Certes, la création il y a plus d’un an de l’Agglomération Pays Basque a doté nos trois provinces d’une personnalité juridique, lui a enfin donné une existence physique et morale. Ce n’est pas rien ! Par le biais d’une intercommunalité, le Pays Basque nord peut parler d’une même voix, peut gérer le quotidien d’une large partie de nos politiques publiques, est en capacité d’élaborer des projets de développement commun à nos 300.000 habitants. Sa faculté de lever l’impôt lui assure un budget conséquent de 600 (six cents) millions d’euros et dispose d’un bon millier de fonctionnaires pour son organisation.
On pouvait craindre qu’à 230 élus, délégués des 158 communes basques, ses assemblées plénières ne se transforment en forums bavards peu efficaces. Craindre aussi que les opposants au principe même de cette structure, que les votes des conseils municipaux avaient réduits à une proportion de 25% de l’ensemble d’Iparralde, ne viennent perturber la bonne marche de cette collectivité dans laquelle ils voient les prémices d’une institution propre au Pays Basque. Pour l’essentiel, heureusement, elle marche.
Mais il ne faudrait pas, au-delà de la complexité naturelle de la mutualisation du pouvoir de chacune de nos communes, que l’on donne du grain à moudre à ceux qui souhaitent l’échec de ce vivre ensemble basque.
La taxe transport, étendue de la côte à l’intérieur, fut l’occasion d’une contestation interne et offrit du carburant à nos revanchards.
Cette construction est donc fragile. Il nous faut pourtant la réussir si l’on veut aller vers une institution spécifique élue au suffrage universel regroupant, pour le moins, les compétences d’une région et d’un département.
Le suffrage universel seul donne une légitimité démocratique. La Constitution française est claire sur le sujet où seules les collectivités territoriales, communes, départements ou régions, sont gérées au suffrage universel direct. Le saut entre l’intercommunalité Pays Basque actuelle et l’institution spécifique n’est pas de degré mais de nature. Peut-on même imaginer une élection directe à la gestion d’une intercommunalité sans réduire à néant, par voie de conséquence, les élections dans chacune de nos communes ? Il est possible en revanche et même probable que s’affrontent visions et partis politiques différents, pour conquérir le pouvoir de gestion de ce pays. Mais on ne pourra obtenir cet aménagement du territoire que sur la réussite de l’actuelle intercommunalité.
La longue mise en faisceau des mentalités, sur fond d’abertzalisme, au sein des Conseils des élus et de développement, doit reprendre son cours.
La structure issue de la société civile, Batera, avait su définir les fondements du devenir basque. Ses quatre revendications de base restent, pour l’essentiel, à reprendre et à adapter en s’appuyant désormais sur le nouvel outil intercommunal.
La naissance et la réussite de Laborantza Ganbara doivent permettre une reformulation d’une Chambre d’agriculture, organisme public, levant l’impôt, interlocuteur de toutes les collectivités.
L’Office public de la langue basque, pour être utile, a montré ses limites. Un statut de l’euskara est d’ordre politique et l’on perçoit aisément, au travers de l’exemple corse, combien il est difficile à la République française, une telle reconnaissance. Il faut aussi, hélas, tenir compte de l’abandon de la ratification de la Charte européenne des langues minoritaires par sa non-inscription dans le projet de modification en cours de la Constitution.
De même, il nous faudra créer une université de plein exercice sans laquelle notre identité ne peut s’épanouir dans le siècle. Seule la maîtrise d’une politique d’études supérieures, attachée au statut d’université, peut et doit mettre en place des recherches et des enseignements spécifiques nécessaires au développement d’Iparralde.
Jusqu’ici, l’aménagement du territoire relevait directement du gouvernement. Le président Macron a mis en place une structure originale, la “Conférence nationale des territoires”, qui tient une assemblée plénière tous les six mois, sous la présidence physique du Premier ministre. Cette assemblée ouverte aux collectivités territoriales, régions, départements et communes, s’est déjà tenue trois fois dont deux en région, comme l’on dit. Nos délégations du Conseil des élus se rendaient, par le passé, pour défendre l’institution propre au Pays Basque, à Paris, auprès du ministre de l’Intérieur et de Maryse Lebranchu. C’est désormais la “Conférence nationale des territoires” qu’il nous faut saisir. Les élus abertzale pourraient être le fer de lance d’une réflexion d’opportunité sur ce thème et pousser à la constitution d’une délégation d’élus déjà engagés lors des revendications pour le département, puis l’institution spécifique. Les parlementaires Vincent Bru, Max Brisson et Frédérique Espagnac, des maires autour de Jean-René Etchegaray, seraient susceptibles de reprendre cette marche en avant. N’y a-t- il pas là de quoi occuper un espace politique actuellement en jachère ?