Faire rimer emploi et climat

Oihana Driollet

Les défenseurs de l’extension du centre européen de fret sur les barthes de Mouguerre ne parlaient que de la nécessité, bien réelle, de décarboner le transport de marchandises. Mais le projet de fret dissimulait un passager clandestin : la construction d’une zone artisanale pour déménager l’entreprise Enovis (ex-DJO), dont les 300 salarié·es sont à l’étroit dans leurs locaux actuels.

Alertée en janvier, Bizi! s’est sai sie du sujet, rejoignant le CADE et Mouguerre Cadre de vie, en- gagés de longue date. Les associations ont concentré leur énergie sur cette entreprise dont les besoins pressants faisaient peser la menace d’un lancement rapide des travaux, qui auraient enseveli sous deux mètres de remblais une zone humide de 3,3 hectares.

Au mépris des urgences écologiques

Une artificialisation inacceptable car les barthes de Mouguerre, prairies humides proches de l’Adour, sont un écosystème riche de 58 espèces protégées, assurant un rôle essentiel de régulation de l’eau, et doté d’un grand potentiel de stockage du carbone responsable du dérèglement climatique. Dans le contexte de l’objectif Zéro artificialisation nette (ZAN) et alors que le Plan climat de l’agglo (CAPB) ne vise toujours pas la neutralité carbone, la destruction d’un tel écosystème n’était pas une option pour Bizi!

L’agglomération tenait le discours suivant : soit on installe cette entreprise aux barthes de Mouguerre, soit elle quittera le Pays Basque pour aller s’étendre ailleurs. Pour sortir de ce faux dilemme, nous n’avons cessé d’expliquer qu’on peut “faire rimer emploi et climat” de manière très concrète, en proposant des terrains déjà artificialisés pour installer l’entreprise localement. La réflexion s’inscrit dans une vision globale cher- chant à garantir des conditions de vie dé- centes (ici des emplois locaux) sans pour autant dépasser les limites planétaires.

Une stratégie gagnante

Le 30 janvier, le maire de Mouguerre signait le permis d’aménager. Le 22 avril, la CAPB annonçait que les barthes n’étaient plus une option pour installer Enovis. Comment la situation s’est-elle retournée aussi vite ? Mobilisation de l’opinion publique et étude approfondie du dossier, actions non-violentes et négociations, opposition et proposition d’alternatives : la lutte est exemplaire de la complémentarité des différents registres d’action non-violente qui ont déjà fait leurs preuves chez Bizi!(1) . L’objectif n’aurait pas été atteint en moins de trois mois sans l’élaboration d’une stratégie rigoureuse qui utilise à bon escient les différentes tactiques avec les bons do- sages(2) .

La découverte d’une irrégularité administrative a accéléré le retournement de situation. Une partie du terrain promis pour installer Enovis était classée “zone humide prioritaire” depuis 2022 dans le règlement du Schéma d’aménagement et de gestion des eaux Adour aval, inter- disant son artificialisation. Une inter- diction qui n’avait pas été relevée dans le dossier. A partir de ce moment, nous avions le droit de notre côté.

Le travail de popularisation de la lutte et la mise en place d’un rapport de forces ont été accompagnés d’un travail pour transformer les consciences. Les rencontres avec l’entreprise Enovis et surtout avec les élus de la CAPB ont montré les incohérences et l’insoutenabilité du projet initial. On nous racontait l’histoire d’un moindre mal. Il est devenu évident que l’histoire était surtout celle d’un projet bâti selon des modes de pensée obsolètes.

Reste à espérer que la CAPB, après des années d’égarement, obtiendra un terrain convenable pour l’entreprise. Des “hypothèses sérieuses” étaient à l’étude aux dernières nouvelles.

Ouvrir la voie

De la forêt de Juzan, à Anglet, aux terres agricoles de Marienia, les espaces naturels sont menacés de toutes parts. Si la nécessité de (se) loger sans artificialiser commence à entrer dans les consciences, le même travail doit être mené pour les activités économiques : elles ont représenté 23% de l’artificialisation dans l’Hexagone entre 2011 et 2023. Les documents de planification (SCoT puis PLUi) doivent intégrer cette nouvelle donne et imposer une nouvelle façon de penser et d’agir.

Cette conclusion du dossier Enovis / barthes de Mouguerre est un pas en avant. Reste à faire de cet exemple la nouvelle norme.

(1) présentés dans Beti Bizi, Bizi!, 2019

(2) lire à ce sujet le Guide pour faire échouer des projets contre (la) nature de François Verdet, La Relève et la peste, 2020

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