En préambule à mon propos portant sur les notions de “culture et civilisation basques”, titre d’un ouvrage sorti récemment en librairie, peut-être n’est-il pas inutile de s’interroger quelques instants sur le sens attribué à celle d’individu civilisé.
On dit d’une personne qu’elle est civilisée lorsque l’on veut souligner sa culture, son raffinement voire sa fréquentabilité, signifiant ainsi qu’elle mérite d’avoir avec nous des relations de même niveau, nous attribuant donc a posteriori un statut social référent supérieur. A l’opposé on utilisera, entre autres, les termes de plouc, rustre, plus rarement de barbare ou de sauvage. Plus généralement gratifier quelqu’un(une) de civilisé(e) s’appliquera en premier lieu à ce qui relève de la culture et des mœurs européennes contemporaines, les aztèques et les citoyens de l’Athènes de Périclès ne relevant pas bien entendu, hélas peut-être, de nos critères d’appréciation.
Il s’est produit au cours de l’été dernier un évènement éditorial auquel, me semble-t-il, n’a pas été donnée l’importance qu’ il eut méritée. Certes les médias ont fait leur travail d’information mais une analyse critique qualitative de l’ouvrage mentionné en tête de cet écrit n’a, à ma connaissance, pas été proposée au public. C’est ainsi qu’à l’initiative et avec le soutien de l’ICB, les éditeurs Elkar et Arteaz, associés pour la circonstance, ont en effet procédé à une réédition revisitée du “Dictionnaire thématique de culture et civilisation basques”* paru en 2000 sous la responsabilité alors de la seule maison Pimientos.
Lors de la présentation à la presse le 17 septembre une des journalistes s’est étonnée de la mention de civilisation basque inscrite dans le titre. Un des responsables éditoriaux à qui s’adressait la remarque n’a pas été en mesure de fournir une réponse satisfaisante à ce qui par ailleurs pouvait passer, posée à brûle-pourpoint, pour une question piège.
Présent en tant que simple contributeur** il ne m’appartenait pas d’intervenir alors que l’intérêt de cet aspect ne m’avait pas échappé et m’avait amené à me pencher sur la notion de civilisation, à la suite de quoi à valider la pertinence de cette formulation.
A cet égard, en dehors des définitions de dictionnaires (nombreuses), il n’en n’existe pas de définitive. On ne trouvera pas davantage d’auteur linguiste spécialiste faisant autorité en la matière, en mesure de dégager une lecture consensuelle universelle du concept de civilisation. On notera en outre que celle-ci peut évoluer selon les époques. On pourra cependant mettre en évidence deux axes d’approche d’un phénomène civilisationnel: l’un faisant état de faits historiques et sociaux à valeur constante relevant d’un processus de transformation d’une société; l’autre de la prise en compte d’un patrimoine, soit matériel soit immatériel, voire les deux associés, fondés sur des faits linguistiques, éthiques, géographiques et culturels pouvant également procéder pour partie ou en totalité d’un substrat religieux ou politique.
On peut donc répondre sans hésiter que cet ouvrage peut utiliser dans son titre, dès lors qu’ils sont associés, les mots de dictionnaire de “culture et civilisation” basques. La culture étant ici la matrice d’appréciation de l’identité basque appliquée aux aspects et secteurs “culturels” qui la constituent, la civilisation étant celle des niveaux qualitatifs que l’on pourra le cas échéant comparer à ceux de différents domaines européens équivalents.
Si l’on aborde cette somme sous un angle politique, au sens noble du terme, nous nous trouvons là en présence d’un ouvrage de référence, certes perfectible, mais pouvant s’apprécier comme étant l’ossature de notre spécificité et fournir le terreau intellectuel contribuant à légitimer nos combats et revendications. Un ouvrage certes utile à l’homme et à la femme basques contemporains conscients à des degrés divers de leur héritage, mais peut-être encore davantage aux individus extérieurs ou étrangers à cette société, à cette culture, à commencer par ceux vivant sur ce territoire.
Il s’agit en effet d’un outil forgeant à leur usage une visibilité raffinée qui manque généralement dans les débats. Rapporté aux différents aspects des luttes et actions nécessaires, partie émergée du processus de reconnaissance identitaire du fait basque, cela leur permettra d’en comprendre les fondements grâce au découpage thématique et à la clarté des exposés et des développements fournis.
L’édition est en français; une prochaine, indispensable, en basque est annoncée, mais à quand? A cet égard étant donné le coût d’une telle entreprise ne serait-il pas possible d’envisager une souscription qui pourrait également couvrir celle, souhaitable, d’une version anglaise ?
*Dictionnaire de culture et civilisation basques. Elkar Arteaz éditeurs. 20€
**Ne touchant pas de pourcentage sur les ventes de l’ouvrage mes propos relèvent d’une pure contribution intellectuelle.