Le SCoT, Schéma de Cohérence Territorial, est un document de planification globale et stratégique. Ce document de référence, en cours d’élaboration, fixe la vision des élus pour l’aménagement de leur territoire, pour les 15 ans à venir. Enbata donne aujourd’hui la parole à Marc Bérard, président du SCoT Pays Basque / Seignanx, pour expliquer sa vision de l’exercice en cours.
L’aménagement du territoire est encore trop souvent synonyme de «développement urbain». Or, l’urbanisation participe activement au dérèglement climatique. Le dérèglement climatique n’est pas une crise ou un moment difficile à passer. Les rapports du GIEC sont formels, et les faits leur donnent raison : tous les territoires seront touchés. Le Pays Basque et le Seignanx le sont déjà ! Il n’y aura pas de retour en arrière. Il faut donc se projeter dans le temps long, anticiper un avenir fait d’incertitudes pour envisager des solutions actionnables dès à présent.
Nous avons à nous projeter à 10, 20 ou 30 ans et, en même temps, à gérer les problèmes du quotidien
Nous élaborons le SCoT Pays Basque / Seignanx en anticipant l’horizon 2050 qui correspond à l’échéance fixée par nombre d’engagements nationaux et internationaux relatifs au climat. Prendre une décision aujourd’hui, c’est penser son impact à 5, 30 et 50 ans pour veiller à ce que notre territoire soit toujours habitable. Les élus engagés dans l’élaboration du SCoT jonglent constamment avec cette sorte de prospective du présent. C’est tout l’intérêt, et la difficulté, de notre tâche. Le SCoT Pays Basque / Seignanx, ce sont 166 communes représentées par la Communauté Pays Basque et la Communauté de communes du Seignanx dont l’environnement, les identités, les ambiances urbaines ou le niveau d’équipement sont très divers. Cette diversité est un énorme atout pour accroître le potentiel de « résilience » de notre territoire.
Notre ambition avec ce SCoT est de faire du Pays Basque et du Seignanx un territoire « résilient » d’ici 2050
Pour nous, le terme de « résilience » incarne toutes les qualités d’un territoire capable d’anticiper, de réagir et de s’adapter au dérèglement climatique, à la raréfaction des ressources. En développant ces qualités, nous serons aussi mieux armés face aux incertitudes économiques et géopolitiques pour lesquelles nous avons peu de leviers locaux. Les conséquences du changement climatique sur notre société guident toutes nos réflexions. Bien souvent, elles exacerbent la sensibilité des problématiques locales. L’accès au logement par exemple est un sujet central et épineux pour notre territoire, il se trouve désormais aggravé entre autres par l’accroissement des prix de l’énergie et des matières premières. Ce qui nous rappelle, si besoin était, que notre responsabilité d’élus est de garantir l’intérêt général et donc de s’atteler prioritairement et systématiquement aux conséquences sociales des mutations qui s’annoncent. La nouvelle donne climatique affecte les habitants, mais aussi l’ensemble des activités de notre territoire, notamment nos exploitations agricoles, nos activités de pêche, nos eaux de baignade, nos côtes, nos montagnes. L’organisation de notre territoire, nos économies, l’aménagement de nos villes et de nos bourgs doivent donc s’adapter et cesser de participer à l’émission croissante de gaz à effet de serre.
Les grandes orientations qui animent le SCoT
Le SCoT cherche à répondre aux besoins actuels et futurs des habitants et des entreprises, sans mobiliser inutilement des ressources et sans compromettre notre santé. Ces perspectives interrogent en profondeur nos valeurs, nos habitudes, nos organisations. Et plus on avance dans le projet, plus on mesure qu’il peut y avoir des réticences ou des contradictions. C’est normal, il faut les entendre, en débattre, pour continuer à avancer. Car le défi est de taille !
Le SCoT vise à construire un territoire équilibré et solidaire, favorable au desserrement des activités vers l’intérieur pour lutter contre une forme de saturation littorale
Avec une croissance annuelle de 1% depuis près de vingt ans, notre territoire est attractif. Mais cette dynamique dissimule des situations contrastées, certaines communes et bassins de vie ont pu perdre durablement des services, de la population et des emplois. Pour le SCoT, il convient donc de mieux maîtriser cette attractivité, et de faciliter le déploiement d’activités et donc de la population vers l’intérieur.
Notre capacité d’adaptation justifie un territoire mieux équilibré, organisé autour de villes à taille humaine.
Toutes nos politiques publiques doivent converger et accompagner la redynamisation du Labourd intérieur, de la Basse Navarre et de la Soule, en même temps qu’elles cherchent à apaiser les effets négatifs de la sur-attractivité constatés ces dernière décennies sur le littoral, encore accélérés depuis le Covid.
