méconnaissance du peuple ukrainien dont il nie l’existence : il a renforcé ce qu’il voulait empêcher, et s’il prend un jour l’Ukraine il aura droit à des ruines peuplées de rebelles. Son rêve de retour à la grande Russie des tsars et de l’URSS semble voué à l’échec. Mais qui dans son entourage osera le lui dire sans risquer pour le moins son siège éjectable ? Voilà un point faible des autocrates, et non le moindre : ils sont mal informés car on leur cache les nouvelles désagréables. Ils s’enferment dans leur bulle comme dans un bunker imperméable à la réalité du monde. L’efficacité des régimes autoritaires est illusoire et précaire, comme la faiblesse supposée des régimes démocratiques. Si ces derniers sont lents à se mettre en marche, ils sont aussi résilients, et avec le temps, ils arrivent à fonctionner à la façon de rouleaux compresseurs. Ils sont comme des mille-pattes géants : leur démarrage est laborieux, mais la perte de quelques membres ne les empêche pas d’avancer ; tandis que les autocraties tombent tôt ou tard en même temps que leur leader : celui-ci n’est qu’un bipède comme vous et moi, mais qui se prend trop au sérieux.
Loin de moi cependant l’idée que nos démocraties sont parfaitement démocratiques ; malgré leurs prétentions il s’en faut de beaucoup, et c’est toujours à gagner. Mais surtout les démocraties aussi sont capables de très mal se comporter avec des pays tiers ou avec leurs propres éléments séparatistes. La France était certes une démocratie à l’époque où elle menait en Algérie la sale guerre sans nom que l’on sait, les forces US aussi ont pratiqué la torture (en Irak), les britanniques (en Irlande du Nord), les espagnoles (au Pays Basque), et les israéliennes l’exercent encore dans cette Palestine qu’elles occupent illégalement depuis 1967 ; elles écrasent la bande de Gaza et accentuent leur politique de colonisation brutale en Cisjordanie.
Le gouvernement d’Israël et ses alliés ne veulent pas entendre parler de génocide. C’est pourtant le sort qui attend la Palestine si l’on ne met pas fin rapidement au processus de destruction massive qui est en marche. Le malheur que subit le peuple agressé en Ukraine est ici décuplé par l’étroitesse du terrain et l’entassement de la population. L’Occident reste velléitaire dans son souci de préserver les Palestiniens, ses pressions sur le gouvernement d’Israël sont insuffisantes. Nos dirigeants se montrent d’une timidité maladive dans leur projet d’une solution à deux Etats. Cela s’explique par leur alliance historique avec Israël, mais aussi par le remords de l’ancien antijudaïsme chrétien de l’Europe, puis de la Shoah, sources du sionisme et de l’État d’Israël.
Que faire ? Avant tout reconnaître l’État palestinien. D’autres l’ont déjà fait, pourquoi pas la France, si généreuse en paroles et toujours donneuse de leçons au monde entier ? Son impuissance ne fait qu’alimenter l’antijudaïsme intérieur en décevant une bonne partie de la population, et pas seulement celle d’inspiration musulmane. Elle garde quand même un prestige moral dans le monde, son geste serait utile et contagieux. Il est temps d’oser.