La nouveauté de ce scrutin est l’éclatement de la droite navarraise. Hier les régionalistes d’UPN, le PP et Ciudadanos étaient rassemblés sous une bannière unique, Navarra+. Suite aux votes imprévus de ses députés à Madrid, elle a éclaté. Le PP et l’UPN se livrent depuis à une guerre fratricide, avec un net avantage pour les seconds. Dès lors, Maria Chivite, présidente socialiste de la province depuis 2019, est assurée de renouveler son mandat avec le soutien d’EH Bildu qui veut d’abord éviter un retour de la droite au pouvoir.
L’enjeu principal du scrutin du 28 mai se situait à Iruñea. La division de la droite fait que EH Bildu emmené par l’ancien maire Joseba Asiron arrive en seconde position. Pour qu’il retrouve son fauteuil de premier magistrat, encore faut-il que les conseillers socialistes lui apportent leur soutien. Hier, ils ont préféré s’abstenir et faire passer la droite. Au parlement foral, le PSOE conduit par la présidente sortante Maria Chivite conserve l’avantage. Mais ses alliés de Geroa Bai (dont le PNV est une composante) ont perdu deux élus. Pour gouverner, le PSOE a besoin comme hier de la bienveillance ou du soutien des abertzale. Avec quel type de contrat ? Gageons que déjà les négociations vont bon train. Maria Chivite annonce que son parti est prêt à laisser accéder Geroa Bai aux manettes dans les communes où il devance les socialistes. En échange de son soutien en faveur de Maria Chivite à la tête du gouvernement foral, EH Bildu parviendra-t-il à obtenir le vote des conseillers municipaux socialistes à Iruñea ?
Rappelons que pendant deux décennies, le PSOE a préféré soutenir un gouvernement dirigé par les régionalistes de droite de l’UPN, plutôt que de constituer une majorité de gauche intégrant la gauche abertzale. Un choix décidé d’abord à Madrid qui, au final, coûta fort cher. L’irruption de Podemos au détriment des socialistes déclencha une crise énorme du PSOE local qui s’effondra. Elle déboucha en 2015 sur l’élection d’Uxue Barkos (Geroa Bai) à la tête de la Communauté forale, sans le soutien socialiste. C’est dire combien la situation politique est complexe et instable en Navarre, du fait de la fragmentation de la carte politique.
Du nord au sud, 180 km séparent deux cités comme Lesaka et Buñuel, mais elles sont bien éloignées en termes politiques, sociaux, linguistiques, voire climatiques.
Dans le tiers nord de la province, EH Bildu est la formation dominante.
Elle arrive en seconde position à Iruñea et dans la majorité des municipalités qui constituent sa banlieue. La plupart des cités de cette conurbation voient le PSOE et Geroa bai se disputer la troisième place. Plus au sud, Tafalla choisit à sa tête un maire EH Bildu. Les socialistes et les régionalistes de droite (UPN) se partagent le pouvoir dans le tiers sud de la province. Pendant des années, l’activisme d’ETA a joué le rôle de repoussoir et finalement a uni le camp espagnoliste. L’arrêt de la lutte armée en 2011 oblige tous les partis à se repositionner, de nouveaux scénarios d’alliances deviennent possibles, l’électorat bouge et les choses évoluent peu à peu dans le bon sens.