Surfrider Foundation Europe, Antenne Côte Basque
Comme vous le savez nous poursuivons une opération “retour à l’envoyeur” depuis le mois de novembre 2013. Il s’agit d’interroger les candidats aux prochaines élections municipales en leur demandant de se positionner sur le problème de déversement d’eaux usées domestiques non traitées sur les plages de la Côte Basque (pour comprendre le problème, lire ce précédent article).
Nous avons collecté des déchets caractéristiques (bâton de coton-tiges, applicateurs de tampons et serviettes hygiéniques, plaquettes de médicaments, bouchons de dentifrice…) sur les plages de La Barre à Anglet, la digue au Boucau, Hendaye et à l’Uhabia à Bidart. Mis dans des boites à chaussures, ils ont été expédiés aux candidats aux élections municipales avec un courrier (lire le courrier) leur expliquant le problème et leur demandant ce qu’ils comptent faire s’il sont élus pour travailler à sa résolution. En complément et pour donner plus de portée à l’action, une centaine de candidats a été sollicitée par email au Pays Basque et dans le Béarn.
Quinze jours avant le premier tour des élections, seuls dix candidats ont pris la peine de répondre. C’est peu ! Même si cela n’a pas valeur de sondage, force est de constater que le sujet intéresse peu et qu’il représente un faible enjeu électoral pour les communes situées dans les terres (9 réponses sur 10 sont le fait de candidats de communes littorales).
Certains candidats font des réponses de principe rejetant ailleurs la responsabilité de la pollution et de son traitement («la compétence assainissement et la compétence eaux pluviales ont été transférées à la communauté d’agglomération») ; d’autres prennent le temps d’un argumentaire conséquent et étayé (voir l’ensemble des réponses).
Le dossier est complexe, les actions coûteuses et parfois difficiles à mettre en œuvre. Il existe pourtant des solutions concrètes pour agir et résoudre à terme ce problème. Voilà celles que nous jugeons primordiales et que nous allons communiquer à l’ensemble des candidats sollicités pour conclure cette campagne de sensibilisation.
1. Sensibiliser le grand public
Dans chaque communes, informer les administrés
Si des déchets issus des eaux usées se retrouvent sur les plages, c’est qu’ils ont d’abord été jetés dans la cuvette des WC. Cela nous semble une évidence, mais visiblement pas pour tous : les toilettes ne sont pas une poubelle !
Sensibiliser les estivants
Pour les communes littorales, la population augmente fortement en saison estivale, les réseaux de collecte et les stations d’épuration sont plus fortement sollicités et fonctionnent à la limite de saturation par endroit, à la merci de débordements au moindre orage (rappelons-nous l’été 2013 et les multiples déversements d’eaux chargées directement sur la grande plage à Biarritz). On le sait, plus on s’éloigne du littoral, moins les populations sont sensibles aux problèmes de pollution des milieux aquatiques. Il est donc capital d’inciter les estivants aux gestes de bonnes pratiques.
2. Ne pas limiter la problématique aux déchets visibles
Il faut considérer les déchets échoués comme des marqueurs visibles d’autres pollutions invisibles : les eaux usées domestiques contiennent aussi des bactéries fécales, des savons et détergents, des résidus médicamenteux et bien d’autres molécules nocives impossibles à voir à l’œil nu.
Pour agir, il faut choisir ! Nous sommes tous consommateurs de savons de toilette, de détergents ménagers et produits chimiques à usage domestique. Tous n’ont pas la même incidence sur l’environnement. Attention par exemple aux dentifrices et cosmétiques contenant des microbilles de plastique comme agents abrasifs. Ils sont à éviter absolument !
On peut se fier aux éco-labels figurant sur les emballages, mais aussi réapprendre des recettes dites «de grands-mères» qui sont surtout des règles de bon sens. Pour cela, nous avons réalisé un guide du ménage vert à télécharger.
A l’échelle des collectivités, il y a des alternatives aux produits phytosanitaires lourds (détergents, désherbants, engrais…). Certaines communes les expérimentent depuis plusieurs années. Il existe maintenant des retours d’expérience et une documentation abondante sur le sujet (voir le dossier de l’Agence de l’Eau Adour Garonne), ainsi qu’un plan écophyto d’incitation nationale.
3. Travailler à l’échelle intercommunale
L’océan est le réceptacle final des pollutions issues de l’amont. Les communes du littoral subissent une pression dont elles ne sont que très partiellement responsables. Il faut donc impérativement travailler en amont et collectivement.
Le contrat de bassin de l’Uhabia en est un bon exemple. En 2011, cinq communes, la Région, le Département, l’Agglomération et les responsables de l’eau ont décidé de travailler ensemble (lire notre article de présentation). On a identifié les sources de pollutions d’origine domestiques, agricoles, industrielles et collectives pour définir 60 points d’action (récapitulatif d’avancement des travaux en juillet 2013). Tous n’ont pas encore été mis en œuvre, mais nul ne peut le contester, la qualité – au moins bactériologique – des eaux de l’Uhabia est bien meilleure aujourd’hui.
