Confiscatoire !

Jean-François Irigoyen, maire de Saint-Jean-de-Luz (à gauche).
Jean-François Irigoyen, maire de Saint-Jean-de-Luz (à gauche).

Qu’est-ce qui est véritablement confiscatoire? Une surtaxe des résidences secondaires? Ou bien les logements que de nombreux citoyens n’ont pas les moyens de s’offrir? Plusieurs points d’interrogations autour du mot confiscatoire.

Confiscatoire [kɔfiskatwaR] adj. – contraction de “confiserie” et “suppositoire”, ce qui en fait un terme généralement difficile à saisir par la plus grande partie de la population. Je suppose que l’opportunité d’en parler dans une chronique d’Enbata prête du coup à conjecture. Et pourtant, si l’on veut bien aller au-delà d’une appréhension superficielle du terme et aller au fond des choses – ainsi que le suggère d’ailleurs “suppositoire” qui sert de suffixe à notre adjectif –, on gagne un domaine certes plus inattendu et éminemment politique.

Taux d’imposition

“Confiscatoire [kɔfiskatwaR] adj. – de confisquer. Taux confiscatoire (d’un impôt) : taux élevé, qui absorbe la totalité des revenus.” C’est ainsi que le Petit Robert définit le terme, et également dans cette acception que je l’ai moi-même compris lorsque, voici une quinzaine de jours, je l’ai entendu de la bouche du maire de Saint-Jean-de-Luz, en séance du conseil municipal. Ladite séance était consacrée au débat d’orientation budgétaire, véritable rituel municipal hivernal qui sert de fondement politique au vote du budget primitif, prévu quelques semaines plus tard. Il s’agissait alors pour Jean-François Hirigoyen –qui vient donc de succéder au regretté Peyuco Duhart– d’expliquer pourquoi le taux de la taxe d’habitation n’augmenterait pas en 2018 pour les résidences secondaires de la ville, après avoir augmenté de 20% puis 40% au cours de l’année dernière au moyen d’une disposition fiscale dont on a déjà assez parlé pour ne pas y revenir ici. Il eût pu se contenter de donner l’information brute, ou plutôt de la confirmer puisqu’elle avait déjà été annoncée lors du vote du passage à 40%, il y a quelques mois ; mais il en est ainsi de certaines municipalités de droite, qu’elles éprouvent le besoin de soulager leur conscience auprès de leur base électorale en expliquant qu’elles ont toujours été philosophiquement contre une telle surtaxe, mais qu’elles ont été contraintes de l’instaurer à cause de la baisse des dotations de fonctionnement qui mettent leu budget général en péril. Un bel exercice de gymnastique politique donc, dont peu de monde est dupe, et qui surtout cache l’objectif véritable : celui de pouvoir éviter une augmentation générale des impôts locaux. Pour n’importe quel élu d’opposition un peu rôdé, l’exercice n’est guère original et la mauvaise foi relativement classique. Dans le cas luzien, d’ordinaire, l ’ a ffaire se serait juste soldée par quelque sourire entendu et on serait passé à autre chose. D’ailleurs, aucun élu parmi notre groupe abertzale n’avait pensé réagir à ce point précis des orientations budgétaires, tant il s’agissait d’un épiphénomène. Seulement voilà… peut-être sincèrement convaincu de son droit à user de tous les arguments dans une enceinte où, il est vrai, la règle électorale lui assure une paix quasiment aussi royale que la place qui jouxte la mairie, Hirigoyen se permit de conclure qu’il considérait que toute hausse supplémentaire serait “confiscatoire”.

Qui confisque ?

Le mot était donc lâché. Élever la surtaxe d’habitation à 60% serait “confiscatoire”, c’est-à-dire “absorberait la totalité des revenus” du pauvre propriétaire concerné. On le sait, les artifices rhétoriques se jouent de la définition exacte d’un mot et ce n’est pas cela qui est ici en cause. Par contre, peut-on réellement user de tous les mots sans risquer de verser dans l’outrance la plus crasse ? Car enfin, il faut tout de même rappeler qu’on parle ici d’augmenter de 60% la part communale de la taxe d’habitation d’un contribuable parce qu’il a la chance – je n’ai même pas dit “privilège” – d’être propriétaire de deux logements au moins, qu’il peut occuper ou laisser vides à loisir. En face, ce sont bel et bien des quantités de gens qui ne parviennent pas à trouver un seul logement, leur logement principal, celui dont ils ont besoin pour vivre et héberger leur famille. Eux ne se demandent pas s’ils vont choisir de passer juillet ou les vacances de Pâques dans l’un ou dans l’autre, ils doivent s’inscrire sur des listes d’attente pour avoir un logement social, ou faire des kilomètres vers les communes plus à l’intérieur pour trouver un bien moins cher.

Élever la surtaxe d’habitation
d’une résidence secondaire à 60%
serait “confiscatoire”,
c’est-à-dire “absorberait la totalité des revenus”
du pauvre propriétaire concerné?

Taux confiscatoire ou logements confisqués ?

Il est aisé d’asséner dans l’enceinte d’un conseil municipal qu’un taux appliqué à des logements de vacances est “confiscatoire”, mais qui ira l’expliquer à celles et ceux qui peinent à se loger à l’année, et qui trouveraient l’adjectif légitimement blessant ?

On pourra toujours comprendre – au sens intellectuel – qu’une municipalité de droite rechigne à taxer des propriétaires de résidences secondaires. Mais il est possible de défendre ses principes, ses choix, même lorsque les seconds se révèlent en contradiction avec les premiers, sans pour autant tomber dans ces abus de langage qui n’apportent guère à l’argumentation voire au contraire l’affaiblissent.

Car les mots ont un sens.

De la même manière qu’à force d’être “iniques” les décisions finissent par ne plus jamais l’être, à qualifier invariablement tout impôt de “confiscatoire” on perd de vue le véritable niveau de justice ou d’injustice fiscale.

Mais surtout, le monde actuel présente un visage assez dur comme cela, génère assez de situations de détresse en tout genre pour qu’on évite d’avoir recours à des mots inappropriés, qui ajoutent des rancœurs inutiles à celles déjà existantes.

À mon sens, si une chose peut être considérée comme confisquée ici, c’est bien le logement lui-même. Jamais un taux d’imposition de résidences de villégiature, qui sont des biens superflus, ne pourra être jugé confiscatoire tant qu’on ne sera pas parvenu à loger convenablement tout le monde, ce qui est une nécessité vitale.

Et si tant est que certains puissent se braquer malgré tout sur cet adjectif, en ce qui me concerne le choix sera toujours clair : à tout prendre, je préfèrerai toujours une taxe confiscatoire à des logements confisqués.

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