Depuis le 1er de ce mois de novembre, l’Union européenne s’est dotée d’un nouveau “gouvernement”, appelé la Commission. Cette relève politique marque une démocratisation assez exemplaire des institutions que se sont données les 28 pays partenaires. Les pourfendeurs des “technocrates de Bruxelles” devront, désormais, réfléchir à deux fois avant d’employer ce vocabulaire populiste qu’il est de bon ton d’utiliser même dans les courants de pensée plus modérés.
Surtout dans cette doulce France qui, tous les cinq ans, organise la délégation de gouvernance entre les mains d’un seul homme de qui tout dépend, nomination du premier ministre, de son gouvernement et la constitution d’une majorité parlementaire élue dans le sillage de sa propre désignation.
Les divers remaniements et constitutions de gouvernement Ayrault, puis Valls, sont encore tout chauds dans nos mémoires pour ne pas trouver autrement plus démocratique le processus d’élection de la Commission de Bruxelles.
Les grands médias en ont peu parlé pour y revenir. Rappelons que le parlement de Strasbourg est élu au suffrage universel direct depuis 1979 sur l’ensemble du continent lors d’un scrutin quasiment le même jour en tenant compte des populations de chaque pays. La consultation de mai dernier avait, pour la première fois, un double objectif, celui d’élire les eurodéputés et aussi de désigner le président de la Commission européenne jusqu’ici apanage du Conseil des chefs d’Etats et de gouvernements des 28. Non sans réticence des exécutifs des Etats, en conformité avec les traités, les grandes familles politiques européennes ont proposé aux suffrages des citoyens leurs candidats à la direction de l’exécutif de l’Union. La formation arrivée en tête, le parti populaire européen, PPE, a ainsi vu son leader, l’ancien premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, élu au parlement le 15 juillet par 422 voix pour, 250 contre et 47 abstentions. Quant à la composition de son “gouvernement”, elle est hautement originale et éminemment démocratique. Durant presque un mois, à partir du 29 septembre, les 27 commissaires désignés en commun par les pays membres et Jean-Claude Juncker, ont fait l’objet d’une audition devant une commission du parlement de Strasbourg. Pour certains ce fut difficile. Le français Pierre Moscovici aux finances dont les états de service à Paris étaient contestés, l’espagnol Miguel Cañete à l’environnement soupçonné de conflit d’intérêt pour son engagement dans les milieux pétroliers qui a soulevé une pétition citoyenne ayant recueilli 600.000 signatures, la slovène Alenka Bratusek qui a été exclue, le britannique Jonathan Hill dont les liens avec la City de Londres sont avérés… C’est dire l’exigence de compétence et de probité de l’exercice. Tout ceci étant bouclé, Jean-Claude Juncker et son équipe ont alors présenté leur programme devant le parlement européen qui a investi la nouvelle Commission, le 22 octobre par 242 voix sur 609 votants. Elle gouvernera l’Union pour cinq ans à partir du 1er novembre 2014.
Coup de tonnerre dans l’univers fantasmé des pro-LGV atlantique.
Jeudi 23 octobre le rapport de la Cour des comptes a mis fin, nous l’espérons, au désastre annoncé de la balafre du territoire basque déjà traversé par routes, autoroute élargie et chemin de fer. Non seulement la crise économique est là et l’argent public tari, mais il nous est confirmé que “plus on construit de lignes à grande vitesse, moins elles sont rentables”, selon Barbara Dalibard, directrice générale SNCFvoyageurs. Ainsi la mise en service du tronçon Tours-Bordeaux, en cours de construction, devrait se solder par 100 à 200 millions de pertes par an. Pour la Cour des comptes “des constructions de lignes nouvelles sans réel souci de rationalité socio-économique, un troc permanent entre l’Etat et les collectivités locales, perdent en route l’intérêt général”. Comment, maintenant, en Iparralde sortir de cette immense gabegie où l’Etat impécunieux a embarqué dans le projet LGV-atlantique 58 collectivités territoriales, petites ou grandes, qui ont exigé des contreparties, ce fameux troc dénoncé par la Cour. Bayonne, pour sa part, afin d’être la gare TGV du Pays Basque, avait imaginé une déviation, un crochet, sur la nouvelle ligne dont l’essentiel du trafic traverserait l’Adour à cinq kilomètres de la cité. Coût supplémentaire et perte de temps dans un système fait pour en gagner. Plus grave, la quote-part de la Cabab était fixée à 65 millions d’euros (valeur 2006) dont 25 millions pour le tronçon Tours-Bordeaux. Environ huit millions ont déjà été versés. Si, comme il paraît vraisemblable maintenant, la LGV s’arrête à Bordeaux, allons-nous continuer à honorer notre engagement à 25 millions ? Ou, arrêterons-nous l’hémorragie au stade actuel au risque d’un contentieux? Plus sage, l’agglomération Sud-Pays-Basque, taxée dans le schéma financier à hauteur de 20 millions, n’a jamais rien déboursé sans qu’apparemment on ne la rappelle à l’ordre.
A la lumière du rapport de la Cour des comptes et des travaux de l’observatoire des trafics, on mesure la justesse d’analyse du monde associatif fédéré dans le CADE. Les prévisions de RFF ont été surestimées. On a menti sur la réalité des trafics voyageurs et fret, sur leur coûts, sur la saturations des voies. La contre-analyse des experts suisses commandée par les trois intercommunalités, Sud-Pays-Basque, Errobi et Nive-Adour, était pertinente et avait valeur de solution alternative. Bref, tout ce que l’administration centrale et certains de nos grands élus avait programmé est mis à bas. Quel gâchis démocratique.
Réjouissons-nous de la révélation de leurs turpitudes aujourd’hui avérées.