D’autres instances équivalentes existent à des degrés plus ou moins avancés. On pense au Sage Côtiers Basques qui fédère dix huit communes et dix intercommunalités, et qui a pour mission :
– l’élaboration d’un Plan d’Aménagement et de Gestion Durable de l’eau en tant que ressource et des milieux aquatiques (PAGD).
– de diagnostiquer des branchements non-conformes ;
– d’identifier les pollutions ponctuelles domestiques ;
– de réaliser des schémas de gestion des eaux pluviales.
On pense aussi au S3PI Estuaire de l’Adour qui concernent les communes autour du port de Bayonne. Ces initiatives sont à multiplier partout sur le bassin versant de l’Adour à l’échelle concertée des collectivités, du département ou de la Région.
4. S’appuyer sur le réseau associatif
Plus on agit vite et à la source, moins lourde sont les conséquences des pollutions ! Les pratiquants de sports aquatiques (surf, aviron, kayak…) et les pêcheurs ont les pieds dans l’eau toute l’année. Ce sont les premiers témoins des dysfonctionnements… Il faut travailler avec eux. Par le biais des fédérations, on peut par exemple mettre à leur disposition un numéro de téléphone utilisable à tout moment.
De la même manière, les citoyens lanceurs d’alerte et les associations écologistes ne doivent pas être considérés comme des gêneurs, mais plutôt comme des partenaires. Ce sont souvent des passionnés, documentés et qualifiés. Il possèdent leurs propre réseaux d’information à l’échelle nationale ou internationale permettant l’accès à des études et solutions inconnues localement.
On l’a souvent vu, il y a des problèmes de pollutions réelles et aussi des rumeurs infondées qui sont pourtant tout aussi nocives ! Inviter des associations à siéger dans les instances collectives permet de mieux faire circuler l’information et d’éviter des psychoses sanitaires inutiles et difficiles à désamorcer (on se souvient tous de l’histoire du baigneur qui avait perdu un œil en sortant de l’eau à cause de bactéries la saison dernière. La rumeur a couru tout l’été et a nécessité la publication d’un communiqué de l’ARS).
Après des années de méfiance, Surfrider Foundation Europe a maintenant la chance de siéger dans plusieurs instances et de pouvoir partager auprès des élus son expertise dans le domaine de la qualité de l’eau. Parce que nous analysons depuis de nombreuses années la qualité bactériologiques de onze zones d’activités nautiques de la côte Basque, nous voyons les sources de pollutions sauvages et sommes à même de repérer les stations d’épuration impactantes pour l’environnement.
5. Maitriser l’aménagement du territoire
L’hiver 2013-2014 a vu une succession de tempêtes violentes frapper la façade Atlantique. Les dégats ont été partout conséquents, rappelant que la nature est plus forte que l’homme.
L’aménagement du territoire doit impérativement :
– suivre les recommandations des experts (le GIP littoral aquitain notamment, dont font partie de nombreuses communes à travers les agglomérations ou les schémas de cohérence territoriale (SCOT)). L’idée générale étant de développer des villes non plus sur le front de mer mais vers l’intérieur des terres.
– conforter les plans locaux d’urbanisme (PLU) et non pas déclasser des zones jusque là protégées (espaces en friche, zones humides…). Localement, on pense en particulier au projet de parking de la Côte des Basques pour lequel la commune a fait voter une modification du PLU (lire nos différents articles à ce sujet).
Concrètement, il faut :
– arrêter de bétonner et bitumer les sols pour limiter le ruissellement en direction de la mer et des réseaux d’assainissement. L’eau de pluie doit rentrer dans les sol là où elle tombe pour irriguer et éviter de surcharger des réseaux de collecte trop souvent unitaires.
– Développer des réseaux de collecte séparatifs dans les nouvelles constructions pour limiter l’impact sur les stations d’épuration en cas de fortes pluies.
6. Améliorer les infrastructures
A l’échelle de la commune, certaines augmentations de population sont programmées (délivrance d’un permis de construire pour un lotissement par exemple). Il faut donc anticiper la surcharge en eaux usées sur les structures d’assainissement et prendre de l’avance pour ne pas être pris au dépourvu. Cela concerne les stations d’épuration et les ouvrages en amont :
– on peut augmenter la capacité de stockage et créer de nouveaux bassins de rétention pour stocker les eaux pluviales le temps de l’épisode orageux avant de les renvoyer vers les stations d’épuration.
– redimensionner les pompes de relevage qui amènent les eaux du bassin de stockage vers les stations d’épuration. Si elles ne permettent pas d’envoyer suffisamment d’eau vers la station, une fois la capacité de stockage du bassin atteinte, on est obligé de rejeter les eaux usées dans le milieu naturel.
– améliorer l’efficacité des dégrilleurs en sortie des bassins d’orage avant le renvoi en station d’épuration.