Le projet d’autoroute ferroviaire, traversant la France jusqu’à Mouguerre, a été dévoilé à Cherbourg. On attend donc que nous soit présenté ce montage aberrant qui supprimerait les dernières Barthes de Mouguerre.
A Cherbourg vient de se terminer une concertation du public sur un sujet qui nous concerne, ici au Pays Basque, puisqu’il s’agit du projet d’autoroute ferroviaire porté par Brittany ferries, qui relierait l’Irlande à l’Espagne et dont le terminal serait à Mouguerre.
J’ai déjà eu l’occasion de dénoncer, dans une précédente chronique, l’incongruité de ce projet. Alors que les camions sont déjà sur des bateaux et qu’une autoroute maritime existe entre l’Irlande et Bilbao, on détournerait les bateaux vers Cherbourg pour faire monter les camions sur des wagons surbaissés (mais pas assez car il faut quand même retoucher ponts et tunnels) à destination de Mouguerre d’où ils viendront grossir le flux d’une A63 déjà bien saturée.
De plus, ce projet nécessiterait de construire un terminal à Mouguerre sur les dernières barthes de la commune, terres humides d’une biodiversité remarquable et qui protègent des inondations les quartiers environnants et la ville de Bayonne en aval.
Mais nous n’étions pas au bout de nos surprises en consultant le dossier mis en ligne de la concertation de Cherbourg.
En effet, pour que le train puisse quitter le port de Cherbourg, il doit emprunter une ligne ferroviaire actuellement désaffectée. Or le passage du train nécessitera de fermer sept passages à niveau en plein centre-ville. Étrangement, le calcul du temps de fermeture des barrières n’est pas fait dans le dossier de concertation. Mais on peut se souvenir de nos exercices d’écolier. Soit un train de 750 mètres de long (on négligera le temps de fermeture préventif avant son passage, puisqu’on ne le connaît pas !) qui roule à 10 km/h (vitesse actuelle autorisée sur cette ligne), combien de temps les barrières resteront fermées ? La bonne réponse est 4 minutes et 30 secondes. Pour rendre le projet aux habitants plus acceptable, il a été décidé que le train roulerait à 20 km/h au lieu des 10 actuellement autorisés, ce qui diminue de moitié le temps de fermeture. Les 20 km/h sont-ils raisonnables en centre-ville, surtout qu’il y a un virage en angle droit et qu’il fera nuit la plupart de l’année lors d’un des deux passages journalier du train ? On ne le sait pas, puisqu’il n’y a non plus aucune considération de temps de freinage et de visibilité dans le dossier soumis à la concertation. Si le temps de fermeture n’est pas indiqué dans le dossier, les estimations faites prévoient que le retour à la normale de la circulation une fois le train passé prendrait entre 7 et 10 minutes. C’est donc un véritable blocage de la ville qui se fera, deux fois par jour. Autre particularité du centre-ville de Cherbourg : son bassin à flot surmonté d’un pont tournant à proximité d’un des passages à niveau. Or, il arrivera que le pont tournant soit ouvert en même temps que le passage du train, créant une file de voitures en attente de pouvoir passer. Le projet prévoit donc de créer “des échappatoires pour les véhicules qui pourraient être engagés et arrêtés sur le passage à niveau”. Les Cherbourgeois doivent être bien rassurés !
Toutes ces contraintes ont abouti à la promesse par Brittany ferries qu’il n’y aurait qu’un seul aller / retour par jour. Pourtant, le dossier présenté vante un “projet ambitieux de ferroutage”. Mais un aller/retour, ce sont au maximum 84 camions par jour, trafic dérisoire en comparaison des 9000 véhicules par jour qui passent à Biriatou.
C’est donc un projet sans aucune évolution possible, mais qui nous fera perdre nos dernières barthes à Mouguerre et pour lequel on investit 58 millions d’argent public, dont 12 millions par la Communauté d’agglomération Pays Basque. Alors le projet se fera-t-il ?
On ne connaît pas encore le résultat de la concertation de Cherbourg, ni l’état réel des finances de Brittany ferries sous perfusion de l’État depuis le Brexit et le Covid et qui doit acheter les fameux wagons surbaissés à Modalhor, dont on peut soupçonner qu’il soit finalement le seul à être gagnant dans ce projet.
Autre incertitude : la CAPB avait délibéré pour postuler sur l’appel à projet européen “MIE RTET” de septembre 2021, en vue d’obtenir le financement de l’Europe pour 1,75 millions qui viendrait en déduction des 12 millions budgétisés. Mais le projet ne fait pas partie de la liste des lauréats publiée fin juin 2022. En tous les cas, ni Brittany ferries ni la CAPB n’ont pour l’instant décidé de concerter la population basque.
Une simple “information préalable du public” est prévue sans, donc, possibilité pour les habitants du Pays Basque d’interagir officiellement avec les décideurs.
Pourtant, il serait très intéressant que d’un bout à l’autre de la ligne, tout le dossier soit mis à plat, son intérêt général discuté en toute transparence et en connaissant les investissements et les contraintes aux deux bouts de la ligne : perte irrémédiable des barthes d’un côté alors que les effets du changement climatique sont si importants, fermeture de sept passages à niveau à Cherbourg.
Il existe des solutions alternatives :
laisser les camions sur les bateaux,
ou transporter uniquement le container des camions
avec des wagons plate-forme existants déjà par milliers,
système qui s’avère plus souple
et pour lequel les infrastructures existent déjà à Mouguerre.
D’autant qu’il existe des solutions alternatives : laisser les camions sur les bateaux, ou transporter uniquement le container des camions avec des wagons plate- forme existants déjà par milliers —c’est ce qu’on appelle le fret par combiné—système qui s’avère plus souple, moins cher et transportant davantage de marchandises par wagon et pour lequel les infrastructures existent déjà à Mouguerre.