Dimanche soir en Iparralde, tout citoyen sincèrement de gauche était secoué par de bien étranges montagnes russes. Drôle d’itsasmendi où se succédaient brutalement l’euphorie des sommets et un désarroi abyssal. La déroute fratricide bayonnaise et l’arrivée de la droite décomplexée à Biarritz, qui s’ajoutent au triomphe écrasant de Claude Olive à Anglet. En miroir : les superbes victoires abertzale à Ciboure, Itxassou, Urrugne, Ustaritz, qui rejoignent Biriatou ou encore Baigorri.
Et en France : Bordeaux, Lyon, Poitiers, Marseille, tant d’autres, qui nous rendraient pour une fois presque jaloux. Dans ce grand maelström d’émotions, des joies et des peines plus personnelles aussi : le bonheur de voir tel ami élu, ou au contraire l’exaspération devant l’absence de personnes engagées de la qualité de Jean- Claude Iriart et Sophie Bussière au conseil municipal de Bayonne et à la CAPB. Car, évidemment, le désastre subi et provoqué par la gauche bayonnaise semble surréaliste.
Enbata Zikina
Au lendemain, deux écueils nous font face. Ignorer le réel d’abord, et ensuite rejouer éternellement le même match, avec toujours plus de revanches, de mauvais coups et d’aigreur.
Libre à chacun de blâmer, comme au bon vieux temps, les “campagnes” d’Enbata zikina et du méchant Mediabask, les abertzale “qui font le jeu de la droite” ou encore ces classes populaires irresponsables qui se sont abstenues. Bref tout le monde sauf un PS local reconstitué dans ce scrutin, mais dont rien n’arrête la décomposition et le recul, sauf à Hendaye où il a su s’ouvrir.
Libre à chacun de voir un complot lorsque Gabi Mouesca, Marie Cosnay, moi-même et d’autres, disons: attention, nous ne braderons pas nos valeurs fondamentales sous des slogans publicitaires, sous l’injonction à une unité de façade incapable au final de rassembler des Bayonnais pas dupes.
Libre d’ignorer, ou de feindre ignorer, qu’à Strasbourg dans une configuration similaire, l’écologiste Jeanne Barseghian a battu à la fois LREM, LR et le PS en assumant un projet courageux.
Mais libre aussi à toutes les bonnes volontés qui le veulent, de chercher une sortie par le haut, une bouffée d’air pur, une perspective positive et collective.
Ironie amusante: c’est dans les colonnes d’Enbata que Xabi Larralde répondait, il y a quelques années, “Ez, milesker” à ma proposition de rassemblement des gauches euskaltzale et abertzale sur des bases claires d’écologie et de justice sociale.
Il faut sans doute laisser le temps aux idées, comme aux meilleurs fruits, de mûrir.
Aujourd’hui le temps est venu. Si nous voulons vraiment l’alternance à la droite et au centre-droit, préférons à l’opposition sectaire une rupture tranquille. Respectueuse de notre tradition de dialogue mais porteuse d’un projet clairement alternatif. Pour nous retrouver, il n’y pas de formule magique mais il existe un carré magique, le lauburu qui doit servir de boussole : l’écologie, la justice sociale, la démocratie participative (et “l’esprit de Biltzar”) et enfin l’euskaltzalisme.
En renonçant à ses obsessions de vieux partis et d’hommes providentiels, en plaçant le citoyen au coeur de ce carré magique, la gauche euskaltzale écologiste peut retrouver l’espoir et, surtout, le faire enfin gagner, à Bayonne et ailleurs.