J’ai attentivement écouté l’intervention du préfet lors de l’assemblée générale extraordinaire du Conseil de développement du Pays Basque et je voudrais livrer ici deux ou trois réflexions qu’elle m’a inspirées, puis livrer ma propre analyse sur le moment particulier que nous vivons.
M. Pierre-André Durand écarte la proposition de Collectivité territoriale à statut particulier de l’éventail des hypothèses de réorganisation territoriale dont nous pouvons débattre, bien qu’elle émane des élus et de la société d’Iparralde. La démocratie française reste donc pour le Pays Basque le droit de discuter des seules options provenant de Paris, rien n’a changé sous le soleil.
L’argumentation du préfet est simple (…iste ?) “Il y a eu un arbitrage gouvernemental qui a écarté l’option de la Collectivité territoriale Pays Basque et donc, si l’on est républicain, il nous faut l’accepter”.
Ah bon ?
Pour l’écotaxe, non seulement il y avait eu un arbitrage gouvernemental, mais une loi avait été votée, par l’ensemble des parlementaires. Et pourtant le gouvernement est bien revenu dessus. Quels enseignements doivent en retirer Batera, le Conseil des élus et le Conseil du développement du Pays Basque?
Drôle de calendrier
Le représentant de l’Etat demande aux maires du Pays Basque de se prononcer sur ses différentes propositions de regroupement des 158 communes du Pays Basque avant la fin de l’année. Or, un débat parlementaire est en cours sur le projet de loi gouvernemental portant sur la nouvelle organisation territoriale de l’Hexagone. Sera-t-il terminé en décembre 2014 ? Comment et pourquoi se prononcer avant ses conclusions alors même qu’elles pourront modifier les termes de notre débat?
Et surtout, pourquoi renoncer à peser sur ce débat, par l’intermédiaire de nos parlementaires et sur la base des propositions du Conseil des élus du Pays Basque ? La structuration des Communautés d’agglomération ou des Communautés urbaines a été conçue pour des ensembles de quelque dizaines de communes, 50 à 70 au maximum.
Maintenant qu’on l’envisage pour des ensembles de 158 communes comme c’est le cas du Pays Basque Nord, on doit sûrement pouvoir imaginer des modes de gouvernance et de structuration infra-territoriale qui n’en fassent pas des usines à gaz ingouvernables et anti-démocratiques. Laissons au Conseil des élus le temps de commander les expertises nécessaires et de formuler les propositions souhaitables afin que la loi en cours de discussion puisse accoucher de formules adaptées à notre situation (et à celle de tout regroupement visant à rassembler autant de communes et de territoires différents mélant l’urbain et le rural).
Nous avons largement le temps d’ici à la mi-2015 pour nous prononcer sur la formule exacte pouvant revêtir le regroupement souhaitable des 158 communes d’Iparralde au sein d’un même Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI). Et ce regroupement, que le préfet dit vouloir (est-il sincère ?) sera d’autant plus acceptable et donc faisable que la loi en permettra une gouvernance adaptée et démocratique, une structuration interne pouvant rassurer tant les élus de l’intérieur que de la côte basque.
Nous serons également mieux à même d’apprécier ce que chaque cas de figure nous permettra d’espérer en termes de fiscalité et de compétences.
Communauté d’agglomération ou communauté urbaine ?
J’ai été étonné, lors de cette même AG extraordinaire, d’entendre le préfet prendre parti pour la Communauté d’agglomération comme meilleure formule de regroupement pour l’ensemble des communes du Pays Basque Nord.
Cette position politique, subjective, n’était étayée par aucune argumentation technique permettant de comprendre en quoi la Communauté d’agglomération aurait plus d’avantages pour Iparralde que la Communauté urbaine, en termes de compétences, de dotations financières, de mise en place plus acceptable, d’évolutions postérieures plus aisées.
Un moment important pour Iparralde
Nous vivons un moment doublement spécifique, qui n’a rien à voir avec les propositions du préfet. Celles-ci ne sont en fait que la présentation des possibilités offertes par la loi, hier, aujourd’hui et demain à l’ensemble des intercommunalités de l’Hexagone qui désireraient se regrouper.
D’une part, après quasiment 20 ans de bataille ininterrompue pour un département Pays Basque ou une Collectivité spécifique Pays Basque, nous nous retrouvons avec un panorama politique local particulier, à un moment important où va avoir lieu un processus de regroupement des intercommunalités de moins de 20.000 habitants (sauf amendement — possible— du projet de loi en cours de débat), ce qui en concerne 7 sur 10 en Iparralde. Du triptyque des trois maires du BAB Grenet- Espilondo-Borotra opposés au département Pays Basque nous sommes passés à celui d’Etchegaray-Olive-Veunac, tous partisans déclarés d’une collectivité territoriale Pays Basque. C’est également le cas de tous nos parlementaires et de la majorité du Conseil des
élus. Le tout, sur fond de fin de lutte armée et de renforcement de l’implantation du vote abertzale —avec lequel il faut désormais également compter entre les deux tours— doit permettre de faire avancer un certain nombre de choses.
D’autre part, si la fusion des régions venait à être confirmée et notamment celle du monstre Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, parallèlement à la disparition ou au dépouillement des départements, l’hypothèse d’un Iparralde éclaté entre trois ou quatre intercommunalités nous condamnerait à ne plus rien peser, non pas comme aujourd’hui mais encore moins qu’aujourd’hui. Le contexte général, si la loi va jusqu’à son terme (ce qui n’est pas certain au vu du manque de légitimité et de marges de manoeuvre de l’actuel gouvernement), nous poussera à un regroupement en une Communauté Pays Basque Nord. Reste à peser sur le débat parlementaire pour arracher les formules permettant la meilleure formule possible pour Iparralde.
Nous vivons un moment doublement spécifique,
qui n’a rien à voir avec les propositions du préfet.
Nos objectifs
Le choix final devra se faire en son temps et en son heure, au vu de la situation et des éléments en présence à la fin du processus parlementaire. Nous devons gérer la phase de regroupement des intercommunalités (qui doit prendre fin au 1er janvier 2017) en visant plusieurs objectifs à la fois:
—défendre la territorialité du Pays Basque Nord et donc combattre toute fusion intercommunale avec le Béarn ou les Landes
—créer un sujet Iparralde et renforcer son poids dans ce nouveau contexte mouvant et dangereux de réorganisation territoriale de l’Hexagone (sans parler de la réduction drastique des dotations de l’Etat aux collectivités), et donc combattre tout scénario pouvant déboucher sur plusieurs intercommunalités,
—renforcer la cohésion interne et la solidarité territoriale d’Iparralde,
—arracher la Collectivité territoriale Pays Basque que nous appelons de nos voeux ou renforcer notre capacité à aller vers elle. Lyon a été une Communauté urbaine avant de devenir une Collectivité territoriale à statut particulier.