Epilogue

Jean-Louis Davant et Ahmed Bouyerdene ont retracé la vie de l’émir Abdelkader, lors de conférences.

Dans la pastorale basque originaire de Soule, j’ai atteint le sommet de mon Everest personnel le dimanche 8 août 2021 au soir, au terme de ma pièce Abdelkader, sur la cancha de mon village Arrast-Larrebieu / Ürrüstoi-Larrabile, entre l’ancienne école communale et l’église où, jusqu’à douze ans, je pris un bon départ dans la vie. Un giga merci à ma famille, à mes divers formateurs et formatrices, ainsi qu’aux nombreux sherpas qui m’ont accompagné ce 8 août 2021 jusqu’à la cime, avec en apothéose un touchant hommage populaire qui m’a comblé. Il n’y a pas plus haut que le haut, donc j’y reste en compagnie de l’émir Abdelkader, philosophe, théologien, poète mystique, penseur universel et saint oecuménique, sans oublier le résistant et le père de la nation algérienne.

Place aux nouveaux auteurs et aux nouvelles autrices. Je ne saurais me plaindre de mon parcours dans ce théâtre basque. Les dix pièces que j’ai produites ont été publiées, huit ont été jouées, une autre est en attente, Nafarroako Blanca, une autre encore fut censurée en 2015, Aita Lhande.

De plus, j’ai eu la chance d’écrire un livre sur ce thème à la demande de la maison d’édition Elkar : La pastorale basque de Soule, Elkar, 2019. Il s’agit de quitter l’archéologie narrative qui tenait la pastorale embaumée dans son sarcophage traditionnel, avec ses éternels chrétiens et turcs, pour se plonger dans le courant de la vie socio-culturelle. Un premier grand pas fut effectué en 1987 par l’association Lauburu dans le livre La Pastorale. Mais le théâtre basque de Soule ayant continué d’évoluer, Pello Etcheverry-Ainchart me proposa d’en dresser un nouveau panorama, et je l’ai fait sans trop de mérite, connaissant la pastorale de l’extérieur par l’étude, et de l’intérieur par mon expérience d’auteur et d’acteur. Mon ouvrage commence par la description d’une journée de pastorale dans un village de Soule. Suivent l’histoire et l’examen détaillé des divers aspects de ce théâtre basque. Le texte est accompagné de nombreuses photos. Comme on peut l’entrevoir, voilà un menu copieux qui aurait dû appeler la critique, tant positive que négative. Étonnamment, aucune plume compétente ne l’a commenté. Il est vrai que la critique littéraire de la pastorale ne s’exprime guère depuis le décès de Roger Idiart, de Jean Haritschelhar et d’une paire de solides chroniqueurs souletins.

Je déplore également la faiblesse de la couverture apportée à la pastorale de cette année (Sibastarrak à Ordiarp) par la presse bascophone du nord, toute aux fêtes de Bayonne. La pastorale en a vu d’autres, elle a survécu à l’hostilité virulente de notre ancien clergé janséniste qui se croyait tout-puissant, elle saura aussi traverser les nouvelles censures du silence dictées par des modes grégaires et précaires.

Dans son évolution actuelle je vois trois grands axes :

– La montée en puissance des femmes et des jeunes filles. Elles accèdent enfin à l’égalité dans tous les domaines : décision d’organiser une pastorale, choix de l’auteur et du thème, organisation et gestion, écriture, mise en scène, rôles… Un point faible malgré tout : la pénurie d’héroïnes en tête d’affiche, nos compagnes étant exclues de la vie publique, sauf exceptions remarquables, jusqu’à une période récente. Mais on peut en trouver dans la vie moderne, au Pays Basque et ailleurs, la pastorale pouvant célébrer aussi des personnages non basques, pourvu qu’ils soient universels, comme ce fut le cas à Musculdy en 2022 avec la pièce Simone Veil, et au masculin un peu avant avec René Cassin à Chéraute en 2013, puis Abdelkader à Arrast-Larrebieu en 2021.

– La sécularisation de ce théâtre, à l’image de la société ambiante laïcisée, ringardise les appellations historiques de chrétiens et de turcs désormais anachroniques, obsolètes, à remplacer par la couleur bleue ou rouge des deux camps opposés : le camp positif et le camp négatif.

– La création se délocalise désormais vers Bayonne et vers la Haute-Navarre. Le Guipuzcoa devrait s’y mettre aussi, par exemple en célébrant le Donostiar Txillardegi, père du basque unifié. L’extension de la production au-delà de son cadre originel est un fait inéluctable et que je crois bénéfique. Il faut assurer la promotion de notre théâtre national populaire, désigné comme tel par feu Jean Vilar, et ce devoir concerne l’ensemble des Basques, d’autant plus que c’est un travail agréable et gratifiant, je peux vous l’assurer par mon propre vécu.

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