La pandémie Covid-19 bouleverse l’équilibre de nos sociétés. Elle exacerbe aussi l’opposition générationnelle au risque de sacrifier la jeunesse, donc notre avenir.
“C’est dur d’avoir 20 ans en 2020”. Tels étaient les mots du Président de la République française, Emmanuel Macron, lors de son allocution du 14 octobre adressée aux Français. Certains pointeront du doigt le manque de vision historique d’un chef de l’État qui fait fi d’un passé proche au cours duquel les guerres ou les récessions économiques ne rendaient pas la vie facile aux jeunes adultes.
Néanmoins, la crise du Covid-19 et sa capacité à exacerber les phénomènes constitutifs de l’imaginaire collectif des millenials fait figure de point de non-retour pour une génération en âge de se forger une identité.
Communément, la catégorie “des jeunes” existe dès lors que la transition entre l’adolescence et l’âge adulte passe inexorablement par une période de recherche perpétuelle, une période où tout le poids de l’avenir pèse sur nos épaules.
Certes, 2020 n’a pas été vécu aussi durement pour tous les jeunes : soutenir le contraire reviendrait à omettre l’existence des classes sociales et des rapports de pouvoir chez les jeunes générations ; en outre, au moment de faire la liste des maux de l’année écoulée, toutes les générations auraient leurs mots à dire.
Je souhaite tout de même attirer l’attention des lecteurs sur cette génération qui aura, dans une dizaine d’années, les clés d’un changement de société ou qui reproduiront le modèle établi.
C’était mieux avant
La rengaine “c’était mieux avant”, souvent accompagnée d’un soupir de dépit, accompagne aussi la nostalgie de la jeunesse révolue. Au fond, “c’était mieux avant” peut être remplacé par la formule “c’était mieux quand nous étions jeunes”.
Les générations qui ont découvert le monde du travail après la crise économique de 2008 et la liquidation méthodique de l’État providence, auront manifestement, une fois n’est pas coutume, des conditions de vies matérielles moins favorables que celles de leurs parents.
Pour les jeunes non issus des milieux privilégiés, la case précarité semble être un passage obligé. Et ce n’est pas la Covid-19 qui les tirera d’affaire. Ce virus est moins dangereux pour les jeunes que pour d’autres franges de la population, mais la gestion de cette crise systémique engendre une misère criante touchant particulièrement les étudiants et les jeunes travailleurs ou demandeurs d’emploi. Le RSA pour les 18-25 ans et l’attribution d’allocations chômage pour les travailleurs précaires ne sont pas à l’ordre du jour et le job étudiant ou le stage en entreprise devient une denrée rare.
Anxiété des jeunes
A l’heure où je rédige cette chronique, un troisième confinement est évoqué. Le flou entourant la campagne de vaccination et l’apparition d’un variant du virus compromettent l’éventuel retour à une vie dite “normale” dans les prochains mois. Pendant ce temps, le raz-de-marée d’informations en tout genre ou encore le négationnisme et le complotisme omniprésents sur les réseaux sociaux, participent à l’anxiété des jeunes.
Impossible de se projeter dans ses études, ni même dans sa vie professionnelle ou sentimentale… Le mal-être et les troubles psychologiques d’une génération évoquent le besoin de se construire dans un rapport aux autres, de faire le plein d’expériences, aussi bien personnelles que collectives et d’envisager un projet de vie au-delà du court terme. N’en déplaise aux critiques de “l’effet apéro” rêvant de gouverner des homo economicus, tous les jeunes ne sont pas irresponsables et étrangers à l’idée de solidarité, tous les jeunes ne se font pas à l’idée d’être une génération sacrifiée.
N’en déplaise aux critiques de “l’effet apéro”
rêvant de gouverner des homo economicus,
tous les jeunes ne sont pas irresponsables
et étrangers à l’idée de solidarité,
tous les jeunes ne se font pas
à l’idée d’être une génération sacrifiée
Contestation du système
Le modèle de croissance à tout va, accompagné d’un pouvoir d’achat qui bénéficie à tous, est en passe de s’effondrer. Mais heureusement, pour les nouvelles générations, la nostalgie de cette époque révolue ne convainc plus. Au contraire, l’appropriation de la question climatique pourrait même faire levier dans la contestation du système capitaliste et productiviste.
L’autoritarisme galopant et le déni de liberté servent également de révélateurs, de prise de conscience ou de nouvelle base vindicative à la maxime : “les mêmes droits pour toutes et tous”.
A l’échelle d’Euskal Herria, l’existence d’alternatives dans les domaines énergétiques, alimentaires, culturels, monétaires ou linguistiques, esquisse les prémisses d’une utopie qui se met en place jour après jour.
Je ne suis pas un optimiste béat, je ne suis pas non plus partisan de la formule “le pire sera le mieux”. Mais c’est entre ombre et lumière que les jeunes, dépossédés de leur pouvoir de décision et de leur avenir, doivent se donner les moyens de devenir cette force transformatrice.