Au moment où ces lignes sont écrites, nous ne pouvons encore savoir quelle sera au final la décision du président de la République au regard d’une possible déchéance de la nationalité pour des individus convaincus de terrorisme et qui seraient des binationaux. Il semble que le premier ministre ne soit pas susceptible de varier tant il campe sur une position qui se veut autoritaire et qui est surtout caricaturale. La fermeté aujourd’hui se résume à plus va-t’en guerre que moi, tu meurs… sensée nous protéger de tous les malheurs à venir. En fait la tactique du gendarme épousée par Valls ne vise qu’à surfer au mieux sur la vague des sondages faisant fi de toute hauteur de vue et sombrant de façon superbement lamentable dans le piège qui nous est tendu.
Tout a été dit ou presque sur cette question et en priorité que cela serait totalement inefficace, au moins sur ce point nous ne pouvons que constater un magnifique consensus. Alors pourquoi s’y résout-on ? Selon le premier des ministres parce que ceux qui nous attaquent ne méritent pas de rester dans la communauté nationale et que la meilleure façon de les punir est de les bannir. Cela a le mérite de la simplicité, voire c’est assez simplet et nous sommes sans doute fondés à attendre de meilleurs arguments du sommet de l’Etat !
Cette mesure aurait d’après ses zélateurs une portée seulement symbolique et le but est que nombre de personnes trouvent dans cet ersatz de la loi du talion une satisfaction à très court terme. Or, il ne faut jamais négliger les symboles car leur impact peut être dévastateur et produire des effets inattendus. Celui-là fournira des arguments complémentaires pour embrigader de jeunes paumés qui trouvent déjà dans les délires de l’Etat islamique, des raisons pour rejeter un de leur pays d’origine.
Sur le mode, “de toute façon la France ne veut pas de toi, elle pratique la discrimination à ton endroit, tu n’es pas un Français de souche” on enrôlera de nouveaux adeptes. La mesure n’est donc pas anodine, et si elle est inefficace dans un sens, elle peut se révéler d’une redoutable efficacité dans un autre!
Drôle de façon de nous protéger, non ? Mais la machine semble lancée… Après un démarrage hasardeux puis un peu poussif de l’affaire, l’hôte de l’Elysée a repris la main, démenti sa ministre de la justice, et signifié au peuple ébahi que la parole présidentielle était une et indivisible.
Peu importe que cette disposition aille à l’encontre du principe d’égalité devant la loi, peu importe que ce ne soit plus le crime qui détermine la peine mais l’origine même de la personne, peu importe que cela détermine deux catégories de citoyens ! Non, ce qui importe c’est de répondre de la manière la plus populiste qui soit à une légitime inquiétude, le personnel politique en exercice n’étant plus là pour montrer la voie mais bien pour courir derrière la vox populi !
C’est tout simplement très grave et il faut s’étonner que dans ce pays aucune grande voix ne remplisse plus cette fonction de contrepouvoir, ne porte plus le débat nécessaire au fonctionnement de toute démocratie. Nous sommes submergés par la médiocrité de gouvernants sans convictions, qui n’ont d’autre gouvernail que la SOFRES.
C’est sûrement là que réside le plus grand des dangers dans des moments où la survie de l’état de droit exigerait des serviteurs d’une autre trempe !
Pris entre le glissement du pays vers des horizons droitiers et la révolte de ceux qui ont encore quelques valeurs chevillées au corps, le président Hollande n’en finit pas de réfléchir mais l’idée que 2017 approche, et que les “droits de l’hommistes” ne sont plus légion doit peser lourd dans la balance. Cette stratégie cynique si elle se confirme, pourrait être le catalyseur de dérives déjà bien amorcées. Il ne suffit pas de marteler “liberté, égalité, fraternité” en permanence ou de mettre la Marseillaise au programme de tous les meetings socialistes pour que le pacte républicain soit sauvegardé. Il faudrait de toute urgence retrouver la boussole et ce n’est pas l’hommage aux “Charlie” de ce mois de janvier qui en aura été le premier acte !
Il s’agit bien plus d’une faute politique, il s’agit d’une mesure anti-républicaine qui contrevient au droit du sol fondement de la citoyenneté française, il s’agit de nous faire entrer de force dans une autre ère, il s’agit bien d’ébranler ce qui fait sens depuis la Révolution française !
Les synonymes de déchéance sont : l’abaissement, l’avilissement, la chute, la décadence, le déclin… et cela peut résonner de multiples façons pour peu que l’on consente à s’y arrêter.