Laida Etxemendi et Amaia Boloquy, membres de l’association Euskara Geroan
Nous, membres d’Euskara geroan effectuons le constat suivant après la rentrée 2020 :
-Nous nous réjouissons de voir le nombre d’élèves en filière bilingue augmenter et les enseignements en D.N.L (discipline non linguistique) se développer. Nous constatons que de nombreux postes ont été profilés ces dernières années en collège comme en lycée.
Cependant, nous sommes encore loin de la parité horaire prévue par les textes (seulement deux collèges s’en rapprochent : Irandatz à Hendaye et Albert Camus à Bayonne) et nous nous trouvons désormais confrontés à des tensions grandissantes au sein de certains établissements, qui pourraient donner un coup d’arrêt au développement des D.N.L. En effet, si les heures de langue basque bénéficient d’un financement spécifique, ce n’est pas le cas des D.N.L ouvertes récemment. Ces enseignements sont financés à partir de la D.G.H (dotation globale horaire) des établissements. Dans un contexte où de nombreux établissements voient celle-ci diminuer, il devient compliqué d’ouvrir de nouvelles D.N.L.
-Alors que l’OPLB continue de proposer une formation pour les enseignants désirant apprendre le basque et enseigner en DNL, Mr Pestel, inspecteur d’académie à émis le souhait de ne plus dispenser cette formation qu’un an sur deux, puisqu’il n’y a pas assez de postes profilés.
-Alors que la mission de l’OPLB (Office Public de la Langue Basque) consisterait à former des locuteurs complets, nous déplorons l’absence d’une politique linguistique concertée et efficace. L’ouverture de DNL, de postes fléchés reste encore du « bricolage » et dépend du bon vouloir des établissements. Il n’existe toujours pas à ce jour de politique linguistique coordonnée qui permettrait de valoriser et de clarifier le fonctionnement de la filière bilingue.
-Alors que nous redoutions les effets de la réforme du lycée sur l’enseignement bilingue, deux ans plus tard l’évolution des effectifs nous inquiète fortement :
- Le taux de continuité en filière bilingue, notamment entre la 3ème et la 2de diminue ces dernières années (53,3 % entre 2017-18 et 2018-19 contre 48,1 % entre 2019-20 et 2020-21), il diminue aussi de la 2de à la 1re (72,7 % pour cette rentrée scolaire).
- Le nombre d’élèves choisissant l’option basque a brutalement chuté : 80 élèves suivent cet enseignement en seconde cette année, contre 149 en 2016-2017 et le taux de continuité entre la troisième et la seconde est tombé à 42,1 % cette année. De nombreux groupes sont désormais regroupés sur deux niveaux et l’option semble sacrifiée par la réforme.
- L’enseignement de spécialité basque attire peu d’élèves puisque seulement 18 élèves suivent cet enseignement cette année sur l’ensemble du territoire (4 lycées dispensent cet enseignement).
- En section technologique, l’offre d’enseignement de langue basque est très réduite. Seulement 9 élèves suivent un enseignement de langue basque cette année.
Il semble évident que la mise en concurrence des options et la faible valorisation du basque n’attire pas les élèves sur la filière bilingue en lycée. De même, nous constatons que la réforme a destructuré la filière bilingue. Alors qu’autrefois la langue basque bénéficiait d’un volume horaire à 4h hebdomadaires en lycée au même titre que les sections internationales, elle se retrouve parfois réduite à 2h d’enseignement, en tant que LVB, ce qui ne cadre plus avec les textes structurant l’organisation de la filière bilingue. (circulaires 2001-167 du 5 septembre 2001et 2003-090 du 5 juin 2003) En effet, 3 heures hebdomadaires minimum doivent être prévues à l’enseignement de la langue sans impacter les autres enseignements.
Nous poursuivons nos efforts dans nos classes afin que nos élèves bénéficient d’un enseignement en langue basque de qualité, mais nous ne pourrons parvenir à former des locuteurs complets que si les revendications suivantes sont entendues :
- Une parité horaire en collège et en lycée, qui trouverait un prolongement à une généralisation de l’immersion en maternelle, revendication portée par nos collègues du primaire. Cette parité ne sera permise dans les années à venir que grâce à un financement spécifique des D.N.L.
- Une véritable reconnaissance de la filière bilingue en Lycée, avec un horaire de 4h de langue hors LVB et LVC, une valorisation en terme de coefficient et une véritable reconnaissance du diplôme du bac pour les élèves ayant suivi ce cursus, qui permettrait notamment de faciliter une poursuite d’études à l’université du Pays Basque (EHU Euskal herriko unibertsitatea).
A ce titre, EHU a signé une convention avec Eusko Ikaskuntza iparralde pour faciliter l’accès à l’université des bacheliers. Nous déplorons l’absence de l’Office public de la langue basque (OPLB) dans cette démarche. - La valorisation de l’option basque, qui permet notamment à des enfants entrant au Pays basque d’apprendre les bases de la langue et de la culture basque. Valorisation à minima au même titre que les langues anciennes.
L’éducation nationale : un frein permanent à l’épanouissement de la filière bilingue
A l’heure où nous rédigeons ce communiqué nous apprenons que Mr Pestel, inspecteur d’académie a refusé le profilage de deux postes sur 3 demandés par les établissements. Le poste de physique-chimie prévu pour l’année prochaine au collège de la Citadelle (Donibane Garazi) n’est pas fléché alors que la demande avait été faite par le C.A du collège en question et que des ressources humaines identifiées dans l’académie sont disponibles pour assurer cet enseignement. Même refus pour un poste d’EPS qui avait était voté en CA au collège Endarra à Anglet où les ressources humaines sont également identifiées dans l’académie.
Refuser le profilage de 2 postes sur 3 alors que les élèves de la filière bilingue ont besoin de davantage d’espace d’expression pour consolider leurs apprentissages en langue basque est un choix politique clair de mépris des élèves, des décisions votées en conseil d’administation au sein des établissements, et des enseignants investis dans cette filière.
Si on veut former des locuteurs complets, il faut retrousser ses manches, proposer des DNL (discipline non linguistique) en basque avec des moyens appropriés. Par contre si on préfère le statut quo actuel qui a montré ses limites en terme d’aisance dans la langue basque, alors on sort les freins.
Cette décision de profilage n’est pas entérinée. La rectrice peut encore en décider autrement. A ce titre nous appellons les élus à participer à l’assemblée générale de l’OPLB de jeudi 25 mars pour défendre ces postes, au-delà des excuses administratives qui pourront leur être servies.
La transmission du basque dans le service public passe par une consolidation de cette filière. Il y a des besoins, il y a les postes, il y a les enseignants formés. Il manque la volonté politique de l’éducation nationale.