A la veille de deux manifestations à Bayonne et à Bilbao en faveur des droits des prisonniers politiques basques, les mesures de rapprochement sont stoppées par le gouvernement français depuis la rencontre avec le nouveau gouvernement Sanchez.
On aurait pu croire, un peu trop facilement, que les manifestations monstres de Bilbao en faveur des droits des prisonniers basques appartenaient aux images du passé.
Depuis deux ans, la mobilisation populaire et l’engagement de la société civile en faveur d’un processus de paix, ont porté leurs fruits.
Mais après le désarmement et la dissolution de l’ETA, et un pas inédit du gouvernement français pour rapprocher les prisonniers politiques basques, la marche vers une justice transitionnelle capable de garantir une paix durable est à nouveau stoppée.
Figure majeure de ce long processus, la mobilisation citoyenne redevient impérative pour exiger la fin des mesures d’exception s’appliquant aux prisonniers.
Le processus de paix n’est pas seulement la fin de la lutte armée.
Avancée notable
L’année 2018 était pourtant prometteuse à bien des égards, avec les premières mesures concrètes depuis l’ouverture, en juillet 2017, de discussions entre une délégation élargie du Pays Basque et le cabinet du ministère de la justice française.
Il y a tout juste un an, 56 prisonniers basques étaient répartis dans 19 centres pénitentiaires français, dont 12 femmes sur trois lieux distincts. 36 de ses prisonniers vivaient sous le régime de Détenus particulièrement signalés (DPS) et, au plus près du Pays Basque, six d’entre eux étaient retenus à Lannemezan, un autre à Mont-de-Marsan.
Quelques mois plus tard, 25 prisonniers étaient rapprochés à Mont-de-Marsan ou Lannemezan, 22 des 36 statuts DPS avaient été supprimés, trois hommes et deux femmes étaient libérés. Une avancée notable, mais, depuis juillet 2018, la situation n’a plus évoluée.
Trois prisonniers sont seuls, dix femmes n’ont pas de solution pour intégrer un centre pénitentiaire proche du Pays Basque et sont réparties dans quatre lieux différents. 41 hommes sont dispersés dans huit centres de détention. Trois d’entre eux vont entamer leur trentième année de réclusion après de nombreux refus de remise en liberté conditionnelle.
Entente Franco-Espagnole
Juillet 2018, c’est aussi la première visite officielle d’Emmanuel Macron en Espagne, après la rencontre avec Pedro Sanchez, fin juin à l’Élysée. Difficile de ne pas lier cette nouvelle entente franco-espagnole à l’arrêt brutal et simultané du rapprochement des prisonniers basques et à l’attitude du Parquet français qui maintien artificiellement ce régime d’exception.
Un élément de réponse est déjà dans un entretien, accordé le 29 septembre à l’agence de presse espagnole EFE par Hélène Davo, la directrice adjointe du cabinet du ministre de la justice français qui menait les discussions avec les élus basques et les artisans de la paix. Cette ancienne magistrate de liaison française en Espagne indiquait être “arrivée à un point d’équilibre que pour l’instant nous n’allons pas modifier”.“A Mont-de-Marsan, il y a actuellement une concentration de prisonniers basques jamais vue, mais tout se passe bien. Si nous n’en transférons pas plus, c’est par solidarité avec l’Espagne et les victimes” ajoutait-elle. Une solidarité bien malvenue, qui conforte la toute puissante Association de victimes du terrorisme (AVT), proche de la droite espagnole, que Hélène Davo a d’ailleurs reçue au début de l’année 2018, en distinguant déjà des catégories de prisonniers et en assurant ne souhaiter que le rapprochement des prisonniers n’ayant plus que de courtes peines à accomplir.
Processus par étape
Une précision qui ne figurait pas au menu des discussions avec la délégation basque qui ne réclame, du reste, que l’application du droit pour les prisonniers basques et la fin de mesures d’exception qui en font des prisonniers politiques. Une exigence pour continuer le chemin bien au-delà de l’arrêt de la violence et créer les conditions d’un mieux vivre ensemble, dans le respect de toutes les victimes. “Tout ce que l’on fait pour les prisonniers n’est pas contre les victimes” réagit aujourd’hui Michel Berhocoirigoin. Membre de la délégation basque au ministère de la justice, ce dernier ne réduit pas non plus son action en faveur de la paix à la seule question des prisonniers mais évoque un “processus global” marquée par des étapes et dont les victimes sont justement un “élément constitutif” et “au coeur de nos pensées”. “Après le désarmement ou la dissolution, il faut passer par le stade des prisonniers” martèle t-il en prévenant : “chaque étape valide la précédente et engage la suivante”. Ou dévalorise la précédente si elle ne peut aboutir.
“Tout ce que l’on fait pour les prisonniers
n’est pas contre les victimes”
réagit aujourd’hui Michel Berhocoirigoin.
Ce dernier ne réduit pas non plus son action en faveur de la paix
à la seule question des prisonniers
mais évoque un “processus global”
marqué par des étapes
et dont les victimes sont justement
un “élément constitutif”
Si les manifestations du 12 janvier, à Bayonne et à Bilbao, scanderont “Orain presoak”, “maintenant les prisonniers”, c’est pour marquer le temps de cette étape. Reste que les discussions avec le ministère ne sont pas rompues et qu’il est toujours temps de s’interroger sur cette demi-mesure d’un gouvernement français qui semblait pourtant décidé à appliquer le droit pour les prisonniers basques et même capable d’entrainer dans ce mouvement le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez. Lequel, sans majorité à Madrid, a besoin des basques et des catalans pour gouverner. On se demande bien ce que fait le PNV.