Echéance majeure, l’élection Européenne interpelle les abertzale qui ont foi dans cette construction. Les modes électoraux, la taille des circonscriptions, rendent, hélas, notre vote difficile. Peio Etcheverry-Ainchart y répond à sa manière.
“L’Europe, l’Europe, l’Europe !”. Rassurez-vous, je ne me prends pas pour le général de Gaulle en conférence de presse, mais pour un militant abertzale qui est toujours bien embêté au moment de se demander ce qu’il fera à l’occasion des élections européennes.
Le mouvement abertzale, un mouvement européen
Depuis le temps qu’existent ces élections, le mouvement abertzale a déjà eu maintes fois l’occasion de répéter le sentiment qui l’anime et la frustration qui l’habite. Pas besoin ici d’en faire des tonnes, répétons-les en quelques lignes.
D’abord et avant tout, depuis le Traité de Rome et la construction progressive d’institutions, l’Europe a été et reste pour le mouvement abertzale une étoile du berger. Déjà dans les années 1960, Enbata affirmait le projet d’un Pays Basque uni au sein d’une Europe fédérale. Mais par ce slogan, alors que l’opinion publique ne voulait voir en chaque abertzale qu’un nationaliste sommeillant, déjà se formulait cette aspiration à dépasser les vieilles logiques pour leur substituer la construction d’une maison européenne commune, respectant chaque peuple l’habitant. Pas une maison faite d’Etats-nations juxtaposés les uns aux autres, envoyant chacun ses représentants pour y défendre ses intérêts propres avant tout, mais bel et bien une Europe politique abolissant les frontières et les égoïsmes nationaux. Le contraire même du nationalisme !
Le mouvement abertzale est éminemment européen, parce que c’est son projet et aussi parce que c’est son intérêt : plus il y a d’Europe, moins il y aura d’étau centralisateur français et espagnol. Mais le malheur veut que justement cette Europe ne s’est pas construite sur ces bases-là. C’est une Europe née de plusieurs conflits intra-européens et mondiaux, n’ayant pas encore digéré ces déchirements et continuant à traîner certains vieux réflexes du congrès de Vienne ou du traité de Versailles. L’Europe actuelle n’est pas encore un véritable édifice politique et parmi toutes les limites que cela entraîne le Pays Basque s’y trouve, à l’instar des autres peuples sans Etat, inexistant. A l’heure de voter à nouveau, en outre cette fois avec des enjeux inédits liés à la modification des institutions européennes, Iparralde reste noyé dans une circonscription énorme qui interdit à toute liste abertzale de pouvoir porter son message en toute équité. Durant les derniers scrutins européens, en 2004 et 2009, les abertzale s’étaient divisés sur la conduite à tenir.
Cette année, que la nature de ce choix satisfasse ou pas, la maturité d’Euskal Herria Bai fait qu’au moins toutes les composantes du mouvement abertzale se sont mises d’accord sur une posture commune. C’est une avancée majeure, à mon sens.
Le mouvement abertzale est éminemment européen,
parce que c’est son projet et aussi parce que c’est son intérêt :
plus il y a d’Europe, moins il y aura
d’étau centralisateur français et espagnol.
Quelle offre ?
Maintenant, il reste évident que la nature ayant horreur du vide, on peut être tenté de voter pour le plus proche des candidats en présence, ou le moins éloigné… En l’occurrence, que trouve-t-on comme choix à l’heure actuelle ?
Les diverses listes de droite ? Beurk… Le PS ? Jamais il n’a donné aussi piètre image de lui-même depuis sa création. Les listes de “la gauche de la gauche” ? Même en faisant abstraction de leur attitude vis-à-vis des minorités nationales, je n’arrive pas à croire en leur capacité à devenir une alternative à la fois sérieuse et surtout – et là est le pire – socialement juste. EELV ? Tiens, voilà une piste qui en outre est celle que j’avais personnellement défendue durant les deux dernières élections européennes. A vrai dire, faudrait-il le refaire à ces époques-là que je le referais sans réserve, ne serait-ce que pour la validité du programme et des logiques qui étaient portés et pour celle de leurs promoteurs, je pense notamment à Gérard Onesta ou à d’autres membres d’EELV de l’époque. Quant à aujourd’hui ? Il me suffit de voir ce que les Verts, en tant que parti politique, ont fait de ce mouvement à l’origine bien plus large ; de constater les logiques qui ont présidé à son action depuis et en particulier depuis que le PS est au pouvoir ; de mesurer le respect montré par José Bové ou Catherine Grèze vis-à-vis des plus de 16.000 voix remportées au Pays Basque en 2009 et de l’accord passé avec AB. Tout cela me fait passer l’envie de leur donner ma voix, j’en ai assez qu’on prenne les abertzale pour des vaches à lait électorales. Quant au PNB? Ce parti pratiquant la “politique de la méduse” consistant à se laisser doucement porter par les courants chauds de l’UMP à chaque élection municipale pour quémander quelque élu, au besoin en sacrifiant ses principes, par ailleurs si haut brandis, en faveur de la langue basque ou de l’institution ? Ce parti qui, par contre, réapparaît chaque fois qu’un scrutin ne nécessite que quelques prête-noms et une campagne financée à perte par Bilbao ? Non, merci.
Je voterai blanc, mais j’irai voter !
Non, franchement aucune démarche ne me donne envie de lui donner ma voix, et surtout pas par défaut. Car ne nous y trompons pas, on sait bien que la plupart des “petites” listes parient sur l’abstention invariablement énorme des européennes et sur une concurrence rendue plus faible par le mode de scrutin, pour gonfler artificiellement leur score. Cette attitude n’est pas à la hauteur de l’enjeu européen et le piège serait de jouer ce jeu-là, ne serait-ce que pour “voter quelque chose”. Personnellement, je n’ai pas envie de “voter quelque chose” lors d’une élection si importante. Je n’ai pas non plus envie de m’abstenir car on interprète toujours l’abstention à la place des abstentionnistes eux-mêmes. Bien sûr, le vote blanc ne compte pas ; mais au moins sert-il à montrer – en votant ! – que l’Europe vaut mieux que l’offre en présence, qu’on en veut une autre socialement plus juste et dans laquelle nous pouvons porter notre propre message et revendiquer notre place en tant que peuple.