Crise du logement, Alda lance cinq propositions urgentes

Photo : Xelina Bouvet
Emma Tosini et Xebax Christy (Photo : Xelina Bouvet)


Du mercredi 16 au vendredi 18 juin, Alda a installé un QG de campagne dans un Airbnb du Petit Bayonne avec un double objectif : dénoncer la prolifération des meublés touristiques permanents et lancer son chantier sur la crise du logement. Interview de deux de ses porte paroles, Xebax Christy et Emma Tosini.

L’association Alda s’est créée en octobre 2020 et travaille depuis sur les quartiers populaires de Bayonne. Pourquoi ouvrir un “chantier sur le logement” à l’échelle d’Iparralde ?
Xebax : Alda a pour vocation de défendre les intérêts et aspirations des populations, familles et personnes des milieux et quartiers populaires du Pays Basque nord. Nous avons démarré ce travail sur les quartiers de Bayonne pour utiliser avec le maximum d’efficacité les moyens humains et matériels limités de notre association naissante. Depuis quelques mois, Alda commence à être davantage connue et il ne se passe plus de semaines sans que des gens en difficulté frappent à notre porte, et désormais il y a parmi eux des habitants de Biarritz, Anglet, Hasparren ou Cambo. Nous voyons venir vers nous de plus en plus de personnes qui ont des difficultés à trouver un logement, que ce soit dans le parc privé ou dans le parc social, qui sont obligées d’accepter des conditions insalubres, ou qui sont expulsés d’appartements qu’ils occupaient parfois depuis des années, non parce qu’ils n’étaient pas capables de payer le loyer, mais parce que le propriétaire a décidé de vendre, à des tarifs inaccessibles à la plupart des habitants d’ici. Nous ne pouvons pas nous contenter de nous occuper des conséquences, de chaque cas individuel. Nous voulons nous attaquer aux causes, au problème global et complexe qui est à la base de toutes ces situations personnelles dramatiques.
Emma : La crise du logement touche tous les milieux du Pays Basque, mais ceux qui sont le plus durement touchés, ce sont les classes les plus populaires. Pour pouvoir acheter un logement en Pays Basque, il faut faire partie des 25 à 30% des plus riches de la population. Pour pouvoir louer, les conditions deviennent de plus en plus strictes, avec de plus en plus de propriétaires qui exigent que le locataire dispose de revenus représentant trois fois le montant du loyer. Or le loyer moyen d’un appartement sur la zone littorale est de 725 € par mois. Quand on compare ce chiffre au SMIC qui est actuellement de 1238 €, on comprend bien que nombre de gens sont exclus.

Photo : Xelina Bouvet
Photo : Xelina Bouvet

Pourquoi avoir choisi ce lieu atypique pour lancer votre campagne ?
Emma :
Si nous avons décidé de faire cette conférence de presse dans un logement Airbnb, c’est pour insister sur une urgence absolue : la nécessité de protéger les locations à l’année. Dans l’appartement que nous avons loué, jusqu’au mois de janvier 2021, un couple habitait à l’année, en location. Mais ce n’est plus le cas depuis. Quand les locataires sont partis, le propriétaire a fait des travaux très rapidement, en un mois à peine, et a commencé à louer ce logement sur les plateformes Airbnb et Booking. L’appartement est désormais consacré entièrement à la location touristique de courte durée, il est devenu ce que l’on appelle un “meublé touristique permanent”. Personne ne peut plus vivre ici.
Xebax : Les meublés touristiques permanents, c’est-à-dire les logements qui sont consacrés uniquement à la location de courte durée toute l’année, viennent diminuer le nombre de logements disponibles et c’est un véritable souci. Nous sommes déjà sur un territoire où il y a plus de résidences secondaires que de logements privés louables à l’année ! D’où les deux propositions concrètes et rapidement possibles que nous avons formulées, la vidéo et la pétition que nous avons diffusées pour les appuyer auprès de la CAPB. Voir ci-dessous :

Se loger, pas spéculer !
En 2020, la CAPB a pris une série de mesures pour limiter les meublés touristiques permanents de type Airbnb ou Poplidays (ceux mis à la location de courte durée plus de 120 jours par an).
Une autorisation de changement d’usage est nécessaire sur certaines communes et le nombre d’autorisations possibles est limité à un sur huit communes et à deux sur six autres.
Alda pointe l’insuffisance de ces mesures et lance une pétition pour demander :
—L’extension des mesures prises aux personnes morales (SCI, SARL). En effet, seuls les propriétaires qui sont des personnes physiques sont concernés par cette contrainte, alors que la plupart des multipropriétaires sont en SARL ou en SCI.
—L’intégration de mesures dites de “compensation au changement d’usage”, comme à Bordeaux, Nantes ou Lyon : pour chaque logement qu’un propriétaire souhaite convertir en meublé touristique permanent, il doit également mettre sur le marché une location à l’année.

