Escadrons de la mort en Iparralde : un nervis avoue

Le nervis fasciste José Ignacio Fernandez Guaza photographié en octobre près de Buenos Aires.

Caché sous une fausse identité en Argentine depuis 46 ans, José Ignacio Fernandez Guaza commit de nombreux meurtres de militants basques dans les années 70, commandités par la Guardia civil. Débusqué par des journalistes, il avoue et ne se repent pas.

Souvent les services spéciaux ne veulent pas se salir les mains et délèguent les meurtres extra-judiciaires à des « civils ». Cela permet de nier toute implication officielle. C’est ainsi que José Ignacio Fernandez Guaza fit partie d’un commando de quinze hommes chargés de tuer des militants d’ETA ou des opposants politiques espagnols au milieu des années 70. Bénéficiaires d’une formation et d’un entraînement militaires, tous étaient sous les ordres de la Guardia civil. Émargeant sur les fonds secrets du gouvernement espagnol, leurs actions étaient réalisées avec la collaboration de la police française. C’est ce qu’affirme Fernandez Guaza (76 ans), ancien militant d’extrême droite, débusqué par des journalistes-enquêteurs du grand quotidien madrilène El País qui publie un article retentissant paru le 7 novembre. Ils l’ont rencontré pendant deux heures et demi, à 45 kilomètres de Buenos Aires, dans la petite ville de Maschwitz où il vit exilé, sous une fausse identité fournie en 1977 par les services de sécurité espagnols.
« Nous franchissions la frontière [franco-espagnole] pour collecter des informations et également attraper quelques jeunes gens d’ETA. Cela rapportait beaucoup, je suis très bon dans ce travail… nous étions payés en liquide. Armé de pistolets mitrailleurs Ingram, le groupe était logé clandestinement dans des appartements où il demeurait pendant des périodes d’une durée parfois de deux mois, précise Fernandez Guaza qui ajoute que le groupe tuait ses victimes à bout portant. (….) La Direction générale de la Sécurité était au courant de tout, nous avions carte blanche, on s’approchait et on les tuait comme eux, à bout portant. Pas question d’y aller avec un fusil à lunette. Nous avons aussi détruit leur appareil économique. On a fait sauter des restaurants et des entreprises. On les a frappé la où cela leur faisait le plus mal, les sous. Les casernes de la Guardia civil de Gernika et de Bilbao étaient à la manœuvre, poursuit le septuagénaire. Elles étaient le support d’une organisation qui travaillait en coordination avec les services secrets français. A Gernika, à Bilbao, à Lekeitio, nous étions chez nous ».

Ami du tortionnaire Billy el Niño

La caserne de Gernika avait alors à sa tête le capitaine de la Guardia civil Manuel Hidalgo Salas, considéré comme un des plus barbares tortionnaires de la région. Ayant accédé au grade de général, il est décédé dans son lit en 2012. L’association d’Ondarroa Garraxika a recueilli les nombreux témoignages de ses victimes.
Pour expliquer son engagement, José Ignacio Fernandez Guaza révèle : « Mon père était militaire et phalangiste, très ami de Luis Carrero Blanco. Quelle faute avait commis le chauffeur de l’ex-chef de gouvernement qui mourut dans l‘attentat ? » L’homme de main espagnol vit aujourd’hui tranquillement outre-Atlantique, il reconnaît son amitié avec Juan Antonio Gonzalez Pacheco, Billy el Niño, membre de la Brigade politico-sociale, accusé de torture par des dizaines d’opposants et qui décéda en 2020.
Fernandez Guaza fut impliqué dans le meurtre en janvier 1977 d’un étudiant de 19 ans, Arturo Ruiz qui participait à Madrid à une manifestation en faveur de l’amnistie des prisonniers politiques. Ce crime provoqua son départ d’Espagne, d’abord à Paris pendant un an, puis au Paraguay et en Argentine, dirigés alors par les sanglantes dictatures militaires des généraux Alfredo Stroessner (1954-1989) et Jorge Videla (1976-1981). C’est à la frontière du Paraguay que Fernandez Guaza rencontra des agents d’Interpol qui lui signalèrent être officiellement recherché dans 194 pays et ajoutèrent : « Appelles-nous si tu as un problème ». Puis le fugitif entra en contact avec le gouvernement totalitaire du Paraguay par l’entremise de celui qui fut son ambassadeur en Espagne dans les années 70, Rodney Elpidio Acevedo. Ce dernier lui permit de disposer d’un lien avec les services secrets du pays. A Asunciòn la capitale, il rencontra Blas Piñar (1918-2014), fondateur et secrétaire général du parti fasciste Fuerza Nueva, seul député d’extrême droite élu au parlement espagnol durant la Transition démocratique. Fernandez Guaza avait été son garde du corps autour des années 75…

Viva el Cristo Rey !

