Ils sont nombreux les nostalgiques (ou les franchouillards) qui se lamentent sur la perte d’influence de la langue française dans le monde, y compris dans les anciennes colonies françaises, et la prédominance de l’anglais, langue de communication internationale. Nous autres euskaldun, qui savons ce que se voir imposer une autre langue veut dire, avons une approche distanciée de la question.
Voici quelques jours, attendant négligemment en voiture le bulletin d’actualités sur France info, mon attention est subitement — j’aime bien dramatiser mes chroniques, ça me donne l’impression que ma vie est trépidante—attirée par l’identité de l’invité de la chronique Si j’étais président, que la radio a lancée dans le contexte de la campagne présidentielle.
Pour ceux ou celles qui ne la connaissent pas, cette chronique propose à un invité issu de la société civile d’évoquer la principale mesure qu’il prendrait s’il était élu président.
Ce jour-là, l’invité est l’historien Jean-Noël Jeanneney, dont je déguste sans modération l’excellente émission Concordance des temps.
Défense du français
Je me dis “chouette, c’est un type dont je partage le goût de l’histoire, voyons donc ce qu’il a à nous dire dans ce format un peu particulier”. Le voilà qui se lance dans un plaidoyer en faveur de la langue française, de la défense de son orthographe, de l’usage de mots français en lieu et place de mots anglais, bref le genre d’arguments déjà souvent entendus depuis que la France a commencé à être la France, de l’ordonnance de Villers-Cotterêts sous François Ier à l’amendement Toubon-Lamassoure à l’article 2 de la constitution.
Jusque-là, rien ne me choque.
Au contraire, de la même manière qu’il paraît logique de défendre l’euskara au Pays Basque, non seulement parce que c’est la langue de ce territoire mais également parce que c’est la principale contribution qu’on offre en tant que peuple à la diversité de l’humanité, défendre la langue française est logique et salutaire.
D’ailleurs, personnellement j’avoue être un amoureux de la langue française, jusqu’à prendre un plaisir assumé et quelque peu masochiste à lire du Céline pour la seule beauté de ses mots, tout en essayant de faire abstraction du discours nauséabond que ces derniers formulent.
De manière générale, il me semble important d’expliquer que jamais un abertzale ne sera l’ennemi de la langue française, pour cette même raison que cette dernière est – de la même manière que l’euskara – une belle touche de couleur supplémentaire dans la palette.
Important d’expliquer aussi que jamais la langue française n’a été l’ennemie de l’euskara.
Une langue est un outil, qui comme tout outil sert à une fonction précise, en l’occurrence celle de communiquer. Et comme tout outil, c’est la manière qu’on a de s’en servir qui le rend efficace, utile ou au contraire néfaste.
En l’occurrence, le peuple basque n’a de contentieux qu’avec ceux qui ont abaissé le français au rang d’outil de combat contre toutes les autres langues de l’Hexagone, dans un objectif de construction nationale.
Contre cela, il faut s’élever ; mais en ce qui me concerne, je ne peux qu’être d’accord avec Jeanneney lorsqu’il défend la langue française elle-même.
Lutte contre l’anglais
Là où il me semble par contre que ça commence à devenir moins évident, c’est quand il souligne que la défense du français est aussi une manière de s’opposer à la toute-puissance de l’anglais.
Franchement, la toute-puissance de l’anglais je m’en fous un peu, en tout cas tant que cela suit deux logiques.
La première est qu’elle fasse office de langue commode de communication internationale, permettant de fluidifier les échanges de tout type dans une mondialisation vertueuse ; les 7 milliards d’êtres humains ont tout à gagner à ce qu’existe une telle langue, et peu m’importe que ce soit l’anglais, le français ou le burushaski.
La seconde logique est que celle langue commune universelle ne se répande pas au détriment des autres langues de la planète, à l’instar de ce mode néolibéral de mondialisation qui ne produit que de l’uniformité et de l’appauvrissement général. Or, il est aujourd’hui de notoriété publique que quiconque a la capacité de maîtriser plusieurs langues, et de sélectionner celle dont il a besoin selon que la communication est plus ou moins locale ou internationale.
Pour ma part, maîtriser l’anglais pour voyager, l’euskara pour ma communication au Pays Basque, et le français et l’espagnol parce que ce sont les deux autres langues courantes ici et par simple souci de richesse, est un beau rêve.
A vrai dire, il est toujours agaçant d’entendre un Français
dénoncer le “communautarisme” ou des nationalismes
tels que celui du Pays Basque,
alors même qu’ils braquent la très franchouillarde nostalgie
de la francophonie louis-quatorzienne
contre une autre langue
qui aurait injustement floué la leur.
Défense de la francophonie
Le problème avec Jeanneney, est que non seulement il ne prend pas l’affaire sous cet angle-là, mais qu’au contraire il s’attriste de voir l’anglais avoir supplanté le français en tant que langue de premier rang dans le monde, et défend d’autant plus la promotion de la francophonie.
A vrai dire, il est toujours agaçant d’entendre un Français dénoncer le “communautarisme” ou des nationalismes tels que celui du Pays Basque, alors même qu’ils braquent la très franchouillarde nostalgie de la francophonie louis-quatorzienne contre une autre langue qui aurait injustement floué la leur.
Mais le pire est encore ailleurs, à entendre Jeanneney pleurer aussi sur le recul du français dans les territoires de la francophonie. Comme s’il était une norme ou un droit pour le français à être parlé au Sénégal, en Guyane ou au Laos, parmi toutes ces populations elles-mêmes dotées de centaines de langues en péril ou déjà disparues, et qui n’ont eu à connaître le français qu’imposé dans un processus de colonisation !
Incroyable qu’au début du XXIe siècle, un historien —et avec lui toute une opinion publique en France— tombent encore dans ce genre de discours néocolonial, celui du rayonnement français illuminant enfin les peuplades arriérées et jusqu’alors perdues pour la civilisation.
L’euskara a sûrement moins rayonné que le français ; mais pour ma part, non seulement ça ne me chagrine pas, mais par contraste, cette conception du rayonnement français me fait plutôt mal aux yeux.
Personnellement je trouve pratique qu’une langue soit comprise partout et plus ou moins bien baragouinée (clin d’œil, je suis bretonne) comme l’anglais, mais ce qui m’horripile, c’est qu’on remplace des mots français, compris de tous par des anglicismes! Exemple : packaging quand emballage veut dire la même chose…
Fin de semaine, c’est plus long à dire que cet horrible ouiquende? J’en passe…
Agur.
Est-ce que que les Anglais se plaignent des 10 000 mots d’origine française qui complètent leur langue ?
Shoping (de échope), flirter (de fleureter, compter fleurette) manager (de ménager) knife (de canif) et 10 000 mots supplémentaires. Je n’ai jamais vu un académicien s’inspirer des canadiens pour enrichir. notre vocabulaire. Dans cette affaire “Honni soit qui mal y pense” “SI Dieu le veut”
Dans tout çà le plus important est que les élus Abertzale s’expriment en Euskara dans les bastions que sont les conseils municipaux comme dans certaines communes et peut être même à Donibane Lohizun.
Bere lekuan, bakotxak bere urratsa.
Enrichir notre vocabulaire…D’accord!
En quoi packaging est-il enrichissant par rapport à emballage?
Pourquoi un académicien s’inspirerait-il des canadiens (francophones?) pour enrichir notre vocabulaire?
Je ne saisis pas mais tu as raison, que les langues “régionales”continuent à vivre!
Kenavo