Retour sur la Cop21

Abdullahi Majeed, Ministre de l'environnement et de l'énergie des Maldives
Abdullahi Majeed, Ministre de l’environnement et de l’énergie des Maldives

L’accord Cop 21 signé au Bourget par les 194 pays participants laisse une impression plus que mitigée. Certains n’y voient que poudre aux yeux et hypocrisie, d’autres le début d’une prise de conscience de la gravité du réchauffement climatique. Tout reste à faire et pourtant rien ne sera comme avant.

“L’histoire jugera le résultat, non pas sur la base de l’accord d’aujourd’hui, mais sur la base de ce que nous allons faire à partir d’aujourd’hui”, a déclaré, à l’issue de la Cop, le ministre de l’environnement des Maldives.

S’il y a une région du monde où l’urgence climatique prend tout son sens, c’est bien ces îles qui disparaîtront sous les eaux avant la fin du siècle si l’élévation des températures n’est pas contenue à 1,5° par rapport au niveau préindustriel.

Avec beaucoup de modestie évidemment, je pense que c’est la bonne position à avoir par rapport aux négociations qui viennent de se dérouler à Paris.

Entre congratulations et auto congratulations d’un côté, et rejet absolu de ce qui ne serait que du cinéma, il y a un espace dans lequel, me semble-t-il, il faut se situer.

Des chiffres ahurissants

Certes, le texte adopté ne comporte aucun engagement contraignant. Ainsi, le verbe “devra” a été au dernier moment, remplacé par “devrait”, et les Etats sont “invités” à s’engager dans
tels et tels secteurs… les mots “pétrole”, “charbon” ou “énergies fossiles” pourtant responsables de 65% des émissions des gaz à effet de serre et dont il faudrait laisser dans le sol 80% des
réserves actuelles pour respecter le seuil de +2°, n’y figurent pas.

Des chiffres ahurissants ont été publiés par les ONG : l’industrie des énergies fossiles perçoit chaque minute 10 millions de dollars d’aides dans le monde (5.300 milliards de dollars en 2015) ! A côté de ces sommes faramineuses, les 100 milliards de dollars annuels promis, mais pas assurés, d’ici 2020 par les pays du Nord aux pays du Sud, pour faire face aux  conséquences du dérèglement climatique, traduisent une bien pâle ambition.

Il y a aussi cette contradiction entre les promesses mises sur la table par les différents pays, qui nous mettent sur la trajectoire des + 3°, alors que le voeu exprimé unanimement situe les objectifs autour de + 1,5°.

Enfin, l’agriculture, responsable de 25% des émissions totales sans compter la part qui lui revient dans les transports, était absente, en tant que telle, des négociations, même si elle a été concernée au détour de sujets comme l’énergie ou la forêt. Pourtant, elle se retrouve en première ligne avec les conséquences du dérèglement climatique, avec sa responsabilité dans
les émissions qui dépendent beaucoup des modèles agricoles en place, ou encore avec la part de solution qu’elle peut apporter en stockant du carbone dans le sol.

Respecter la parole donnée

Tout reste à faire donc, et pourtant rien ne sera comme avant. Le pire serait de dire que tout cela ne servira à rien ! Au contraire, il faut mettre à contribution les chefs d’Etat et autres responsables politiques. Le contenu du texte final doit être un levier pour que la société civile exige de la part des gouvernants, cohérence avec les engagements et respect de la parole donnée.

Ce ne sont plus les écolos ou autres alternatifs qui font un diagnostic et qui tirent la sonnette d’alarme : ce sont les décideurs de la planète ! C’est la première fois que tous les pays expriment le même constat et le même souci. Un processus est engagé. Le pays qui ne respectera pas ses engagements, ou qui ne progressera pas dans ses objectifs, sera mis à l’index. On peut dire que si cet accord n’est pas juridiquement contraignant, il sera politiquement de plus en plus contraignant. Il faudra exiger une révision à la hausse des engagements tous les cinq ans, une solidarité financière plus forte en faveur des pays en développement, une taxation progressive et dissuasive du carbone, une transparence totale sur les mécanismes en place. Il faudra que ce soit de plus en plus difficile d’échapper à ses obligations. Cet accord doit doper les luttes et rendre vulnérables ceux qui portent atteinte aux générations futures. Il faudra obliger les Etats et les entreprises à s’engager, à se mouiller, à faire deuil de leur logiciel passé. Rien ne doit être comme avant.

Le contenu du texte final doit être un levier
pour que la société civile exige
de la part des gouvernants,
cohérence avec les engagements
et respect de la parole donnée.

Faire notre boulot

Notre Dame des Landes est encore plus absurde qu’hier : le gouvernement ne peut pas en même temps proclamer “vive la Cop21” et engager les procédures d’expropriation. Même chose avec le projet de la LGV.

Si chaque pays signataire de l’accord de Paris affirme vouloir respecter le seuil de 1,5°à l’horizon 2010, mais veut en même temps, faire aboutir tous les projets qui sont dans les tuyaux, ce ne sera pas 1,5°, ni 2°, même pas 3° mais 4 ou 5°. Et il ne suffira pas de développer un argumentaire climato-compatible pour que l’incohérence disparaisse.

Le droit à la souveraineté alimentaire avant le libre-échange, la terre pour nourrir l’humanité et non alimenter les moteurs, l’argent public pour l’agro-écologie paysanne et non pour l’agriculture industrielle, sortir du productivisme à tous les niveaux, et bien d’autres combats, sont la condition de réussite des objectifs retenus à Paris.

Il n’y aura pas l’un sans l’autre : la justice climatique se décline en justice sociale et en solidarité internationale.

Mais, il n’y a pas que les autres qui doivent être mis à contribution, le comportement de chacun d’entre nous doit être compatible avec la nouvelle trajectoire, et ce n’est pas le plus simple.

Ce n’est que dans quelques décennies que l’on pourra dire si la Cop21 aura  été un succès ou pas. Et si alors la réponse s’avérait négative, c’est que les choses vont très très mal et qu’on n’aura pas fait notre boulot.

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