Vidéos et pétition à retrouver sur : www.alda.eus/logement

Photo : Xelina Bouvet
Photo : Xelina Bouvet

Vous avez également publié une brochure intitulée “Crise du logement au Pays Basque, 5 urgences”. Le problème va donc au-delà des meublés touristiques ?
Emma : Bien sûr. La crise du logement en Pays Basque Nord dure depuis des décennies, mais elle s’accentue ces dernières années. Nous avons voulu revenir assez longuement et le plus pédagogiquement possible sur la situation telle qu’elle est réellement aujourd’hui. Nous sommes face à un problème complexe, multi causal et les solutions à travailler doivent être diverses. C’est pourquoi nous avons édité cette brochure avec un premier tirage à 4000 exemplaires, afin que tous les habitants et habitantes du Pays Basque intéressés par la question puissent s’informer et comprendre nos propositions.

En quoi consistent ces propositions?
Xebax : Nous avons décidé de cibler cinq urgences, et autant d’axes de travail. Nous étions guidés par une double approche. D’une part, s’attaquer au problème du logement par la porte d’entrée sociale, dans l’objectif de défendre les classes populaires, les parties les moins riches de la population locale. D’autre part, tenter de formuler des pistes de travail, des propositions concrètes, autour desquelles nous pouvons gagner un certain nombre de choses, soit par notre action directe, soit en convainquant les collectivités locales d’adopter des mesures, des pratiques ou des dispositifs relativement simples à mettre en place. Sachant que nous sommes partisans d’un front large du logement à construire avec tous les autres mouvements oeuvrant sur cette question, qui aurait la force suffisante pour arracher des victoires plus importantes, comme par exemple celles nécessitant des évolutions législatives.
Emma : Le premier point concerne l’encadrement des loyers. Actuellement, sur 24 communes du Pays Basque, les loyers sont encadrés, c’est-à-dire que le propriétaire n’a pas le droit d’augmenter le loyer ni pendant le renouvellement du bail, ni même s’il change de locataire. Le montant du loyer du précédent locataire doit figurer sur le contrat de location. Or, on se rend compte que ce n’est parfois pas le cas. On voit des loyers qui augmentent et des contrats de bail où n’apparaissent pas ces informations. Il nous faut rappeler l’existence de cette loi et en imposer le respect. Mais cet encadrement ne touche que les appartements déjà mis en location. Pour les logements neufs, les prix sont libres et nous assistons à de nombreux abus. Il nous faut des mesures de plafonnement, c’està- dire un prix au mètre carré maximum, défini par quartier, qu’il est interdit de dépasser. Cette mesure s’applique dans de nombreuses villes en France, mais le Pays Basque n’y est pas éligible pour le moment. Il faudra modifier la loi pour y parvenir ou imaginer des dispositifs originaux via la loi de différenciation territoriale.
Xebax : Le second point concerne le logement social. Avec une demande sur 6,5 qui aboutit, nous avons un parc de logement social insuffisant par rapport aux besoins de la population. Nous insistons aussi sur la nécessité de garantir ce logement social au long terme. La priorité doit être donnée à la location, et s’il s’agit de programme d’accession sociale à la propriété, il faut que ce soit uniquement par des mécanismes de type BRS (Bail Réel Solidaire) qui protègent réellement les logements contre la spéculation. Il ne doit plus y avoir comme par le passé au quartier Pétricot de Biarritz ou à Guéthary, des logements sociaux revendus par la suite au prix fort sur le marché spéculatif et qui terminent même parfois en résidences secondaires !

Photo : Xelina Bouvet
Photo : Xelina Bouvet

Emma : Le troisième axe concerne les logements vacants. C’est un problème très complexe sur lequel il est difficile et coûteux d’agir, mais chaque logement vacant est une solution en moins pour les ménages qui cherchent à se loger. Nous proposons des pistes pour multiplier les baux à réhabilitation et mettons en avant deux dispositifs qui permettent d’agir concrètement : les biens en état d’abandon manifeste et la procédure des biens sans maîtres. Le quatrième axe revient sur l’un des noeuds du problème: les résidences secondaires. Le PLH estime qu’il y aura 51 000 résidences secondaires en 2026, tandis que le PCAET en prévoit 20 000 de plus dans les prochaines années. C’est un phénomène qui fait exploser les prix, mais qui —surtout— vient attaquer le parc des résidences principales. Sur les 900 résidences secondaires qui se créent chaque année, les deux tiers viennent de rachats de logement existants, souvent des locations dont le locataire est expulsé pour permettre la vente. Le dernier point demande à ce que les locations à l’année soient protégées, de manière très concrète en demandant à la Communauté d’agglomération de prendre deux mesures rapides et efficaces contre la prolifération des meublés touristiques permanents.
Vaste programme, à quand les prochaines actions ?
Xebax :
Nous sommes déjà en train de les préparer. Ainsi que les rendez-vous de plaidoyer des propositions que nous portons. Et nous avons commencé la diffusion des affiches, brochures, tracts. Les personnes qui veulent participer à ce chantier sont les bienvenues (nous contacter à [email protected]), il y a de la place pour toutes les compétences et les disponibilités.
Emma : Oui, d’autant plus qu’il nous faut dans le même temps renforcer le nombre de bénévoles et de militants qui à Alda accompagnent les personnes victimes d’injustices, de plus en plus nombreuses à nous contacter comme Xebax l’expliquait au début. C’est très concret. Le seul fait de ne plus se sentir seules et sans appui est souvent un premier réconfort de taille pour ces personnes. Et en plus, on a déjà remporté plusieurs belles victoires, c’est vraiment motivant.

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