Depuis peu, plus une élection n’échappe à la remise en question de la démocratie représentative en Europe. Le scrutin du 24 mai dans l’Etat espagnol y contribue avec ses spécificités propres. L’observateur est chaque fois dérouté. Pays en crise économique sévère ou en pleine expansion, chacun, à sa manière, décline ce mal être collectif.
L’Irlande catholique décide à 62% par référendum d’instaurer le mariage pour tous. La Grèce s’est donnée il y a trois mois un gouvernement d’extrême gauche qui a pour objectif de sortir le pays de l’austérité, voulue, selon lui, par l’UE et le FMI, et d’annuler sa dette publique. La Grande-Bretagne se dirige vers un référendum de sortie de l’Europe et une sécession de l’Ecosse. La Belgique que l’on croyait, par nature, vouée à la séparation entre ses deux peuples constitutifs, semble, pour l’heure, paradoxalement la plus stable depuis l’entrée au gouvernement central des séparatistes flamands. Au Pays-Bas, extrême droite et racisme prospèrent. En Suède, modèle de tolérance, l’immigration musulmane dérègle la société social-démocrate de prospérité. En France, l’extrême droite, devenue premier parti de l’Hexagone, s’invite à la présidentielle de 2017 et contraint droite et gauche à des aggiornamento profonds.
Mis à part les europhobes anglais de UKIP et en apparence le Front National, peu de partis politiques demandent cependant de sortir de l’organisation de ce continent. Il est vrai que 500 millions d’habitants organisés dans un marché unique pèsent plus dans la mondialisation que nos nations séparées. Cette Europe puissance porte cependant en elle son propre poison. La libre circulation des hommes, des marchandises et des capitaux laisse, hélas, libre cours à la rapacité des puissances industrielles et commerciales car, sans délocaliser hors d’Europe, elles peuvent situer leurs sièges sociaux dans un des 28 pays partenaires au moins disant fiscal et continuer à bénéficier d’un marché de 500 millions de consommateurs. Les avantages de la monnaie unique ne peuvent compenser ces optimisations fiscales qui fracturent l’Europe à plusieurs vitesses et permettent à l’Allemagne, notamment, de prospérer sur l’austérité de bien d’autres.
La réponse citoyenne de Podemos en Espagne est, de ce point de vue, un excellent antidote. L’émergence de ce mouvement à gauche, comme celui de Ciudadanos à droite, lors des scrutins du 24 mai, est, à ce jour, la seule à casser le jeu déprimant du bipartisme. Il faut reconnaître qu’ils n’ont jamais cédé à la xénophobie du FN ou de UKIP. Reste qu’ils ne pourront se passer d’alliances avec le PSOE pour prendre le pouvoir dans les villes, Madrid ou Barcelone, où ils réalisent de larges percées. Prendre le pouvoir c’est sortir de l’opposition incantatoire pour se confronter à la réalité de la gestion, à l’art du possible.
Or, par les compromis nécessaires, ils peuvent décevoir une partie de l’électorat qu’ils font rêver. Peuvent-ils se payer le luxe de la vérité démocratique sans compromettre leur chance à l’objectif suprême, la conquête du pouvoir central aux législatives de novembre prochain? Au Pays Basque, avec 13,6% des voix, Podemos vient de prendre une place non négligeable mais modeste. Quel rôle veulent-ils jouer dans le destin de notre pays? Logiques avec leur désir anti-système, participeront-ils en alliance avec les abertzale à l’alternance en Navarre, ou camperont-ils sur une apparente neutralité permettant ainsi le maintien des caciques espagnols? Donneront-ils raison à l’éditorialiste du Monde “Au Pays Basque, Podemos est derrière les deux partis nationalistes basques, la première force politique espagnole”. Des espagnolistes soft ou des citoyens européens éclairés?
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Deux mois que le débat public fait rage. La réforme du collège voit ses promoteurs et ses détracteurs se jeter à la figure anathèmes définitifs et injures. Pourtant, chacun convient de son impérieuse nécessité au vu des classements internationaux qui enfouissent, année après année, notre système d’enseignement au plus profond et le rend chaque fois plus inégalitaire. Cependant, au coeur du vif débat un grand silence: la taille du mastodonte scolaire. Peut-on réformer un tel monstre d’un million cent mille salariés dont huit cent mille enseignants? C’est la plus grande entreprise au monde organisée uniformément et pyramidalement. L’Allemagne qu’on nous propose souvent en modèle, ne forme pas plus mal que nous sa jeunesse avec ses seize ministères de l’enseignement, un par land. On comprend, dès lors, pourquoi l’éducation nationale française vit, depuis des décennies, au rythme régulier de grèves, réformes, débats, frustrations, révoltes… Il est vrai que sa mission historique est d’être le socle fondateur de l’unité de la République.