Les élections municipales de mars 2014 se profilent à l’horizon. On sait combien l’enjeu de ce scrutin est important pour les abertzale et le renforcement de leur présence dans le panorama politique d’Iparralde. Ces échéances ont inspiré d’intéressantes réflexions à Peio Etcheverry-Ainchart, conseiller municipal de Donibane Lohitzune.
Fin août, début septembre… Cela sent la rentrée à plein nez : les jours raccourcissent, les soirées se font plus fraîches et les touristes moins nombreux, les enseignants se plaignent de n’avoir eu que six ou sept semaines pour souffler et que c’est passé trop vite, les fêtes d’Urrugne et de Sare approchent… Rien que de plus banal, me direz-vous. Sauf que cette année est un peu particulière.
Veillée d’armes
Oui, cette année, nous sommes en 2013. C’est le 560e anniversaire de la chute de Constantinople, cela méritait tout de même d’être rappelé. Ceci étant fait, il me semble utile au lendemain des internationaux d’athlétisme d’ajouter aussi que c’est l’amorce du dernier tour de piste avant les élections municipales de 2014. Et l’enjeu est de taille, peut-être plus encore que durant les municipales précédentes.
En effet, c’est d’abord une occasion à ne pas manquer pour le mouvement abertzale. Ce dernier, depuis maintenant plusieurs mois, a passé la vitesse supérieure dans sa progression au Pays Basque nord : structuration de plus en plus concrète d’Euskal Herria Bai en tant qu’espace politique commun pour ce territoire ; conquête de la position de troisième force derrière l’UMP et le PS aux élections législatives de 2012 – soit dans le type de scrutin le plus difficile car de dimension hexagonale – ; reconnaissance par l’ensemble du landernau politique local comme élément à prendre en compte voire comme partenaire dans de multiples dynamiques collectives. Fini le temps du ghetto, celui qui était catégorisé “minorité activiste basque” dans son implantation sociale, “terroriste” dans ses méthodes, “excluant” dans ses idées et “ne dépassant guère les 5%” dans son poids électoral. Aujourd’hui, on n’ose plus trop jouer avec l’image de ce mouvement qui peut faire tomber des maires, des député-e-s, voire prendre lui-même certaines de leurs places.
Mais attention, il est fondamental pour lui de savoir se maintenir dans sa dynamique ascendante et, au cœur de celle-ci, savoir mettre à profit les moments charnières pour effectuer des pas décisifs. Or les municipales de 2014 peuvent être l’un d’entre eux par la concordance de plusieurs facteurs: image dépréciée de la droite dans le souvenir encore récent de l’ère Sarkozy ; tiers-mandat presque pathétique pour la présidence Hollande et la législature des député-e-s socialistes locales; faiblesse de toutes les alternatives de gauche comme de droite françaises, hormis celle —véritablement préoccupante— du FN ; mode d’élection éminemment local et donc plutôt favorable aux abertzale… Si l’on y ajoute le contexte d’absence de lutte armée mais la persistance d’une position de fermeture frustrante de la France et de l’Espagne dans tous les domaines, et une crédibilité de plus en plus reconnue de l’action municipale abertzale, cela fait de ces élections une opportunité à savoir saisir.
Mais convaincre la population
de faire confiance aux abertzale ne s’improvise pas ;
bien au contraire, cela se mérite.
Loin de l’image déplorable que donne trop souvent
le personnel politique français,
le monde basque doit savoir être convaincant.
D’une pierre plusieurs coups
L’importance de ces élections n’est pas seulement municipale. Certes, savoir peser sur ce scrutin, c’est s’assurer de postes d’élus en gestion comme en opposition pendant six ans, permettant ainsi de montrer à la population les compétences du mouvement abertzale et la validité de son programme. Mais ce mouvement porte aussi un projet global, à plusieurs échelles et dans plusieurs domaines, qu’il fait désormais avancer collectivement avec d’autres tendances politiques : institution, langue basque, résolution du conflit, opposition à la LGV, thématiques sociétales… Les nombreuses initiatives prises durant ces derniers mois dans un œcuménisme quasi exemplaire montrent la progression profonde de certaines idées dans la population locale et au sein de ses élu-e-s, mais ne nous leurrons pas pour autant : si certaines personnalités politiques figurent aujourd’hui en première ligne de mobilisations qu’elles désertaient ostensiblement et parfois critiquaient hier, ce n’est pas seulement par la miraculeuse constatation que seuls les imbéciles ne changent pas d’avis.
Confirmer le poids électoral du monde abertzale d’élection en élection, savoir figurer en masse parmi les “décideurs” comme dans les cortèges des manifestations, c’est aussi s’offrir la petite jouissance d’adhésions surprises à certains principes fondamentaux à nos yeux, et surtout à terme un rapport de forces enfin favorable permettant leur reconnaissance. Alors, “élections, pièges à con”? Certainement pas !
Gagner au mérite
Mais convaincre la population de faire confiance aux abertzale ne s’improvise pas ; bien au contraire, cela se mérite. Loin de l’image déplorable que donne trop souvent le personnel politique français, le monde basque doit savoir être convaincant. Sur son programme, qu’il soit global comme local, il doit être à la fois politique et technicien ; les grands slogans sont aisés à répéter et importants pour la communication, mais ils ne peuvent se passer d’une expertise dans leur application et cela demande un effort de formation. EH Bai en proposera à la rentrée, espérons que les inscriptions soient massives. Sur sa stratégie, il doit être lisible et efficace, affranchi des querelles d’ego et petits arrangements politiciens.
Pas besoin d’épiloguer sur ce point. Et sur l’action de ses représentants, il doit montrer au quotidien qu’elle se fonde sur des pratiques collectives, associant militant-e-s et élu-e-s. Les élections sont en mars. Cela nous laisse encore quelques mois. Profitons du calme de ces derniers jours avant la rentrée, puis affrontons la tempête avec toute la détermination qu’elle réclame.
C’est bien d’être en ordre de marche. Mais il ne faut pas oublier d’être à l’écoute du peuple de nos villes ou villages.
Nous sommes trop souvent des militants qui travaillons pour les militants.
Nous avons élaboré des thèmes (hizkuntza, institution, laborarien ganbara, …) qui répondent à des besoins que nous avons identifiés le long de ces décennies. Mais il y a beaucoup d’autres besoins que nous ne pourrons faire apparaitre que si nous travaillons avec ce peuple.
À l’heure où beaucoup d’abertzales refusent encore de condamner les actions d’ETA (au fait qu’est devenu le PC qui considérait, un peu de la même manière qu’eux, que les réalisations communistes en URSS étaient globalement positives ?), il nous reste beaucoup de chemin à faire pour être crédibles auprès du peuple de Garazi, Donibane Lohitzun, Baiona, etc.
P.S.
Référence pour référence, je préfère retenir qu’il y a peu, c’était le 560è anniversaire de la chute de Bayonne.