Et l’Eusko dans tout cela

Pantxoa Bimboire: Outre que l’eusko réintroduit une séparation à la frontière, que l’euro avait gommée, quels en sont les désavantages? Dante Edme-Sanjurjo: Premi-èrement, l’eusko est une monnaie complémentaire: elle ne remplace pas l’euro. Les échanges en euros vont bien entendu continuer! Deuxièmement: l’article 2 des 40 Rè-gles de fonctionnement de l’eusko dit: «Son extension au Pays Basque Sud est possible». Nous ne pouvons bien entendu pas affirmer qu’elle aura lieu et parler à la place des Basques du Sud, l’extension de l’eusko dépendra de leur volonté. Mais nous avons déjà été contactés par des personnes souhaitant expérimenter l’eusko au Sud, et dès le système opérationnel au Nord nous pourrons accompagner ces expérimentations de l’autre côté. Pour l’instant, nous devons plutôt freiner le mouvement faute de moyens humains suffisants pour répondre aux sollicitations du Sud! Enfin, le fait de mentionner la possible extension au Sud de l’eusko dès l’article 2 montre l’importance que nous portons à cette question.

P. B.: Elle ne s’adresse qu’aux entreprises ayant leur marché en Iparralde et dont la majorité des paiements sont en espèces.
D. E-S.: Oui et non. Oui, l’eusko s’adresse aux entreprises actives en Iparralde, puis-que c’est un outil de relocalisation de l’é-conomie: l’eusko permet seulement des échanges au sein du Pays Basque afin de favoriser les échanges locaux: et non, il ne s’adresse pas aux entreprises travaillant surtout avec des espèces: avant la mi-2013 sera mis en place un système de paiement électronique à distance au moins pour les professionnels, peut-être même pour les utilisateurs. Nous connaissons très bien les besoins et contraintes des entreprises, pour avoir régulièrement échangé avec des chefs d’entreprises lors de nos réunions. Ils ont d’ailleurs fait évoluer le projet initial.

P. B.: Elle ne résout pas les handicaps fondamentaux de l’économie d’Iparralde. Ce qui signifie qu’elle concentrera les achats en eusko sur les entreprises (artisans ou commerçants) ou les acteurs économiques (paysans).
D. E-S.: L’eusko n’a jamais prétendu ré-soudre les handicaps fondamentaux de l’économie d’Iparralde. Mais qui pourrait se targuer de relever un tel défi? L’eusko est une monnaie complémentaire à l’euro, est une initiative complémentaire à tous les projets qui ont été portés depuis des décennies pour permettre un développement harmonieux du Pays Basque. L’eusko est un outil en plus, dont l’efficacité dépendra du soutien qu’il recevra, notamment de ceux qui en leur temps ont porté des projets novateurs qui ont depuis fait leurs preuves, et qui se sont avérés très utiles pour le Pays Basque, pour son économie, sa culture, sa langue ou son environnement.

P. B.: Les acteurs de cette centralisation tels que par exemple les grandes distributions déjà assurant l’immense majorité des besoins n’y adhéreront pas.
D. E-S.: Nous pensons en effet que jamais les actions positives des acteurs de la grande distribution (mécénat, bilinguisme) ne compenseront l’impact négatif qu’ils ont sur leur territoire: concurrence aux commerces de proximité, incitation à la sur-consommation, désertifications des centre-villes et centre-villages, emploi précaire… Nous a-vons choisi notre camp: celui des PME, paysans et commerces de proximité. Selon Les Coulisses de la grande distribution (Christian Jacquiau, Albin Michel, mars 2000), chaque emploi créé fans la grande distribution en détruit trois dans les commerces de proximité.

P.B.: Le mode de paiement en espèce tend à disparaître. Il a été expliqué que des paiements, par compensation, sont à l’étude.
D. E-S.:: C’est pourquoi nous allons développer un eusko électronique. Nous avons observé en Allemagne, avec la monnaie Chiemgauer, en Bavière, que 70% des éch-anges avec cette monnaie locale se font de manière électronique.

P. B.: La part des sociétés ou des paysans dans la gestation du projet a-t-elle été assez importante?
D. E-S.: Non, Lantegiak n’a pas été consulté en tant que tel, mais nous avons eu de nombreux contacts avec des chefs d’entreprises et paysans, et avons entendu leur point de vue, qui a fait évoluer notre projet. Nous avons sans doute grâce à cela de très bon retours de la part de nombreux commerçants et chefs d’entreprise quand nous leur proposons de rentrer maintenant dans le réseau.

P. B.: Il est prévu un coût net de 5% auquel doit être ajouté un coût de gestion dans l’accumulation des tracasseries administratives déjà anti-économiques.
D. E-S.: Il est vrai que ces 5% représentent un coût. Mais nous avons observé en Allemagne qu’en moyenne les 600 entreprises du réseau réutilisent 70% de la monnaie locale qu’elles reçoivent. Ainsi, elles relocalisent effectivement leurs achats, et ne paient en commission que 5% de 30% de leurs entrées en monnaie locale, qui ne constituent de fait qu’une petite part de leur chiffre d’affaires. De plus, en échangeant avec les commerçants allemands, pas un seul ne s’est plaint de cette commission, mettant en avant les avantages du système pour eux, et pour les associations qu’ils financent grâce à ces 5% (3% vont aux associations désignées par les particuliers, et 2% à l’association de gestion de la monnaie).

