A défaut de collectivité territoriale à statut particulier, la communauté d’agglomération regroupant les 158 communes d’Iparralde est née le 1er janvier. Cette avancée significative ne doit pas faire oublier qu’elle ne saurait satisfaire la revendication d’une véritable reconnaissance institutionnelle de notre territoire.
Ce 23 janvier est née une première structure institutionnelle pour Iparralde. Quelle est la portée de cet évènement?
Il convient d’abord de rappeler que l’intercommunalité unique est loin de satisfaire ce qui devrait être du point de vue abertzale un cadre de reconnaissance institutionnelle pour Iparralde : un statut d’autonomie doté du droit de décider.
Il faut souligner également, qu’au-delà du point de vue abertzale, l’intercommunalité unique ne répond pas à la requête qui a fait consensus ces dernières années : celle d’une Collectivité territoriale à statut spécifique.
Ceci étant, les choses prennent leur sens dans leur contexte, et il est évident qu’après plus de 200 ans de négation totale d’Iparralde, la création de la Communauté Pays Basque est un évènement historique.
De ce point de vue, son analyse requiert de se poser des questions de fond.
J’en retiendrais trois.
On retiendra la détermination
et la sincérité de l’engagement
de certains hommes et femmes
dans les moments décisifs
du débat sur l’intercommunalité,
et notamment
celle de Jean-René Etchegaray.
Large consensus
La première est celle de savoir d’où on vient, pour savoir où on va : norat joan jakiteko, nundik jakin behar.
Il est important de garder à l’esprit les facteurs qui ont permis cette avancée, car ils éclairent les enjeux des prochaines années. Le ressort principal qui a permis cette avancée de l’intercommunalité c’est fondamentalement celui de la mobilisation de la société civile.
Qu’il s’agisse des manifestations diverses et variées impulsées notamment par Batera, ou de l’engagement d’acteurs sociaux-économiques au travers de structures telles que le Conseil de développement ou Laborantza Ganbara, c’est cette dynamique de la société civile qui nous a permis de franchir cette étape.
Il convient donc de la maintenir, voire de la renforcer dans l’avenir.
Par ailleurs, un contexte a favorisé ces dernières années le renforcement des prises de position en faveur de la reconnaissance institutionnelle d’Iparralde, c’est celui du processus de paix. Son déblocage fait partie des enjeux d’une société déterminée à ouvrir pleinement une nouvelle page en Pays Basque.
Seconde question : que retiendra l’histoire des débats sur la création de l’intercommunalité ?
Je crois d’abord, le large consensus du vote des conseils municipaux qui a confirmé la volonté ultra-majoritaire d’une reconnaissance pour Iparralde. Et en contrepoint, la campagne détestable menée par une bonne partie des opposants à l’intercommunalité, qui ont exprimé leur mépris à l’encontre du débat démocratique en mettant en oeuvre tous les recours possibles contre l’intercommunalité.
Il y a des facteurs structurels qui configurent des trajectoires, mais en définitive, ce sont les hommes et les femmes qui font l’histoire.
A ce titre, on retiendra également la détermination et la sincérité de l’engagement de certains hommes et femmes dans les moments décisifs du débat sur l’intercommunalité, et notamment celle de Jean-René Etchegaray.
Là encore, à l’inverse, il apparaîtra que certains ont failli à un moment clé de l’histoire d’Iparralde.
Sur ce registre, il est trop facile pour un abertzale de distribuer aux uns et aux autres les bons et les mauvais points.
Je pense en particulier à ce qui s’est passé à Bidart. Les élus abertzale qui participent à la majorité d’Emmanuel Alzury qui a été porte-parole des opposants et signataire des premiers recours ont manqué de hauteur de vue : ils auraient du démissionner de leurs postes.
Mais nous portons aussi collectivement la responsabilité de ce “petto”, des mécanismes d’analyse et de débat ont fait défaut au sein du mouvement abertzale.
Déficit démocratique
Dernière question : quels sont les enjeux à relever dans l’avenir ? Il y a évidemment des enjeux de court terme, liés à la mise en place de l’intercommunalité : il faudra qu’elle assume pleinement la responsabilité des champs de compétences fondamentaux pour Iparralde.
On peut évidemment citer l’euskara, mais aussi l’aménagement du territoire, le transfrontalier, le développement économique, l’agriculture, l’action sociale, les problématiques d’environnement, etc.
De plus, la gouvernance actuelle nécessitera de mettre en pratique de façon exemplaire la complémentarité entre la côte et l’intérieur. Nous n’avons pas droit à l’erreur dans ce domaine. Et puis, il faudra rapidement reprendre la perspective d’un horizon de moyen terme.
La création de la Communauté Pays Basque constitue une avancé positive. Mais nous ne devons pas occulter le fait qu’elle pâtit d’un triple déficit démocratique qui justifie en lui-même la nécessité d’une autre étape de reconnaissance pour Iparralde.
D’une part, comme évoqué précédemment, la demande de la société d’Iparralde est celle d’une collectivité territoriale à statut spécifique.
D’autre part, le mode de désignation actuel des délégués de l’intercommunalité n’est pas démocratique. Il devrait passer par le suffrage direct des citoyen-n-es, ce qui impliquerait, une transformation juridique de fait de l’intercommunalité en collectivité territoriale.
Enfin, ce sont les conseils municipaux qui se sont prononcés sur l’intercommunalité unique. Il serait normal que la prochaine étape institutionnelle soit entérinée par une consultation populaire.