Le 23 de ce mois de juin, les Britanniques voteront, par référendum, sur leur maintien dans l’Union européenne ou leur retrait. Cet acte majeur ne sera pas sans conséquence sur notre vie comme sur celle des cinq cents millions d’habitants de ce continent, car la Grande-Bretagne en est la seconde puissance économique.
Le chantage de son maintien est en perpétuelle négociation pour des avantages spécifiques depuis le chèque de Margaret Thatcher jusqu’au compromis d’aujourd’hui arraché à ses partenaires par David Cameron.
Elle n’a d’ailleurs adhéré au marché commun qu’après avoir laissé à d’autres nations le soin d’en assumer les premiers pas dans l’Europe à six et mis sur pieds une alternative de libre échange qui a tourné court.
Seule la dimension économique l’a séduite avec l’ambition inavouée d’être le cheval de Troie des Etats-Unis.
Elle a entraîné lors de son adhésion en 1989, les pays qui partageaient son euro-scepticisme, le Danemark, l’Irlande et la Norvège. Depuis, sous son influence, l’Union n’a cessé de s’élargir, diluant chaque fois un peu plus les ambitions fédéralistes des fondateurs, pour aller vers une zone de libre échange qui seule la motive.
Elle a refusé Schengen comme l’Euro. Sa solidarité avec le club européen s’arrête à la libre circulation interne des biens et des personnes. OK pour l’accueil de six cents mille travailleurs polonais mais refus des migrants orientaux bloqués à Calais. OK pour réaliser 45% de ses exportations dans le marché unique européen, mais pas question d’adopter l’euro.
Bref, une participation européenne à géométrie variable qui conduit aujourd’hui le Royaume-Uni au vote couperet du 23 juin.
Si le débat entre britanniques est vif, il reste, pour l’essentiel, économique.
Mis à part une frange de souverainistes nostalgiques de l’Empire et de la livre sterling monnaie du commerce mondial, David Cameron et les tenants du maintien dans l’Union n’avancent que des arguments de peur d’un désastre économique. Le Trésor britannique en garantit le sérieux. Le Brexit provoquerait une récession, une baisse de 3,6% du PIB, la perte de 500.000 emplois et la dévaluation de la livre. D’autres scenarii prédisent pire encore. Le président Obama est venu personnellement dire à ses amis qu’il n’y aurait plus aucun traitement de faveur, car l’Europe demeure le partenaire privilégié des Etats-Unis.
Tout cela peut-il ébranler le flegme britannique? Les sondages donnent les deux camps à égalité. Les observateurs français ont, jusqu’ici, appréhendé le Brexit d’une manière homogène comme si le Royaume-Uni n’était pas précisément l’union de pays différents.
Or l’Europe est devenue partout une affaire intégrée aux Etats-nations qui la composent. L’Ecosse, en plein processus d’indépendance, profondément attachée à l’Europe, ne restera pas sans réagir à la rupture de Londres avec Bruxelles. Elle agira pour demeurer européenne et l’UE devra lui répondre autrement que par le truchement de Londres qui aura disparu. Une nouvelle doctrine devra être élaborée, exact contraire de celle opposée aux indépendantistes catalans qui, eux, se sépareraient d’un membre de l’Union.
Un Brexit aurait aussi un impact sur les relations et la continuité territoriale entre la République d’Irlande et l’Ulster. Il y aurait là reconstitution d’une frontière avec de possibles réveils des irrédentismes.
Sur le continent même, il est certain que le départ de Londres provoquerait un effet domino dans l’un ou l’autre des 27 pays partenaires où les forces d’extrême droite et eurosceptiques sont en constante progression. En France, le Front National qui milite déjà pour la sortie de l’euro, s’en trouverait renforcé. Doit-on, pour autant, déplorer l’éventuel Brexit?
Je pense, malgré tout, qu’il agirait comme une heureuse purge et, à moyen terme, pourrait redonner un nouveau souffle à la construction européenne actuellement paralysée par le primat des Etats.
C’est, jusqu’ici, la vision anglaise purement économique qui prévaut à Bruxelles. L’Angleterre présente à Bruxelles, jamais l’intégration progressive des nations voulue par les fondateurs ne sera reprise et l’euro restera une monnaie livrée aux seuls banquiers centraux, hors de tout contrôle politique.
L’Angleterre présente à Bruxelles accentuera la dérive nationaliste de l’Union par le renforcement du Conseil des chefs d’Etats et de gouvernements et le dépérissement du pouvoir du parlement de Strasbourg.
L’Angleterre partie, il faudra redéfinir les compétences revenant aux Etats et à leurs parlements nationaux de celles, fédérales, gérées en commun, tout en mettant fin à l’élargissement dilution.
Sans minorer les effets négatifs immédiats du Brexit, nous devons le souhaiter pour la liberté de nos nations en voie de reconnaissance et la prospérité des solidarités internationales à venir.