P. B.: Elle favorise les détournements vers le monde socio-éthique mais faut-il une telle usine à gaz pour inciter les habitants de ce pays pour donner ou pour aider?
D. E-S.: Bien évidemment, personne n’a attendu Euskal Moneta pour soutenir la vie culturelle et associative du Pays Basque, et heureusement! Encore une fois, nous sommes un outil en plus! Les entreprises ne réutilisant pas leurs euskos vont financer les associations, et les associations, pour cela, vont inciter leurs adhérents et sympathisants à adhérer à l’eusko, donc à être clients de ces entreprises. Ce n’est pas un détournement, c’est un système de solidarité, inventé en Allemagne, et dont nous avons pensé qu’il serait particulièrement bien adapté au Pays Basque, qui a une forte culture associative et de l’action collective.

P. B.: Il est mis en place un agrément des entreprises pour les faire adhérer à l’eusko. Il n’est pas certain que l’autorité qui agréé soit compétente, impartiale et avertie des contraintes économiques.
D. E-S.: C’est sous-estimer le travail que nous avons réalisé et notre pragmatisme: bien entendu, les chefs d’entreprises constitueront une proportion importante, bien que non majoritaire à elle seule, du comité d’a-grément. Et nous demandons à tout chef d’entreprise entrant dans le réseau de participer, sauf cas de force majeure, à l’Assemblée générale annuelle. C’est un moyen de souligner l’importance qu’a pour l’eusko leur participation et leur point de vue.

P. B.: Il y aura aussi un effet pernicieux de l’eusko: l’effet «mistigri» du billet qu’on essayera de se repasser (pour échapper à la décote de 5%) et qui atterrira vers l’entreprise ou le paysan «bonne poire» du microcosme consanguin.
Ce problème d’écriture se retrouve aussi si le salarié accepte de recevoir une partie de sa rémunération en eusko…
D. E-S.: En termes de comptabilité, comme attesté par deux experts-comptables du Pays Basque, il n’y a aucune difficulté d’écriture. Le chiffre d’affaires est 100% en euros, l’eusko n’est qu’un mode de paiement, au même rang que les espèces, chèques,
CB, chèques Vacances, tickets restaurant… Quant aux professionnels ne pouvant pas écouler d’euskos auprès de leurs principaux fournisseurs, pour certains nous aurons des solutions de remplacement, pour d’autres non, et soit ils auront en effet des frais de commission de 5%, charge à eux de voir si les avantages du système pour eux et leur territoire vaut le coût, soit ils préféreront ne pas entrer dans le réseau. Nous ne prétendons pas créer un système qui convienne aux besoins de tout le monde. Nous espérons cependant qu’il conviendra au plus grand nombre.

P. B.: En ce qui concerne le salaire, une partie versée en eusko est elle légale (risque de décote 5%)? Obligera-t-il l’entreprise à corriger cette décote en payant légèrement plus? Les syndicats ont-ils un avis sur cette question?
D. E-S.: Pour les salaires, tout est 100% légal, simple et validé par des experts-comptables. Un paiement en eusko est un paiement en liquide: il faut le mentionner sur la fiche de paie en tant que tel, avoir l’accord du salarié, lui faire signer un reçu quand on lui donne les euskos, et plafonner les paiements à 1.500 euros (les primes et heures supplémentaires pouvant être en sus).

P. B.: Un double emploi avec RSO des entreprises territoriales.
D. E-S.: C’est précisément parce que l’eusko ne fait pas le même travail que la marque territoriale que c’est un outil complémentaire. Sinon, il ferait en effet double emploi.

P. B.: L’idée bonne se révèle être difficile à mettre en place…
D. E-S.: C’est beaucoup de travail, mais ce n’est pas si compliqué! Nous avons surtout besoin de bonnes volontés, si possible disposant d’un peu de temps, et de commerçants et chefs d’entreprise prêts à prendre le (petit) risque d’adhérer à l’initiative!

P. B.: Je suis peut être trop «vieux» ou trop «blasé». Et l’enthousiasme que j’ai ressenti auprès de certains, m’indique que ma prudence est peut être pas la bonne attitude. Sans enthousiasme, les entreprises qui font le fleuron du premier cercle Lantegiak, Hemen/Herrikoa, Seaska, Gure Irratia, EHLG, etc. auraient ils vu le jour? Aussi, le sujet mérite débat et il ne faut pas refermer trop tôt la porte. Merci aux promoteurs de répondre néanmoins aux questions qui se posent, sans trop m’en vouloir si possible…
D. E-S.: Nous ne vous en voulons pas le moins du monde et cette conclusion est en effet bienvenue: nous espérons en effet bénéficier du soutien, ou au moins de la bienveillance, des acteurs qui savent ce que c’est que monter un projet à la seule force du bénévolat pour construire un Pays Bas-que dans lequel nos enfants vivront aussi bien, et peut-être mieux, que nous y avons vécu.

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