Crise du logement, “ il y a une possibilité d’action ”

Cécile Duflot © Maxime Riché
Cécile Duflot © Maxime Riché

Le lundi 21 novembre aura lieu à Bayonne une soirée spéciale Urgence logement. Aux côtés des têtes de liste Alda aux élections HLM, on pourra y entendre le député et journaliste François Ruffin, la responsable Europe de la Fondation Abbé Pierre Sarah Coupechoux, le fondateur et porte-parole du DAL Jean-Baptiste Eyraud et la directrice générale d’Oxfam et ancienne ministre du logement Cécile Duflot. En amont de cette conférence exceptionnelle, qui se tiendra à la Maison des Associations de Glain, Cécile Duflot répond aux questions d’Enbata.

Alors que 2023 marquera les 10 ans de votre fameuse loi ALUR, quel bilan global tirez vous de votre passage au ministère du logement ?

Une leçon essentielle : il y a une possibilité d’action. La loi ALUR a permis de remettre de la régulation dans un secteur qui était marqué par l’inverse. Notamment sur la question des loyers et des professionnels de l’immobilier. Je retiens aussi que l’importance essentielle du secteur et des politiques du logement est sous estimée. C’est non seulement un budget considérable —en dépenses publiques— mais aussi un secteur de recettes considérables mais c’est surtout un bien de première nécessité la réponse à un besoin vital !

Quelles sont les évolutions législatives, voire constitutionnelles, que vous jugez aujourd’hui indispensables pour garantir à toutes et tous le droit à un logement accessible ?

Un certain nombre de freins à de possibles avancées juridiques sont liés à un déséquilibre entre le droit de propriété et le droit au logement. Je pense qu’il faudrait rehausser le dernier à la valeur du précédent. Il faudra aussi, comme la suspension de l’application de la loi Alur en 2014 n’a pas permis que l’encadrement des loyers soit mis en oeuvre assez vite, étudier les possibilités d’aller au-delà de la contention des loyers et de pouvoir en faire baisser certains. La hausse des factures d’énergie va venir aggraver les dépenses contraintes des ménages, déjà soumises à la cherté des loyers.

Quelles mesures pour protéger les populations les moins riches, à court et à plus long terme ?

La vraie question est, comme je le disais, de faire baisser les dépenses contraintes liées a l’habitat. Il faut savoir qu’elles sont bien plus importantes pour les plus pauvres que pour les plus riches. Pour les plus riches elles représentent environ 10% de leurs revenus et cette proportion est stable depuis les années 60. Pour les 10% les plus pauvres cette proportion s’est envolée pour approcher les 50 % et c’est insoutenable.

Oxfam, dont vous êtes aujourd’hui la directrice générale, a élaboré un manifeste fiscal avec 15 mesures rapportant 65 milliards et 15 propositions pour agir sur le climat et la solidarité. Pouvez vous nous en dire plus ?

Le manifeste propose de financer la transition écologique et les besoins d’investir dans la solidarité. Ce sont 15 réformes fiscales concrètes qui permettraient de rendre notre système d’imposition plus juste, plus durable et plus lisible. Parmi elles figurent : une taxation des super héritages, une surtaxe aux millionnaires les plus polluants, un impôt sur le revenu plus lisible, plus progressif et plus féministe, ou encore une réforme de la fiscalité des pensions alimentaires pour que les femmes soient moins perdantes. Ces réformes rapporteraient 65 milliards d’euros et pourraient financer un ambitieux programme d’investissements publics pour réduire les inégalités et la pauvreté et répondre au défi climatique, notamment en revalorisant le budget de l’hôpital public, en finançant des logements sociaux, de nouvelles places en crèches, mais aussi en renforçant les prestations sociales, en investissant davantage dans la transition bas-carbone et en finançant la solidarité internationale par le renforcement de l’aide publique au développement.

15 réformes fiscales concrètes
permettraient de rendre notre système d’imposition
plus juste, plus durable et plus lisible.
Ces réformes rapporteraient 65 milliards d’euros
et pourraient financer un ambitieux programme d’investissements publics
pour réduire les inégalités et la pauvreté
et répondre au défi climatique.

Plus globalement, logement et habitat sont à la croisée des enjeux de justice sociale et de préservation du climat et de la biodiversité. Comment répondre à ce double défi par des politiques nationales cohérentes ?

On sait aujourd’hui ce qu’il conviendrait de faire en se basant sur les travaux des scientifiques. Les solutions techniques sont connues : notamment celle de l’isolation massive du parc de logements et des bâtiments tertiaires. On sait aussi que l’inaction coûtera beaucoup plus cher. Ce qu’il manque, ce n’est pas de la technique mais des moyens et une volonté politique. En parallèle des baisses d’émission et vu le retard que nous avons pris, il faudra aussi travailler sur l’adaptation de nos espaces de vie, sécheresses, inondations, méga feux canicules, tout cela doit être anticipé.