Homme à tout faire des formations ultra, il reconnaît avoir fait partie de l’escorte de Sixte Enrique de Borbón Parme lors de la manifestation carliste de Montejurra à Estella en 1975. Un conflit de légitimité éclata avec le prétendant Carlos Hugo et vit en 1976 la mort de deux personnes, sous les balles de mercenaires italiens et argentins. A cette époque troublée, Fernandez Guaza était en contact avec le néofasciste italien Stefano Della Chiaie, patron de l’Avanguardia Nazionale et d’une internationale à l’origine de nombreux attentats en Espagne pour maintenir un régime autoritaire après le décès de Franco. C’est dire combien Fernandez Guaza fut actif dans les réseaux fascistes européens qui ont déployé à cette époque une intense activité en Pays Basque et en Espagne.
Les abertzale d’Iparralde présents à cette époque connaissaient les liens unissant extrême droite, franquisme aux abois, services de police et pouvoirs d’Etat. Nous étions bien seuls à l’affirmer et cela a coûté à Enbata et à Jakes Bortayrou des procès en diffamation aux douloureuses conséquences financières. Nous voici aujourd’hui confirmés par un des acteurs de cette période.
Le meurtre du jeune manifestant Arturo Ruiz en janvier 1977 donna lieu à l’ouverture d’une enquête et d’un procès retentissant. En l’absence de Fernandez Guaza, furent révélés les liens de ce dernier avec des groupes d’extrême droite, ses « relations de confiance » avec un garde civil de la caserne de Gernika rencontré en 1975 lors d’une messe à la mémoire d’un policier tué par ETA. Seul l’Argentin Jorge Cesarski, lié à la Triple A (Alliance apostolique anticommuniste), fut condamné à six ans de prison pour détention de l’arme du crime, mais il ne resta qu’un an derrière les barreaux.
Devant les journalistes venus l’interviewer près de la capitale Argentine, Fernandez Guaza reconnaît avoir tué Arturo Ruiz aux cris de « Viva el Cristo Rey ». L’étudiant avait osé lancer un caillou, il lui a tiré un coup de pistolet dans la poitrine. «  », dit-il aux journalistes.
Aujourd’hui encore, José Ignacio Fernandez Guaza bénéficie d’une protection policière. Pendant l’entretien avec les enquêteurs d’El País, quatre policiers en civils veillaient de loin sur lui ; il reçoit de leur part quatre appels téléphoniques quotidiens pour s’assurer de sa sécurité.

Escadrons de la mort, une expo

Le collectif Orhoit eta sala organise à partir du 25 novembre une exposition sur le GAL au Biltxoko, 7 rue des Augustins à Bayonne. L’ouverture de l’exposition sera précédée d’une visite politique du Petit Bayonne avec pour guides Dominika Daguerre et Jakes Bortayrou (rendez-vous le 25 nov. à 10h sur le Pont Mayou).
Pour en savoir plus sur les Escadrons de la mort actifs en Iparralde dans les années 70 et 80, voir https://www.enbata.info/articles/comprendre/le-gal-dans-le-contexte-politique-diplomatique-et-judiciaire-europeen/
Et le document du CEDRI, « Le terrorisme d’État dans l’Europe des démocraties, rapport d’enquête, février-juin 1989 »  : http://escadronsmort.centerblog.net/

Todo por la patria

Pendant deux semaines au mois de novembre, en plein centre d’Iruñea, la Citadelle accueille une exposition consacrée à l’histoire glorieuse de la Guardia civil. Évidemment, pas un mot sur son action déterminante dans la guerre sale en Pays Basque Nord de Sud durant les années 70-80. Pas une ligne sur sa pratique institutionnalisée de la torture des militants abertzale dans ses locaux. La « Benemérita », grande victime du terrorisme, pleure ses 243 valeureux combattants tombés parce que « todo por la patria », comme dit sa devise inscrite aux frontons de ses casernements depuis l’arrivée de Franco au pouvoir (J. O. du 14 janvier 1937). L’Association pour la récupération de la mémoire historique a demandé que cette devise soit remplacée par la suivante : « Todo por la democracia ». La Guardia civil a répondu qu’elle avait plus urgent à faire.

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