Enbata, 60 ans d’existence (1/2)

Jakes Abeberri, © Polina Jourdain-Kobycheva
Jakes Abeberri, © Polina Jourdain-Kobycheva

ENBATAk 60 urte

2020 sera la soixantième année de parution de ce journal. Deux de ses fondateurs continuent toujours d’y écrire. Au fil des publications mensuelles, nous questionnerons l’apport d’Enbata à la vie d’Iparralde, ce que sa vision et le projet qu’il véhicule ont pu changer dans différents domaines, tant sur le plan institutionnel qu’idéologique, culturel, économique, social ou écologique.   Jakes Abeberry donne ici le coup d’envoi de ce bilan et de cette réflexion.

C’était il y a 60 ans. En septembre 1960, à Arbouet, lors de l’assemblée annuelle d’Euskaltzaleen Biltzarra, fut diffusé le premier numéro d’Enbata. A l’initiative de Ximun Haran, pharmacien et alors le meilleur pilotari à main nue, Pierre Larzabal, curé à Socoa, Michel Labéguerie, médecin à Cambo, Michel Epherre, agriculteur souletin, Jean-Louis Davant, ingénieur agronome et enseignant à Hasparren, Michel Burucoa, médecin à Bayonne et moi-même, au cours de plusieurs réunions, nous avons réalisé ce journal dont nous célébrerons les 60 années d’existence, interrompues uniquement douze mois, en janvier 1974, suite à l’interdiction par le ministre de l’intérieur Marcelin du mouvement Enbata, dont il était devenu l’organe politique.

Seuls survivants de cette équipe fondatrice, Jean- Louis Davant et moi y avons écrit, sans discontinuer, du premier numéro à l’actuel. La traditionnelle mouvance basquiste de l’époque regarda notre irruption d’un esprit critique, voire hostile pour certains, mais complice pour d’autres, comme elle vécut l’épopée dramatique de nos frères du Sud en 1936, la constitution d’un gouvernement basque dans une autonomie accordée par la République espagnole pour les trois provinces du Sud hors Navarre. Même attitude frileuse vis-à-vis de l’exil massif de ses abertzale en Iparralde.

Cette irruption de l’abertzalisme qu’Enbata a porté dans nos trois provinces du Nord, bouscula le nationalisme français ambiant façonné dans le creuset de la guerre de 1914-18 par une génération adepte de la petite patrie dans la grande patrie triomphante, célébrée avec ferveur autour de nos monuments aux morts. Quelques rares personnalités adhérèrent à l’option nouvelle que nous proposions —celle de changer de patrie— comme le chanta si bien Michel Labéguerie avec “Gu gira Euskadiko gazteri berria, Euskadi bakarra da gure aberria”. Le choix abertzale en Iparralde était pourtant depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le fait d’individualités, telles le talentueux écrivain provocateur Marc Légasse, l’historien Eugène Goyeneche ou le notaire Jean Etcheverry-Ainchart. Mais, comme le disent les syndicalistes, “il n’y avait pas eu agrégation de ces luttes éclatées”.

Arbre de la liberté basque

La naissance du journal Enbata fut bien un acte politique fort, posé en 1960 qui entraîna Iparralde vers un destin nouveau. Il fallut moins de trois ans pour que naisse le premier mouvement abertzale d’Iparralde, le 15 avril 1963 dans la clairière d’Itxassou où l’on planta un rejeton de l’arbre de Gernika, lors d’un Aberri Eguna ouvert et célébré par des citoyens français. Symboliquement un Basque du Sud, Julen Madariaga et un Basque du Nord, Ximun Haran, plantèrent cet arbre de la liberté basque. Cette gestuelle illustre la signification profonde de la Charte d’Itxassou qui proclame “notre détermination à réaliser, par l’organisation de la nation et sa reconnaissance par le plein exercice de la démocratie, la continuité et la vie du peuple basque rassemblé”.

