Caisse de grève, arme du syndicat ELA

2 ans de lutte et 68 jours de grève : victoire pour les plus de 5000 travailleuses des EPHAD de Biscaye. Leur précédente grève, victorieuse également, avait duré 378 jours !


Dans son numéro de juin 2023, la revue française Alternative Libertaire a consacré deux pages au syndicat basque ELA. La réflexion, particulièrement documentée, propose d’étudier cette expérience syndicale originale, pour répondre à un certain nombre de questions qui se posent aujourd’hui à celles et ceux qui défendent un syndicalisme offensif et dynamique dans l’Hexagone.

La confédération basque ELA (Eusko Langileen Alkartasuna – « Solidarité des travailleurs et travailleuses basques ») engage aujourd’hui le plus haut niveau de conflictualité d’Europe. À l’heure où beaucoup de travailleurs et travailleuses renouent avec la grève, le modèle d’ELA et son mode d’emploi confédéral constituent un éclairage salutaire pour l’avenir du syndicalisme de masse et de classe, au service de la révolution sociale.

Elle est créée en 1911, puis s’est reconstruite à la sortie du franquisme en 1976, y affirmant sa nature nationaliste, socialiste et de classe. ELA revendique aujourd’hui 100 000 adhérent·es (les journalistes ont toute latitude pour en vérifier la véracité), presque 10% de la population salariée en activité, soit un taux cinq fois plus élevé que la CGT en France. C’est comme si cette dernière avait, en France, 2,5 millions d’adhérent ·es.

Elle est la première organisation en termes de représentativité, plus de 41% sur trois provinces (Araba, Bizkaia et Gipuzkoa), et 23% en Nafarroa. Son modèle syndical est original, par sa structuration interne, mais aussi par sa caisse de grève (caja de resistencia) qui lui permet de gagner des grèves longues, en particulier dans les secteurs féminisés.

Indépendance financière et politique

ELA revendique son indépendance politique et idéologique par rapport aux partis politiques, et plusieurs mesures ont été prises pour empêcher le plus possible l’utilisation du syndicat par des fractions politiques. Un autre pilier de son modèle syndical est son indépendance financière. Très élevée dès sa reconstruction, elle a progressé au fur et à mesure. Désormais son budget, qui concerne l’ensemble des structures, est financé à hauteur de 93% par les seules cotisations des adhérent·es.

ELA se définit comme un syndicat de contre-pouvoir, en opposition totale au modèle syndical de concertation sociale des deux organisations majeures de l’État espagnol que sont la UGT (Unión General de Trabajadores) et les CCOO (Comisiones Obreras), qui vivent sous perfusion financière, notamment de l’État, et signent tous les accords de reculs sociaux.

En 2021, les grèves dans la communauté autonome des trois provinces de Araba, Bizkaia et Gipuzkoa ont représenté 42% du total des grèves dans l’État espagnol, et 45% du nombre de jours de grève. Alors que le nombre de salarié·es n’y représente que 5% de cet État ! C’est le niveau de conflictualité le plus élevé d’Europe.

La grève est le moyen central de l’action du syndicat, et son importance tient pour ELA à trois principales raisons. Certaines victoires ne sont pas possibles sans grève. Elle envoie le message au patronat, public et privé, que le syndicat ne reculera pas. Elle crée un précédent, tant pour les salarié·es que pour le patronat. Enfin, parce qu’elle renforce l’identité de classe.

Forte cotisation et caisse de grève

Un autre pilier du modèle d’ELA est le niveau élevé de la cotisation. Choix fait dès 1976, il est cohérent avec les autres principes de la confédération. Actuellement, elle est de 23 euros pour 80 % des adhérent·es. La démonstration est faite qu’une forte cotisation n’est pas un obstacle à l’adhésion de masse (alors même que la déduction fiscale n’est que de 20 %).

Grève dans les hôtels à Bilbao.

Un quart de la cotisation alimente la caisse de grève. Celle-ci est alors en capacité de tenir de longues grèves, de plusieurs mois jusqu’à deux ans, voire plus. Un objectif revendicatif phare d’ELA est la lutte contre la « brèche salariale » entre les femmes et les hommes, comme dans les secteurs du nettoyage, de l’aide à domicile, des maisons de retraite, du commerce. Des grèves ciblées pour gagner des accords d’entreprise ou de branche permettent des victoires qui renforcent ensuite la confiance dans le syndicat. Ce qui hausse le niveau d’adhésion et de militantisme, et alimente la caisse de grève.

ELA décide d’en créer une en 1976. Il y a trois niveaux d’indemnité de grève. Le premier, dit ordinaire, garantit jusqu’à 105% du Salaire minimum interprofessionnel (SMI). Le second, dit renforcé, couvre jusqu’à 121% du SMI. Pour être déclenché, il faut qu’au moins 35% des salarié·es soient adhérent ·es du syndicat. Le troisième, dit extraordinaire, couvre jusqu’à 210% du SMI. Ici, il est nécessaire que 30% au moins des salarié·es soient adhérent·es au syndicat, que 75% au moins d’entre elles et eux soient d’accord pour faire grève, et que celle-ci soit considérée comme d’intérêt stratégique pour ELA, ce qui est le cas des secteurs féminisés et précarisés.

ELA s’affronte régulièrement aux institutions politiques qui privatisent de nombreuses activités, elle y prouve son indépendance politique. L’adversaire est alors souvent le parti historique du nationalisme bourgeois basque, le PNV (Partido Nacionalista Vasco), fortement implanté dans ces institutions. L’administration fiscale a tenté en 2018 de casser la caisse de grève en déclarant imposable l’indemnité de grève. Mais ELA s’est adaptée à cette attaque.

