La révolution ovine

En 1976 nous réussissions à être majoritaire au sein du syndicat ovin (FSO). Je devenais président de cette structure pour trois ans. Notre programme était ambitieux:
l Obtention d’un acompte mensuel de la part des industriels aveyronnais (le prix définitif étant fixé en octobre par la campagne passée) et suppression de la différence de prix (celui qui nous était payé était de 7% inférieur par rapport à l’Aveyron).
l Obtention d’un plan d’indemnisation pour les éleveurs dont les troupeaux étaient at-teints d’agalaxie (200) et une vaccination gratuite de tous les troupeaux pendant cinq ans. Plan qui fut obtenu après la fameuse manifestation des bergers à Bayonne suite à la non-réponse des autorités.
l Elaboration d’un dossier de reconnaissance en AOC du fromage de brebis local face au risque que ce produit devienne un produit de diversification des excédents aveyronnais entre autres, AOC qui fut reconnu sous le nom de Ossau Iraty en 1980.
La décennie 70-80 fut une période très riche et très formatrice. C’est en regardant en arrière, 30 ans, après que l’on se rend compte de la force des convictions pour construire un projet global et partagé. On pourrait comparer cela aux différents artisans qui bâtissent une maison à partir d’un même plan. Dans ce cas, les artisans étaient les militants locaux vivant à divers endroits et agissant de façon complémentaire, tous animés par la même volonté de se prendre en charge et construire pour travailler et vivre au Pays.
La deuxième décennie, de 1980 à 1990, fut la période de construction et de développement des orientations prises précédemment sur le plan syndical, technique autour du centre ovin, économique autour des nouvelles laiteries, des signes de qualité AOC et création d’un label rouge pour l’agneau de lait des Pyrénées.
1981: Sur le plan syndical fut l’année du conflit ouvert avec les industriels de Roquefort qui refusaient de supprimer la différence de prix qui avait été ramenée à 2%, lors des négociations antérieures. Le rassemblement devant la laiterie de Larceveau se traduisit par l’arrêt, en représailles, de la collecte pendant un jour. C’est aussi à cette date et fort des conséquences de ces représailles, que nous sollicitions l’intervention d’une nouvelle laiterie CLPB ULPAC qui commençait à collecter rapidement.
1982: Ce fut la création d’ELB motivée par deux éléments:
1- La reconnaissance du pluralisme syndical en agriculture par la gauche nouvellement au pouvoir.
2- Nous estimions qu’en 10 ans sur le plan syndical nous avions suffisamment prouvé notre efficacité auprès des paysans et que nous pouvions risquer la mise à mal du mythe de l’unité syndicale derrière lequel se cachait la FDSEA pour faire avaler les décisions prises ailleurs et contraires aux intérêts des petits paysans.
1985: Ce fut l’année de création de l’interprofession ovine laitière pour rassembler les producteurs et l’ensemble des entreprises afin de fixer un cadre à l’organisation de la filière.
1987: Lors de la première assemblée générale de l’interprofession, face aux besoins de lait de toutes ces entreprises qui entraînaient une hausse du prix du lait aux producteurs, le représentant de la laiterie des Chaumes lançait la fameuse phrase “Vos brebis sont paresseuses, il faut qu’elles produisent plus et vite, sinon nous irons chercher le lait ailleurs”. Message reçu à 100% par les éleveurs puisque l’augmentation pour la seule campagne 89-90 atteignit 20%.

