Jose Luis Alvarez Enparantza, que tout le monde basque connaissait sous son nom de plume Txillardegi, est mort samedi à l’âge de 82 ans. Natif du quartier Antigua à Donostia, Txillardegi aura marqué l’abertzalisme et la création littéraire basque durant quatre décennies.
Son engagement remontait à ses années de jeunesse lorsqu’il militait au sein de la jeunesse abertzale. Depuis lors il n’a cessé de lutter pour la reconnaissance d’Euskal Herria et de l’euskara. Ses parents ne lui avait pas transmis l’usage de la langue basque. A 19 ans il se mit à l’apprendre, de sa propre initiative. En 1948, il entamait des études d’ingénieur à Bilbo. S’éloignant du PNV qu’il taxait de passivité face au franquisme, Txillardegi fit partie du petit groupe de jeunes étudiants abertzale (avec Julen Madariaga, Jose Manuel Agirre, Benito del Valle, David Lopez Dorronsoro et Eneko Irigarai) fondateurs d’Ekin, puis d’ETA en 1959. Il fut le responsable de la culture au sein de l’organisation qu’il quittera en 1967, en désaccord avec la ligne marxiste-léniniste de la nouvelle direction.
La promotion du batua
En 1961, la répression franquiste l’obligea à s’exiler, premier d’une longue théorie de militants qui trouvèrent refuge en Iparralde ou ailleurs. Il passera 17 ans en exil, en France, puis en Suisse et en Belgique, et enfin en Iparralde. Linguiste passionné, auteur, entre autres d’une grammaire du basque qui fit longtemps référence, il ne ménagea jamais sa peine pour promouvoir l’euskara. Beaucoup d’entre nous lui doivent leurs premiers contacts avec la grammaire basque qu’il enseignait bénévolement en cours du soir dans les locaux de l’institut d’études juridi-ques de Bayonne, ancêtre de l’actuelle faculté, au début des années 70, bien avant la naissance de l’Institut d’études basques.
Dans le même temps, Txillardegi travaillait avec Krutwig eta Mitxelena à la construction et à la promotion du batua. Il fut le principal rédacteur des règles, publiées en 1965, de ce basque unifié auquel il voulait donner rang de langue littéraire moderne, au même titre que l’espagnol ou le français. La plupart de ces règles seront reprises par Euskaltzaindia à la conférence d’Arantzazu. Txillardegi était correspondant et collaborateur d’Euskaltzaindia depuis 1957.
Sa production littéraire n’en est pas moins féconde. Il fut le précurseur du roman basque moderne. Son souci premier était de prouver que l’euskara pouvait produire des romans aussi attractifs et faciles à lire que ceux écrits en erdera. Il collabora à de nombreuses revues et publications Euskera, Euzko Go-goa, Egan, Zutik, Jakin, Eusko Lurra, Herria, Enbata, signant ses articles Txillardegi ou encore Igara, Usako ou Larresoro. Il fonda la revue Branka et dirigea la revue de sociolinguistique Bat de 1992 à 2002. Pour Jose Luis, Euskal Herria sans euskera n’avait pas de sens.
Son parcours politique est marqué par un attachement indéfectible à l’abertzalisme de gauche. Il fit partie des promoteurs de la con-férence d’Altsasua et des fondateurs d’Herri Batasuna en 1978. Il porta même les couleurs de la coalition au sénat espagnol. Il était à côté du député HB Josu Muguruza, lorsque celui-ci fut abattu par les barbouzes de Felipe Gonzalez le 20 novembre 1989 dans un restaurant madrilène. Plus tard, ne voulant plus cautionner la dérive d’ETA, il fit partie des dissidents de Herri Batasuna qui fondèrent Aralar. Mais très vite, il quittait Aralar et revenait au sein de sa formation d’origine. Son fils Joseba fait partie des membres du bureau national de Batasuna qui ont goûté aux prisons espagnoles pour leur appartenance à la formation illégalisée.
Les chroniques d’Enbata
Les lecteurs d’Enbata se souviennent des chroniques régulières que Txillardegi a te-nues durant plusieurs années dans notre hebdomadaire au temps de son exil. Maniant la langue française, sa deuxième langue d’a-doption, avec une élégance incomparable, il était l’expression d’un militantisme politique et linguistique sans concession.
Après Jose Maria Benito del Valle décédé en mai dernier, Txillardegi est le deuxième fondateur d’ETA à disparaître. Personnalité sans concession, Jose Luis était de ceux qui au-ront profondément marqué l’histoire de l’a-bertzalisme. Dans les années 60-70 il aura très fortement contribué à éveiller et à conforter la conscience abertzale auprès de la jeune génération de Basques d’Iparralde. Dans le même temps, il aura insufflé chez nombre d’entre nous l’envie de la réappropriation de l’euskara, par la pratique, la lecture et l’approfondissement linguistique.
Homme volubile et de bonne compagnie, intellectuel anti-conformiste et intransigeant, penseur aux multiples facettes, mélomane et pianiste de talent, Txillardegi fut de ceux, rares, sans qui Euskal Herria ne serait pas tout à fait ce qu’il est aujourd’hui. La mort de notre compagnon de route laisse un grand vide. Enbata partage la peine de Jone, son épouse et de sa famille.
L’œuvre littéraire de Txillardegi
Ses romans
“Leturiaren egunkari ezkutua” (1957, Euskaltzaindia). Réédition: Leopoldo Zugaza (1977) eta Elkar (1983).
“Elsa Scheelen” (1969, Lur). Réédition: Elkar (1978).
“Peru Leartzako” (1960, Itxaropena). Réédition: Elkar (1979).
“Haizeaz bestaldetik” (1979, Egilea editore). Réédition: Elkar (1988).
“Exkixu” (1988, Elkar).
“Putzu” (1999, Elkar).l “Labartzari agur” (2005, Elkar).
Ses essais
“Huntaz eta hartaz” (1965, Goiztiri). Réédition: Elkar (1983).
“Hizkuntza eta pentsakera” (1972, Gero-Mensajero).
“Sustrai bila. Zenbait euskal koropilo” (1970, Irakur Saila).
“Euskal Herritik erdal herrietara” (1978, egilea editore).
“Euskal gramatika” (1978, UEU).
“Euskal kulturaren zapalketa 1956-1981” (1984, Elkar).
“Soziolinguistika matematikoa” (1994, UEU) en collaboration avec Xabier Isasi.
“Euskal Herria helburu” (1994, Txalaparta).
“Lingua Navarrorum” (1996, Orain).
“Euskararen aldeko borrokan” (2004, Elkar).
Son œuvre de linguiste
“Euskara batua zertan den” (1974, Jakin).
“Oinarri bila” (1977, à compte d’auteur).
“Euskal Gramatika” (1978, Ediciones Vascas).
“Euskal fonologia” (1980, à compte d’auteur).
“Euskal dialektologia” (1983, à compte d’auteur).
“Euskal azentuaz” (1984, Elkar).
“Elebidun gizartearen azterketa matematikoa“ (1984, UEU).
Autobiographie
“Gertakarien lekuko” (1985, Haranburu).
Histoire
“Antigua 1900” (1991, Kutxa).
“Santa Klara, gure uharte ezezaguna” (2004, Kutxa).