Il faut tuer Greta Thunberg !

GretaRassurez-vous, amis lecteurs, l’inoffensif agneau que je suis ne ferait de mal ni à une mouche, ni à cette scandinave jeune femme. Outre l’effet d’accroche particulièrement racoleur, le but de ce titre est d’aborder la perception qu’ont trop de gens de ce personnage et d’expliquer pourquoi il faut, à mon avis, porter davantage de considération à son action.

Agacement ou vertu ?

Les réactions les plus vives face à Greta Thunberg, je les ai perçues à l’occasion de l’élection du prix Nobel de la paix, pour lequel elle était un temps pressentie et même jugée favorite. Que n’ai-je entendu à l’occasion, sur cette adolescente qui serait au choix complètement folle, manipulée par on-ne-sait-qui, en recherche de reconnaissance ou de gloire personnelle, originellement vertueuse mais gagnée par la grosse tête, impertinente envers les Grands de ce monde, voire simplement placée à un endroit où elle ne devrait pas être car ce n’est finalement qu’une gamine qui ferait mieux de continuer sagement ses études…

Je ne me souviens pas de tout ce que j’ai pu entendre directement ou par voie de presse, mais l’essentiel me paraît être résumé dans cette avalanche de réactions négatives, voire de haine recuite, qui me pose réellement question chez des gens qui pourtant sont –en tout cas dans l’entourage qui est le mien– favorables aux messages écologistes.

J’ai quelque mal à comprendre comment devant l’incommensurable variété des styles de discours à tenir, modes d’action à porter, secteurs de la société à mobiliser, enjeux à affronter au risque de purs et simples cataclysmes climatiques, l’on se braque aussi violemment sur l’émetteur d’un discours, au détriment de la nature de ce même discours et surtout au détriment des potentiels effets positifs en vue de la bataille collective pour le climat. Cette bataille n’est-elle pas assez difficile ainsi pour qu’on se prive d’une contribution telle que celle-ci, aussi agaçante qu’on puisse éventuellement la considérer ?

La bataille collective pour le climat
n’est-elle pas assez difficile ainsi
pour qu’on se prive d’une contribution
telle que celle-ci,
aussi agaçante qu’on puisse éventuellement la considérer ?

Personnellement, je ne connais évidemment pas Greta Thunberg. Je ne sais pas si elle est folle, manipulée, arriviste, ou quoi que ce soit. Ce que je vois, c’est d’abord qu’elle porte pour l’instant les mêmes valeurs que les miennes, en tout cas en ce qui concerne l’avenir de la planète. Ensuite, j’observe que les choix qu’elle opère –ou que d’autres opèrent pour elle, cela m’est égal– en matière de modes de vie, de déplacement ou d’action, paraissent cohérents. Ce n’est pas peu de choses, quand j’observe le petit monde qui nous entoure, son consensus si mou autour de l’amour de la planète mais si pétri de contradictions dans ses comportements au quotidien. Par ailleurs, je vois dans son action le symbole d’une prise d’initiative citoyenne au coeur des enjeux mondiaux, qui n’aboutira peut-être à rien de concret mais qui passe un message positif au microcosme technocrate ou politique : vous ne faites pas bien ou pas assez, et nous nous bougeons pour vous le dire ; et cela me plaît d’autant plus que cette initiative vient de la jeunesse car pour tout dire, j’aime autant voir la jeune Greta agir ainsi, plutôt que de l’imaginer passer ses nuits en discothèque ou s’abrutir devant des jeux vidéo. Enfin, je suis convaincu que chaque goutte d’eau est utile pour éteindre l’énorme brasier que nous avons devant nous ; Greta n’est qu’un colibri, qui piaille peut-être d’une manière agaçante aux oreilles de certains, mais les gouttes qu’elle charrie ont le mérite d’exister et je ne sais pas si je peux en dire autant de moi-même.

Brûler ses idoles

En fait, je pense que derrière l’agacement que suscite ce personnage dans l’opinion publique se cache un savant mélange.

D’abord, une pincée de mauvaise conscience : cette gamine nous met tous face à nos propres contradictions et limites, et nous n’aimons jamais cela.

Ensuite, elle dérange par son ton et son âge : tancer des présidents du haut de ses 16 ans choque les esprits conservateurs qui sont les nôtres, alors même que les prises de conscience vont souvent de pair avec les sauts de générations et que les parents n’aiment guère que leurs enfants leur fassent la leçon, même quand ils ont tort.

D’autre part, je suis sûr qu’il y a aussi un peu de jalousie devant cette gamine qui occupe le premier rang, alors qu’elle n’est jamais qu’une “simple citoyenne” comme vous et moi ; et lié à cela, une tendance à toujours vouloir brûler ses idoles, couper les têtes qui dépassent ou rejeter les héros, je ne sais trop comment le dire.

Besoin de héros positifs

Dans la lutte contre le dérèglement climatique, comme dans toute lutte dont celle que nous menons en tant qu’abertzale au Pays Basque, il me semble que non seulement nous ne devons pas avoir peur des héros, mais au contraire qu’il nous en manque.

La société est ainsi faite, qui agit souvent par émotions collectives, souvent associées à des personnages emblématiques réels ou imaginaires. Chaque cas étant d’évidence différent, il est tout de même notable que l’Italie du “Risorgimento” s’est galvanisée au son des opéras de Verdi ou l’Amérique noire autour du “I’m black and I’m proud” de James Brown ; que l’Inde de la décolonisation s’est en grande partie associée à la figure tutélaire de Gandhi ou que l’apartheid sud-africain a été sapé par les mouvements entourant le symbole Mandela ; ou encore que le SNP a rarement autant progressé en Écosse qu’après la sortie planétaire du film Braveheart… Sans parler du totem de Jeanne d’Arc en France.

Le Pays Basque manque aujourd’hui d’un cinéaste de renommée mondiale qui populariserait un William Wallace local, d’un sportif jouant le même rôle que Mohammed Ali pour la fierté noire, ou d’une chanson telle que “We shall overcome” qui gagnerait les coeurs et les âmes. Tout en précisant qu’à mes yeux les dynamiques les plus démocratiques ne peuvent rester que collectives, un héros n’étant jamais qu’un outil parmi d’autres. Mais gare à celui ou celle qui se sentirait des velléités héroïques : le temps joue contre les héros. Un vrai héros est souvent un héros mort, si possible jeune et de manière violente. Un Christ, en somme. Avis aux amateurs, donc, mais en attendant foutons donc la paix à Greta Thunberg, c’est une héroïne positive, un outil utile et nous n’en avons guère de trop.

 

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