Période d’adaptation
La troisième décennie vit le début de la fin de la période euphorique pour les producteurs en terme de prix du lait, mais le commencement d’une nouvelle période nécessitant une adaptation à la nouvelle situation sur le plan syndical.
1991: Fut l’annonce d’une baisse de prix de 10% par la laiterie des Chaumes pour cause de surproduction. La coopérative ULPAC n’était pas en reste, annonçant que le prix du lait de brebis ne devait pas être plus du double de celui des vaches. Elle en est au triple actuellement. Face à cette volonté et le refus de négocier de la part de ces entreprises, la laiterie des Chaumes à Mauléon, et l’entreprise Boncolac a Bonloc, appartenant à l’ULPAC furent occupées pendant plusieurs jours. Du fait de la mobilisation importante des producteurs une négociation fut organisée par le préfet, lequel reprenait les revendications d’ELB concernant la mise en place d’une campagne de promotion TV pour élargir le marché du fromage de brebis, et l’idée d’une différenciation du prix du lait en fonction des marchés et des besoins de producteurs à négocier en interprofession.
Cette campagne promotionnelle collective a permis un développement des marchés bé-néfiques à tous notamment pour les laiteries locales et producteurs fermiers, qui n’ont pas les moyens d’accéder individuellement à la télévision et aux autres moyens. De ce fait la baisse du prix du lait a été contenue, mais il a fallu plus de 15 ans pour rattraper le ni-veau de 1990.
En 1995 la campagne promotionnelle TV spécifique “Ossau Iraty” démarrait, remplaçant celle du “Pur brebis et son AOC Ossau Iraty”.
La fin des années 90 s’est traduite aussi
par un accord intersyndical avec la FDSEA
sur deux points: la réservation des aides a l’investissement aux éleveurs en signe de qualité, et la création d’un observatoire économique à partir de comptabilités de 150 exploitations ovines. Cet observatoire ayant été complété d’un suivi de l’évolution du marché des fromages dont l’Ossau Iraty et le pur brebis.

La décennie des paradoxes
La 4ème décennie est celle des paradoxes. D’une part, nous avons une forte augmentation des besoins en volume de lait, allant jusqu’à un déficit de lait de 25%. D’autre part, une promotion collective a permis une extension du marché avec des prix à la consommation à la hausse de 30% en 20 ans. Mais dans le même temps les producteurs n’ont bénéficié que de 1 à 2% d’augmentation. Cet état de fait se traduit par une trésorerie des exploitations qui devient de plus en plus fragile, le nombre d’abandon annuel est de 40. Mais cela n’a pas empêché la création d’une cave d’affinage par la CLPB Coopérative dont le contrôle a été repris par les éleveurs locaux, la création d’une laiterie Azkorria a Muskildi, et plus récemment celle d’Agur à Mendibe. L’autre élément important pour l’avenir, est la prise de conscience de la nécessité de valoriser l’Ossau Iraty par un paiement plus élevé aux producteurs, thème développé depuis 20 ans par ELB et qui commence à être partagé par la FDSEA et les transformateurs nationaux. A ce titre un accord vient d’être finalisé dans les derniers jours d’octobre au sein de l’interprofession. Accord qui consiste à diminuer de façon drastique le prix du lait des éleveurs changeant de races au profit de races d’ailleurs, 2 à 3 fois plus productives, ainsi que celui des augmentations de quantité de ceux qui ont déjà changé de races. Cela va dans le sens du renforcement de l’Ossau Iraty, mais devrait être aussi un élément de maîtrise. Il doit être obligatoirement suivi d’une revalorisation substantielle du prix du lait Ossau Iraty amorcé en 2007.
Certains affirment que ces accords vont à l’encontre de la liberté de choix des éleveurs. Je maintiens pour ma part que des règles doivent exister en économie comme il en existe par exemple pour la circulation (code de la route). Aujourd’hui 600 éleveurs en races Lacaune peuvent produire la production livrée par 1.600 éleveurs de races locales. Si nous laissons faire le libéralisme, que deviennent les exploitations de montagne? L’entretien de la montagne par la transhumance? C’en sera fini de l’Ossau Iraty, fini des brebis dans les prairies. C’est pour cela que ELB et EHLG se bagarrent depuis longtemps. Nous constatons que le citoyen consommateur est aussi de plus en plus sensibilisé à tous ces enjeux. Quand les décisions sont prises ailleurs par d’autres, les producteurs et les consommateurs sont perdants. Le problème du lait de vache en est l’illustration: en 30 ans le nombre de producteurs a été divisé par quatre pour des volumes globaux en augmentation, avec une race internationale (Holstein). Est-ce que les producteurs qui restent, et le consommateur s’en trouvent mieux? Assurément non.
Je reste confiant pour l’avenir. A la seule con-dition que l’on n’attende pas que le bonheur des gens qui vivent dans ce pays nous tombe du ciel, ou que d’autres le construisent pour nous. Il ne faudra pas baisser la garde. La relève par les jeunes est assurée. Nous avons aujourd’hui les structures qu’il nous faut. La seule chose urgente c’est le décloisonnement et se fédérer autour d’un projet global, au minimum pour le court et moyen terme. Le foisonnement d’initiatives doit trouver une ligne directrice commune. J’espère que nous en serons capables.

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