Et au niveau local ?

La question centrale est de décliner localement ces objectifs nationaux, en n’ayant pas peur d’aller plus loin le cas échéant. Il faut agir prioritairement sur les trois sources majeures d’émission de gaz à effet de serre que sont les transports, les bâtiments, et l’agriculture et l’alimentation. La question d’une réflexion adaptée aux enjeux locaux apparaît évidente dans ces trois domaines.

En Pays Basque comme dans bien d’autres territoires, les collectivités locales se confrontent à une contradiction de taille : il faut à la fois produire plus de logement accessible et de logement social, et préserver les terres agricoles et les sols naturels, en visant le zéro artificialisation nette. Mission impossible ?

L’histoire du bâti a souvent été de le faire évoluer. C’est ce qui est possible à plein d’endroits. Il y a beaucoup de lieux avec des bâtiments qui ont vocation à évoluer, parfois parce qu’ils ne sont plus adaptés à leur usage. Pour l’instant le réflexe c’est l’inverse : on construit là où c’est “ facile ” dans les espaces agricoles ou naturels. J’ai plein d’exemples d’anciennes surfaces commerciales, souvent vastes, qui sont inoccupées mais qu’on ne fait pas muter.

“ Le Pays Basque ne peut pas accueillir toute la richesse de France ” disait avec humour un candidat abertzale d’EHBai aux dernières élections départementales. Comment protéger le droit des populations à vivre et se loger au pays face à l’argent tout puissant, qui fait monter les prix et rend inaccessible le prix du foncier et de l’immobilier ? Comment faire en sorte que le droit à un logement passe avant celui d’en avoir deux ou plus ?

C’est ce que je disais plus haut sur la dimension constitutionnelle du droit au logement qui permettrait donc de ne pas laisser des logements vides et inutilisés ou de les louer à des tarifs prohibitifs. Il faut prendre cette question à bras le corps. Je le disais plus haut, avoir un abri, un toit sur la tête c’est un besoin vital pour l’être humain, comme boire ou manger. La puissance publique est donc parfaitement légitime à réguler ce sujet, à ne pas considérer qu’il peut être librement objet de spéculation.

Avoir un abri, un toit sur la tête c’est un besoin vital pour l’être humain,
comme boire ou manger.
La puissance publique est donc parfaitement légitime à réguler ce sujet,
à ne pas considérer qu’il peut être librement objet de spéculation.

Vous interviendrez le lundi 21 novembre dans une conférence publique organisée par Alda, association de défense des habitants des milieux et quartiers populaires en Pays Basque. Ce nouveau mouvement est en train de construire un véritable syndicat des locataires, du parc privé autant que du parc social, sur la base d’un projet global basé sur la justice sociale et l’urgence écologique. Comment voyez-vous cela et il y a-t-il d’autres expériences du même genre dans l’Hexagone ?

Je pense que c’est une formidable initiative et c’est pour cela que je suis contente d’être présente. Oxfam se bat depuis longtemps pour insister sur le lien entre justice sociale et justice climatique. Même le GIEC l’a écrit dans son dernier rapport. Tous les militants du climat sont désormais conscients que rien ne bougera sans lier ces deux dimensions. Dans son histoire Oxfam était très engagée sur la lutte contre la pauvreté, notre engagement s’est élargi à la question du climat car on a vu depuis de nombreuses années à quel point c’était un risque supplémentaire pour des populations déjà fragilisées. Les moins responsables des émissions sont aussi les premières victimes. Et à l’inverse, même en France, les 10 % les plus pauvres payent en moyenne 2,7 fois plus de taxe carbone que les plus riches en proportion de leurs revenus. Ça n’est pas une fatalité. On peut agir mais on a besoin d‘une mobilisation forte pour que l’inaction de l’État cesse.

Gogoeta-afitxa inpr

 Conférence Urgence Logement

La conférence Urgence Logement aura lieu le lundi 21 novembre, à 19 heures, à la Maison des associations de Glain (Bayonne).

Une belle occasion pour discuter ensemble de la problématique du logement en Europe, en France et au Pays Basque et des solutions à y apporter, que ce soit dans le parc HLM ou dans le parc privé, avec un temps prévu pour débattre avec le public. Stands, expositions, bar et buffet seront également au programme de cette soirée spéciale.

La conférence est gratuite, ouverte à toutes et tous. Pour y participer, il est conseillé de s’inscrire en remplissant le formulaire en ligne : bit.ly/conference-urgence-logement

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