Un modèle syndical à étudier

Il ne s’agit pas de copier le modèle d’ELA pour que les organisations syndicales de lutte en France voient leur niveau d’adhésion augmenter comme par magie. ELA a su poser des fondations solides et faire évoluer en permanence ses structures internes pour qu’elles s’adaptent à la réalité du salariat et répondent aux objectifs revendicatifs.

ELA est une confédération compacte dans sa structuration, avec une forte culture de la solidarité interprofessionnelle effective. Là où la CGT et Solidaires sont en échec.

Sur la base des sections syndicales, les fédérations (réduites à trois) et les unions locales forment les douze unions interpros où la syndicalisation dans les TPE-PME est notamment une priorité.

En 2014, ELA amorce une réflexion contre la reproduction interne des schémas patriarcaux de son fonctionnement et dans sa prise en compte des revendications des femmes. Cela aboutit en 2022 à un plan stratégique sur le sujet, mis réellement en œuvre, où toutes les structures et activités doivent effectivement évoluer pour devenir réellement ce qu’elle souhaite : un syndicat féministe.

Se remettre en cause en permanence et agir sur ce qui ne dépend que du syndicat lui-même, est la première leçon à tirer de cette expérience syndicale originale. Nous ferions déjà un grand pas !

Soutenez Enbata !

Indépendant, sans pub, en accès libre, financé par ses lecteurs
Faites un don à Enbata.info ou abonnez-vous au mensuel papier

Enbata.info est un webdomadaire d’actualité abertzale et progressiste, qui accompagne et complète la revue papier et mensuelle Enbata, plus axée sur la réflexion, le débat, l’approfondissement de certains sujets.
Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés par les dons de nos lectrices et lecteurs, et les abonnements au mensuel papier : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre.
« Les choses sans prix ont souvent une grande valeur » Mixel Berhocoirigoin
Cette aide est vitale. Grâce à votre soutien, nous continuerons à proposer les articles d'Enbata.Info en libre accès et gratuits, afin que des milliers de personnes puissent continuer à les lire chaque semaine, pour faire ainsi avancer la cause abertzale et l’ancrer dans une perspective résolument progressiste, ouverte et solidaire des autres peuples et territoires.
Chaque don a de l’importance, même si vous ne pouvez donner que quelques euros. Quel que soit son montant, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission.
Faites un don ou abonnez vous à Enbata : www.enbata.info/articles/soutenez-enbata

  • Par chèque à l’ordre d’Enbata, adressé à Enbata, 3 rue des Cordeliers, 64 100 Bayonne
  • Par virement en eusko sur le compte Enbata 944930672 depuis votre compte eusko (euskalmoneta.org)
  • Par carte bancaire via système sécurisé de paiement en ligne : paypal.me/EnbataInfo
  • Par la mise en place d’un prélèvement automatique en euro/eusko : contactez-nous sur [email protected]

Pour tout soutien de 50€/eusko ou plus, vous pourrez recevoir ou offrir un abonnement annuel d'Enbata à l'adresse postale indiquée. Milesker.

Si vous êtes imposable, votre don bénéficiera d’une déduction fiscale (un don de 50 euros / eusko ne vous en coûtera que 17).

Enbata sustengatu !

Independentea, publizitaterik gabekoa, sarbide irekia, bere irakurleek diruztatua
Enbata.Info-ri emaitza bat egin edo harpidetu zaitezte hilabetekariari

Enbata.info aktualitate abertzale eta progresista aipatzen duen web astekaria da, hilabatero argitaratzen den paperezko Enbata-ren bertsioa segitzen eta osatzen duena, azken hau hausnarketara, eztabaidara eta zenbait gairen azterketa sakonera bideratuagoa delarik.
Garai gogorrak dira, eta badakigu denek ez dutela informazioa ordaintzeko ahalik. Baina irakurleen emaitzek eta paperezko hilabetekariaren harpidetzek finantzatzen gaituzte: ordaindu dezaketenen eskuzabaltasunaren menpe gaude.
«Preziorik gabeko gauzek, usu, balio handia dute» Mixel Berhocoirigoin
Laguntza hau ezinbestekoa zaigu. Zuen sustenguari esker, Enbata.Info artikuluak sarbide librean eta urririk eskaintzen segituko dugu, milaka lagunek astero irakurtzen segi dezaten, hola erronka abertzalea aitzinarazteko eta ikuspegi argiki aurrerakoi, ireki eta beste herri eta lurraldeekiko solidario batean ainguratuz.
Emaitza oro garrantzitsua da, nahiz eta euro/eusko guti batzuk eman. Zenbatekoa edozein heinekoa izanik ere, zure laguntza ezinbestekoa zaigu gure eginkizuna segitzeko.
Enbatari emaitza bat egin edo harpidetu: https://eu.enbata.info/artikuluak/soutenez-enbata

  • Enbataren izenean den txekea “Enbata, Cordeliers-en karrika 3., 64 100 Baiona“ helbidera igorriz.
  • Eusko transferentzia eginez Enbataren 944930672 kontuan zure eusko kontutik (euskalmoneta.org-en)
  • Banku-txartelaren bidez, lineako ordainketa sistema seguruaren bidez: paypal.me/EnbataInfo
  • Euro/euskotan kenketa automatikoa plantan emanez: gurekin harremanetan sartuz [email protected] helbidean

50€/eusko edo gehiagoko edozein sustengurentzat, Enbataren urteko harpidetza lortzen edo eskaintzen ahalko duzu zehaztuko duzun posta helbidean. Milesker.
Zergapean bazira, zure emaitzak zerga beherapena ekarriko dizu (50 euro / eusko-ko emaitzak, 17 baizik ez zaizu gostako).

One thought on “Caisse de grève, arme du syndicat ELA

Comments are closed.