L’Edito du mensuel Enbata
Pour légitimer la domination d’un pays sur un autre, il lui faut démontrer sa supériorité soit militaire, soit économique, parfois les deux. Pour réussir l’assimilation d’un peuple conquis, il faut y ajouter l’imposition d’une culture ou d’une langue dites “plus élaborées”, dites “supérieures”. A cela, il faut laisser passer le temps pour façonner les esprits et les comportements afin d’envisager, pour chaque individu, l’assimilation comme seule possibilité d’ascension sociale dans la société du dominant.
L’accomplissement de cet effacement si parfait dans la société extérieure sera facilité par l’exercice de la démocratie représentative où “l’indigène” disposera du droit de vote, où son bulletin a théoriquement la même valeur que celui de tous les autres citoyens de l’Etat central.
En deux ou trois générations, l’on peut ainsi voir disparaître des langues et des cultures millénaires ou, au mieux, les maintenir au stade résiduel. Langues, dites régionales, danse ou chant dits “folkloriques”, jouent en deuxième division, venant ainsi en contrepoint de la culture savante, dite universelle, de l’Etat. Lequel a ses haut-lieux que chacun aspire à fréquenter pour son propre épanouissement et participer à la marche du monde.
Or, voilà qu’en cette fin mars, renversant le schéma du dominé, une ambassade venue du Pays Basque s’est rendue à l’invitation de la prestigieuse institution française qui, des siècles durant, éclaira le monde. Dans le superbe écrin de l’opéra du château de Versailles, la cohorte des danseurs du Malandain Ballet Biarritz et la soixantaine de musiciens de l’orchestre symphonique d’Euskadi ont déroulé une page de la propre histoire du dominant, celle de Marie-Antoinette, et cela exprimé dans le langage universel de la danse classique sur une musique de Joseph Haydn. Le somptueux théâtre à l’italienne était plein à craquer d’un public exigeant qui en fit un brillant succès, que les critiques de presse, pourtant blasés, consacrèrent. Il y avait là quelque audace pour ces danseurs venus de la périphérie basque à se produire dans cette grande maison où furent créés, par le prince qui l’érigea, les premiers pas de cette danse classique qui allait rayonner sur la terre entière. Jusqu’à notre province de Soule où nos mascarades, inspirées par les maîtres à danser des troupes royales quadrillant son territoire, “académisèrent” la chorégraphie de nos Zamaltzain et Gatuzain. Cette plongée d’artistes basques, au coeur du meilleur du patrimoine français, permet de resituer l’heureuse évolution de notre peuple que deux empires ont écartelé pour mieux l’assimiler.
A travers les mailles de ce filet, nous avons cependant pu faire émerger nos Ravel, Sarasate, Txillida, religieux ou philosophes, cinéastes, peintres, écrivains ou explorateurs, nous faisant ainsi participer au grand concert de l’humanité.
L’euskara, notre bien le plus singulier, venu du fond des âges, a su, lui aussi, entrer dans la modernité. La Korrika de ce mois d’avril, qui l’exaltera à travers tous nos territoires, rend hommage à Txillardegi qui alluma la mèche de l’unification de ses dialectes, pour être enseigné, écrit et traduit afin d’enrichir les autres. Eman ta zabal zazu munduan fruitua.
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Ce numéro d’Enbata devait coïncider avec la sortie de la Grande- Bretagne de l’Union européenne. Les palinodies du Parlement de Londres, incapable de mettre en oeuvre le référendum de juin 2016, a rejeté par trois fois en quelques jours l’accord conclu par le gouvernement britannique avec ses 27 partenaires du continent. Il a obtenu un court délai supplémentaire de réflexion, pour notamment éviter de recréer une frontière conflictuelle en Irlande et peut-être faire imploser les nations composant le Royaume-Uni. On voit à quel point les intérêts de nos peuples sont solidaires et imbriqués. Leçon à retenir à la veille des élections européennes du 26 mai prochain au Parlement de Strasbourg où bien des choses doivent cependant être redressées. A ce jour, toutes les têtes de liste dans l’Etat français sont connues. L’abertzale corse, François Alfonsi, qui fut déjà eurodéputé de 2009 à 2014, après une mandature de Max Simeoni, est candidat en position éligible sur la liste EELV conduite par Yannick Jadot, au titre de Régions et Peuples Solidaires (R&PS). Lydie Massard, membre de l’Union démocratique bretonne (UDB), tout comme le basque Lucien Betbeder, maire de Mendionde, figurent également sur la liste verte.
Jakes,
J’adhère à 100 % à cet édito si juste et si merveilleusement composé.
J’aurais voulu l’écrire !
Bien à toi.