Le mouvement Enbata inscrivit dans une motion politique le chemin à parcourir dans le cadre de l’Etat français, en attente d’une souveraineté nationale à venir: la reconnaissance institutionnelle territoriale par la création d’un département Pays Basque, doté d’un statut de l’euskara. A des nuances près, l’abertzalisme en Iparralde s’y inscrit encore.

Comment réagirent dans la nuit franquiste nos frères du Sud ? Une jeune génération, dissidente du PNV, venait de fonder ETA dont les premières actions entraînèrent la terrible répression fasciste espagnole avec son lot de nouveaux réfugiés. Nous communiâmes très vite avec eux, au fur et à mesure que s’élargissaient la communauté des réfugiés et la lutte armée qui la générait. Nous connaissions également d’autres réfugiés basques qui étaient alors ceux du PNV. L’équipe d’Enbata rencontra les responsables du PNV en exil, autour d’un repas à la villa Izarra du Polo-Beyris à Bayonne. Ambiance amicale, voeux de succès de la part du parti de Sabino Arana Goiri, cependant accompagnés d’une neutralité absolue dû à l’Etat français dont ils étaient les hôtes. Seul, Telesforo Monzon, résident luzien, ancien ministre de l’intérieur du gouvernement de José Antonio Agirre, s’engagea dans un soutien actif et public qui contribua à son exclusion du vieux parti historique.

Convaincre nos concitoyens

Il nous fallait donc convaincre nos concitoyens étrangers à la cause basque et entièrement acquis aux valeurs de la République française. La conjoncture géopolitique nous ouvrait des espaces. La France sortait de son passé colonial en Algérie de la plus mauvaise manière qui soit et se repliait sur son Hexagone. Avec l’humiliation de quatre ans d’occupation allemande, la fascination de nos pères pour cette France-puissance mondiale en prenait un sacré coup. Dans le même temps, la construction européenne, d’abord à six pays — France, Allemagne, Italie et Benelux— battait en brèche sa souveraineté absolue. La notion de supranationalité, de gouvernance, de cour de justice et de monnaie commune conduisit à l’effacement partiel des frontières étatiques pour, à la fin du franquisme, rapprocher les deux Pays Basques.

L’engagement européen d’Enbata fut, dès le début, total et alors peu partagé. Il se doubla de l’approfondissement de l’idéologie fédéraliste, politique et sociale par l’autogestion, dont l’universitaire Guy Héraud fut le maître à penser. L’autogestion des outils économiques nous amena à faire connaître l’expérience de Mondragon, conduisant à la naissance de coopératives ouvrières en Iparralde. Notre développement économique était alors sans perspective car, dans un Etat très centralisé, nous nous trouvions bloqués dans un cul de sac, entre l’océan et la frontière espagnole alors cadenassée. Or, nous savions qu’Hegoalde était potentiellement une petite Rhur, pour l’heure anesthésiée par le franquisme qui oeuvrait à faire de Madrid une métropole industrielle.

Dans une série de petits livres à thèmes, Enbata en consacra un à l’économie, invitant à regarder non plus vers Paris mais vers le Sud. Il fut la première pierre de ce retournement dont on voit aujourd’hui l’épanouissement.

La fatalité d’un Iparralde pauvre, incitant ses enfants à l’exil économique était alors illustrée par des photos de Sud-Ouest montrant des passerelles d’avions en direction des Etats-Unis, garnies de “bergers basques”.

Soixante ans ans plus tard, la population d’Iparralde compte 100.000 habitants de plus, alors que le taux naturel des naissances a fortement chuté, jusqu’à un solde légèrement négatif. C’est dire que ce pays n’est plus terre de dépeuplement, mais territoire attractif de gens venus d’ailleurs. Prendre en main notre propre destin animait nos initiatives multiples. Ce fut le lancement de Herrikoa pour la création d’emplois par l’investissement de l’épargne populaire. Le pari originel de 1500 emplois, après avoir subi les oukases de la bourse de Paris, est aujourd’hui largement dépassé avec 4.967 emplois. Herrikoa ira jusqu’à sécuriser la récente monnaie locale, l’Eusko. (…)

Partie (2/2) :  ici.

 

 

 

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