Toutes nos politiques publiques doivent converger et accompagner la redynamisation du Labourd intérieur, de la Basse Navarre et de la Soule, en même temps qu’elles cherchent à apaiser les effets négatifs de la sur-attractivité constatés ces dernière décennies sur le littoral, encore accélérés depuis le Covid.
Il ne s’agit pas de déménager le littoral à l’intérieur, ni de déconstruire ce qui fonctionne au prétexte que ce serait « mal placé » dans notre idéal territorial. Il s’agit d’optimiser ce qui existe déjà et de saisir les nouvelles opportunités qui s’offrent à nous, dans une logique de complémentarité. Nous engageons d’ailleurs une étude sur les capacités d’adaptation de notre écosystème économique, car nous sommes convaincus que les potentialités de notre territoire, et en particulier du Pays Basque intérieur, sont considérables. Il nous semble qu’il y a une carte à jouer, à la jonction entre le Labourd intérieur et la Basse Navarre pour l’accueil et le développement de nouvelles activités, ou le confortement de filières locales.
La préservation voire la restauration de notre charpente environnementale est un pilier essentiel de cet équilibre territorial. La bonne santé et donc la bonne gestion de nos ressources et de nos milieux naturels est indispensable. Ne perdons jamais de vue que seule la nature répond à nos besoins fondamentaux ! Faciliter la résilience alimentaire, promouvoir une agriculture vivante et nourricière, stocker plus de carbone dans les sols, ralentir les cycles de l’eau, restaurer les milieux dégradés ou réutiliser systématiquement les déchets du bâtiment sont autant de pistes que nous privilégions.
Le SCoT veut faire évoluer le modèle de développement
Le SCoT défend un urbanisme bioclimatique qui optimise l’existant et facilite un maximum de synergies entre les savoir-faire locaux, nos ressources et nos filières. L’exigence de sobriété foncière, incarnée par le « Zéro artificialisation nette » (le fameux ZAN), fait couler beaucoup d’encre, alors que nous considérons la sobriété foncière non pas comme un objectif, mais comme un moyen – vraisemblablement le plus efficace – pour répondre au défi climatique. Cessons de nous faire peur, car nous ne manquons pas d’exemples inspirants ! Nous avons sous nos yeux des villes et des bourgs à taille humaine, historiquement denses dont la qualité ne semble pas remise en cause (Ainhoa, Sare, La Bastide-Clairence, Garazi, Saint-Michel, Bayonne…). Remobilisons ces références, optimisons l’occupation des bâtis existants. Articulons cette densification douce avec la présence de la nature et de l’arbre dans les espaces urbains, que ce soit dans la plus grande ville comme dans le plus petit bourg. Car lorsque nous pensons résilience, nos espaces naturels, agricoles et forestiers deviennent nos espaces les plus précieux.
L’action publique a un rôle essentiel d’inflexion du modèle de développement. La maîtrise publique du foncier ou son encadrement par des règles claires et volontaristes, en faveur de celles et ceux qui vivent et travaillent ici, sont des enjeux majeurs face à la puissance de la spéculation, aussi prégnante que mortifère. Nous ne devons pas vivre la sobriété et la régulation comme un renoncement, mais comme une opportunité pour dessiner un territoire plus solidaire et plus agréable à vivre demain.
Nous ne devons pas vivre la sobriété et la régulation comme un renoncement, mais comme une opportunité pour dessiner un territoire plus solidaire et plus agréable à vivre demain.
Les « beaux discours » sont faits pour être concrétisés
La vision que nous défendons dépasse largement la temporalité de nos mandats d’élus. Nous visons un arrêt du projet à l’automne 2024 pour une approbation du SCoT à l’automne 2025, pour engager la mise en oeuvre de ce projet avant 2026. Nous savons d’ores et déjà que ce SCoT ne répondra pas à toutes les attentes, il sera forcément imparfait. Mais nous l’inscrivons dans la continuité de démarches qui ont marqué notre territoire (Pays Basque 2010, le Schéma d’Aménagement, Pays Basque 2020 ou Dessine-moi le Pays Basque de demain, Landes 2040, les PCAET…) et le pensons comme une contribution aux démarches qui suivront. Car le contexte nécessite de dépasser les frontières et les compétences institutionnelles pour encourager des espaces de dialogue et d’actions sur mesure – à l’instar du travail collaboratif que nous menons avec le Conseil de Développement du Pays Basque – pour favoriser les coopérations de toute nature impliquant autant les acteurs publics que les acteurs privés. Gardons une vision large, un esprit ouvert et créatif pour donner à voir ce que sera notre territoire dans un monde décarboné. Il nous appartient d’en faire un véritable projet de territoire. Les citoyens et les élus engagés dans cette réflexion y sont d’ores et déjà prêts ! Il leur revient de convaincre les autres. Aupa deneri !