En Ecosse, cap sur l’indépendance dans le chaos du Brexit

ScotlandDans la grande consultation électorale sur l’ensemble des 28 pays de l’Union européenne, deux nations retiennent notre attention : la Catalogne et l’Ecosse. Voici l’analyse de l’implication d’un nouveau référendum pour l’indépendance de l’Ecosse et le Brexit ainsi que l’indépendance singulière de la première ministre Nicola Sturgeon.

Si dans plusieurs pays, les élections européennes ont pu se tenir dans une certaine indifférence, ce n’est certainement pas le cas de l’Ecosse où la Première ministre Nicola Sturgeon avait annoncé la couleur : “ces élections sont les plus importantes élections européennes de l’histoire de l’Ecosse”.

Pas parce que la composition de la représentation écossaise à Strasbourg (6 députés) revêtait un enjeu spécial, mais parce que ce scrutin fournissait l’occasion de remettre au centre du débat politique la question de l’indépendance écossaise. On se souvient que les Ecossais avaient voté en 2014 contre l’indépendance avec une majorité assez nette de 55%. Le débat semblait donc devoir être clos pour quelques années, mais le Brexit est venu changer la donne. En effet, la sortie de l’Union Européenne a certes été approuvée par référendum sur l’ensemble du Royaume Uni en juin 2016, mais en Ecosse c’est une très confortable majorité de 62% qui s’était prononcée pour le maintien.

Anticipation

Nicola Sturgeon et son parti, le SNP (Scottish National Party, indépendantiste), avaient fort opportunément anticipé ces résultats lors de la campagne pour les élections autonomes écossaises qui s’étaient tenues en mai 2016, quelques semaines à peine avant le vote du Brexit. Le SNP avait en effet explicitement revendiqué sur sa profession de foi qu’un nouveau vote sur l’indépendance devrait se tenir en cas de “changement matériel de circonstances”, comme l’imposition à l’Ecosse de quitter l’UE contre son gré. Ayant remporté ces élections, le SNP estime donc avoir la légitimité démocratique pour organiser un nouveau référendum d’indépendance : “Je considère, avait ainsi déclaré Sturgeon, que le choix entre le Brexit et un futur pour l’Ecosse comme une nation européenne indépendante devrait être offert durant cette mandature”, c’est-à-dire avant 2021.

Nouveau référendum

Mais si un nouveau référendum était organisé, les indépendantistes parviendraient-ils à remonter le retard de 10 points avec lequel ils s’étaient inclinés en 2014 ? Selon deux sondages récents, le soutien à l’indépendance a sensiblement augmenté (entre 47 et 49%) et surtout, il atteindrait 52% en cas d’un Brexit sans accord avec l’UE. Ces sondages ont dû conforter le SNP dans sa stratégie électorale pour les européennes, qui consistait à se présenter comme le champion des partisans de l’UE afin d’attirer vers ses rangs les électeurs travaillistes déçus par l’ambigüité de la direction de leur parti sur le Brexit.

Si un nouveau référendum était organisé,
les indépendantistes parviendraient-ils
à remonter le retard de 10 points
avec lequel ils s’étaient inclinés en 2014 ?
Selon deux sondages récents,
le soutien à l’indépendance
a sensiblement augmenté et atteindrait
52% en cas d’un Brexit sans accord avec l’UE.

Cette stratégie a déstabilisé les opposants non indépendantistes au Brexit —le leader en Ecosse de Change UK jetant même l’éponge en pleine campagne électorale— et complètement laminé les Travaillistes qui n’ont pas franchi la barre des 10% et n’ont obtenu aucun député. La stratégie du SNP a également fait de l’indépendance de l’Ecosse l’enjeu central de ces élections européennes. En effet, les adversaires du SNP, tout particulièrement les conservateurs, n’ont cessé de rappeler l’agenda indépendantiste de la Première ministre et donné ainsi à ces élections européennes un petit parfum de consultation sur l’indépendance. Et donc un petit goût de victoire aussi, puisqu’avec près de 38% des votes, le SNP réalise son meilleur résultat à des élections européennes, en dépassant largement son précédent record de 32,6% en 1994. La stratégie du SNP n’est cependant pas exempte de risques car la base de l’organisation n’est pas aussi pro-UE que l’image que tente de se donner aujourd’hui le parti de Nicola Sturgeon. On estime ainsi qu’un tiers des électeurs indépendantistes avaient voté en faveur du Brexit en 2016. Certains d’entre eux sont aujourd’hui furieux de la ligne affichée par le parti et prennent leurs distances. Le phénomène est suffisamment significatif pour que l’europhobe Nigel Farage, leader du Brexit Party, se soit adressé spécifiquement à ces indépendantistes désorientés : “vous ne pouvez pas être indépendants si vous êtes gouvernés par la Cour de Justice européenne […] Si vous êtes authentiquement nationalistes, votez pour le Brexit Party, sortons de l’UE et discutons alors honnêtement de l’indépendance”. On imagine mal que beaucoup d’électeurs du SNP aient voté pour Farage, qui a quand même réalisé un bon score (14,7% et un député), et le SNP a dans tous les cas gagné plus d’électeurs en provenance du parti travailliste qu’il n’en a perdu à cause de ses positions européistes. Mais il y a dans les rangs du SNP un flottement qui mérite que l’on s’y attarde…

Deux grands courants

On peut observer deux grands courants au sein du mouvement indépendantiste écossais. Le premier, mené par Nicola Sturgeon, entend avancer graduellement pour attirer de nouveaux électeurs et dépasser ainsi la barre des 50% s’il y avait un second référendum. Pour lever les inquiétudes soulevées par la perspective de l’indépendance, de nombreuses mesures économiques censées “rassurer les marchés” ont été dévoilées, au grand dam de la base historique du parti qui préférait une politique plus volontariste. Il y a quelques semaines, lors du congrès du SNP, les militants ont ainsi contraint Sturgeon à adopter une position bien plus radicale que ce qu’elle aurait souhaité sur la question monétaire, en votant la création d’une nouvelle monnaie “dès que possible après la déclaration de l’indépendance”. Un autre reproche que les plus radicaux du SNP font à Sturgeon est d’avoir évoqué la tenue d’un second référendum sans pour autant demander à Theresa May le transfert des compétences permettant de l’organiser. De toutes façons, Theresa May ne semblait pas décidée à y consentir : “nous ferons toujours de l’Union une priorité” a-t-elle déclaré, précisant que “la force de la diversité qui vient du fait d’être une union de quatre grandes et fières nations sera cruciale pour le succès” du Brexit. A l’heure où j’écris ces lignes, on ne sait pas qui succèdera à Theresa May, démissionnaire, mais on imagine mal son successeur se montrer plus conciliant, surtout dans le chaos d’un “Brexit dur” de plus en plus probable. Peut-on alors envisager comme le craignent les conservateurs, une “alliance socialo-séparatiste” permettant aux Travaillistes de prendre le pouvoir à Westminster en échange du droit à organiser un nouveau référendum sur l’indépendance en Ecosse ? Pourquoi pas après tout, mais dans tous les cas, la marche vers ce second référendum s’annonce moins sereine que pour le premier. Mais ça n’empêche pas les Ecossais d’avancer !

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