Hartzea Lopez Arana
Pas de doute, la manifestation du 20 novembre dernier à Baiona a été significative à plusieurs égards. Tout d’abord par son importance, signe d’un malaise grandissant concernant les personnes et les thématiques touchées. Révélatrice aussi par son mode d’agencement et les voix qu’elle a faite résonner, point d’orgue ou de départ de futures mobilisations diverses.
Il y a, au centre, une plateforme composée de dizaines d’organisations qui font le pari d’être un levier pour impulser des politiques moins voraces et plus régulées, dans une démarche qui fait suite aux dynamiques militantes majoritaires de ces dernières années, à savoir une société civile alerte et structurée, en lien avec des élus et responsables locaux. Sera t-elle capable de faire pression sur les pouvoirs publics pour renverser la vapeur de la logique marchande ? L’effort fourni a le mérite de s’attaquer à une question complexe en voulant y apporter des réponses concrètes et limiter la casse serait déjà un pas élémentaire. Gageons que les résultats seront à la hauteur des ambitions quoi qu’il en advienne, et que ce gros moteur mis en route ouvrira bon nombre de perspectives, de visions et de débats.
Assez pour avancer ? N’en doutez pas, tout ne peut être que louanges. A titre d’exemple, recevoir la mairesse d’Hazparne à cette manif de Baiona, elle qui, au nom de la propriété privée, s’était empressée de faire expulser les jeunes du gaztetxe occupé de son village sans pour autant leur apporter de solution viable, est aussi un autre élément représentatif de cette conjoncture. Une fois encore, la bande d’opportunistes en costumes, ravie de pouvoir se montrer aux côtés du peuple s’engouffre dans la danse, en échange de quelques mesures et d’autres déclarations, le président de la CAPB en tête. La tactique interclassiste et les messages lissés favorisent évidemment cette logique, établie et assumée. Gageons que sur une question aussi sociétale comme celle du logement, des choix plus tranchants viendront peu à peu s’insérer au sein des revendications et pratiques de ces organisations de la plateforme, elles qui voudraient devenir l’axe principal tout en mettant leur pluralité en avant.
Et de la pluralité, parlons-en, car il y en a de plus en plus. A commencer par ces groupes locaux hétérogènes qui se développent dans plusieurs endroits et qui remportent déjà des batailles, comme à Urkoi. Ou ces occupations qui marquent le paysage et seront amenées à faire des petits, notamment par le biais du feu collectif BOST, ou encore avec celle, victorieuse, de Donamartiri contre la 5G. Puis, il y a ces tags qui fleurissent régulièrement sur les vitrines des agences immobilières avec ces slogans récurrents, qui dans certains cas voudraient appuyer sur le champignon pour passer à autre chose que juste de la peinture. Et cette analyse binaire de la part des communistes-antifa, pour qui les institutions sont une partie du problème, mais pas de la solution. J’oublie sûrement d’autres élans et associations, tellement on a l’impression que les milieux militants et sympathisants du Pays Basque nord se transforment et se redéploient, sur le terrain de cette crise foncière et immobilière. Il fallait bien un ennemi commun et surtout une situation limite pour se remettre à s’activer de manière générale, pour concevoir un petit peu plus d’unité que de divisions et gageons que tous les secteurs engagés se renforceront, sans exceptions.
Initiatives entremêlées ou antagoniques ? Impossible d’y répondre catégoriquement pour l’instant, tant l’avenir est open bar. Beaucoup de monde sur la ligne de départ avec des intentions et des objectifs multiples, ou l’on entraperçoit cette fâcheuse tendance à prêcher chacun pour sa chapelle. Gageons qu’à défaut de convergences claires, les tendances en lisse emprunteront des chemins parallèles, avec ce critère d’efficacité : la capacité à articuler de manière intelligente les différences, en évitant un déchirement.
Quoi qu’il en soit, pour ceux et celles qui nous sentons le mieux à notre place dans des groupements horizontaux et non encartés, avec des desseins d’occupations temporaires ou prolongées, de désobéissances et d’actions directes diverses, il s’agit maintenant de sortir des micro-politiques et de se faire les dents, en s’organisant pour tenir sur la durée, doucement et sûrement. Pour devenir une pièce ancrée du puzzle, tout en fixant ses propres temporalités.
Ce n’est pas, contrairement à ce que pourraient penser certains, une recherche de radicalité pour « se faire plaisir » en priorité. C’est poser des moyens d’action qui feront tôt où tard la différence dans l’aboutissement de conflits autour de projets bétonneurs ou de constructions déjà en place, à l’image notamment des ZAD ou des Soulèvements de la terre. C’est, dans la mesure du possible et en même temps que nous prenons conscience de nos forces et potentialités, vouloir déplacer le centre de gravité vers plus d’offensivité, plus d’alternatives hors système établi.
C’est construire un autre projet de territoire, de transformation sociale et écologique en profondeur sans avoir peur des actes ni des mots, avec de la considération à l’égard de ceux qui ne pensent pas comme soi.
C’est une bataille contre un modèle, celui des riches à qui on donne toutes les facilités pour devenir encore plus riches, impunément et au détriment de la grande majorité. Une bataille pour une gestation de mutualisations et d’altruismes, afin que le combat autour du foncier et du logement devienne, plus tard, un précédent pour alimenter le projet de révolution populaire basque, avec, pourquoi non, un logement et un lopin de terre gratuits pour toutes et tous. Ni plus, ni moins !