L’Edito du mensuel Enbata
“Élections pièges à cons”, disaient autrefois bien des abertzale.
En 1983, sous l’impulsion du collectif Izan, retour au suffrage universel lors des municipales à Urrugne et Bayonne avec des listes ouvertes conduites par des abertzale et à Biarritz, Saint- Pierre-d’Irube et Saint-Jean-de-Luz, en alliance avec le Parti socialiste qui venait de prendre le pouvoir à Paris sur la promesse de la création d’un département Pays Basque. Peu à peu, échéance après échéance, aux municipales puis aux législatives, régionales et départementales, le mouvement abertzale s’est totalement engagé dans la confrontation des urnes.
De marginaux, nos résultats sont devenus minoritaires avec cependant, de-ci de-là, des scores fort honorables, parsemés de quelques élections de maires.
Jamais il n’est parvenu à une présence aussi large sur l’ensemble d’Iparralde qu’à l’élection de ce mois de mars 2020. La diversité de nos listes ouvertes ou en alliance, essentiellement avec Europe Ecologie – Les Verts (EELV), constitue dès à présent la force politique centrale d’Iparralde. D’autant que l’effondrement des partis traditionnels de l’Hexagone se traduit, ici aussi, par l’effacement des étiquettes de nos concurrents, rendant encore plus significative notre identité.
Si tout le monde est désormais “écologiste”, il est également de bon ton pour chacun de s’afficher “basquiste”. Qui n’a pas doublé en euskara la dénomination française de sa liste et n’a pas inclus dans son programme un zeste d’euskara? Bons stratèges électoralistes, certains n’hésitent plus à capter, parmi leurs candidats, des prises de guerre notoirement connues comme abertzale. Sortis de l’opprobre “terroriste”, nous sommes devenus fréquentables. Cette acceptabilité de l’abertzalisme bouleverse l’image politique globale que renvoyait traditionnellement Iparralde. Longtemps résumé à un îlot conservateur en bas de la carte de l’Hexagone mis au coin du Sud-Ouest entre océan et Gipuzkoa, y ont régné en notables indétrônables Ibarnegaray avant-guerre puis les Inchauspé, Alliot-Marie, Guy Petit et quelques autres avec comme à toute règle des exceptions roses ou rouges à Hendaye ou Boucau.
Désormais, au-delà de ce bloc central que nous formons naturellement avec les Verts, forts de décennies de nos luttes contre les lacs artificiels, les golfs, les ports de plaisance et l’étalement urbain du tout-tourisme(1), il y a bien des élus abertzale-compatibles qui ont adopté l’eusko, l’euskara et rejoint les artisans de la paix. C’est avec eux que nous convertirons la Communauté Pays Basque en une collectivité territoriale spécifique dotée, pour le moins, des compétences de la Région et du Département et que nous obtiendrons pour Iparralde, dans l’aménagement du territoire qui ne cesse de bouger, le statut de collectivité territoriale type “métropole de Lyon”, élue au suffrage universel direct.
Samedi 29 février, alors que nous présentions notre liste abertzale ouverte “Euskal Herrian vert et solidaire” au fronton Plaza Berri de Biarritz, à l’autre bout de la chaîne des Pyrénées, à Perpignan, sur le territoire de l’Etat français, 100.000 Catalans clamaient d’une même voix l’entrée d’une Catalogne libre au sein de l’Union européenne. On le voit, chaque peuple a sa manière de maîtriser son destin.
********
En République d’Irlande, la victoire du Sinn Fein aux législatives du 8 février place, pour la première fois, aux portes du pouvoir à Dublin le parti qui fut la face politique de l’Armée républicaine irlandaise (IRA). Fondée en 1905 pour réaliser l’indépendance et la réunification de l’île, le parti de Gerry Adams, aujourd’hui dirigé par Mary Lou McDonald, est la seule organisation politique représentée dans les deux partis de l’Irlande. Ironie de l’histoire, cette victoire est la première réplique du tremblement de terre provoqué par le Brexit, effaçant la frontière économique terrestre entre le Nord britannique et la République indépendante, pour la déplacer (la noyer?) en mer d’Irlande. Le processus de réunification pacifique par referendum est enclenché.