Avant la campagne électorale, j’avoue que je ne vous connaissais guère que de renom, puis peu à peu après vos interventions télévisées, j’ai été un moment séduit par le personnage atypique que vous incarnez : ancien socialiste, nouveau communiste anarchisant et toutes tendances confondues, proche des plus grands druides de la langue de la République une et indivisible…
Quand bien même la plupart de vos concurrents ployaient sous le fardeau de la « dette », égrenant des chiffres à donner le tournis aux petites gens dont je fais partie, vous excelliez dans de superbes envolées lyriques en jonglant avec les métaphores du calendrier républicain et la démagogie la plus fantaisiste ! Et ce, devant des foules immenses comme à Toulouse.
Brillantissime tribun, vous êtes en outre un redoutable et redouté prédateur médiatique. Nombre de téléspectateurs ont suivi ce monologue qui vous est propre, alternant titillation et provocation, avec un aplomb inouï ! Cependant, et bien que paraissant fort embarrassée, ce soir là vous n’arrivâtes point à désarçonner Le Pen !… Lors des législatives cette dernière vous rendit la monnaie de la pièce, quand vous osâtes piétiner ses plates bandes. En vous infligeant une ruade imparable, elle anéantît sur le champ toutes vos ambitions politiques !
Ces péripéties sont finalement sans importance, si vous le permettez je rentrerai dans le vif du sujet : votre prise de position en 2009, au sujet des langues régionales, en compagnie de votre acolyte Charasse.
En ces temps là, vous avez l’un comme l’autre soutenu des propos méprisants à l’encontre de milliers de personnes ! Diatribes qui vont de la potée auvergnate à « l’ethnicisme ». En somme, le spectre d’un Valmy culturel des temps modernes. Comme si des langues, condamnées elles-mêmes à l’extinction, pouvaient porter ombrage à la langue de Molière : n’importe quoi !
Mais alors que vous semblez vous réjouir de penser que les langues régionales s’envolent en fumée, ne voyez-vous pas que vous avez-le feu dans votre propre maison ? N’êtes-vous pas sans savoir la nouvelle donne de l’enseignement supérieur ? Ces étudiants étrangers futurs ingénieurs, cadres d’entreprise, managers, qui à quelques rares exceptions près, ne sont plus qu’anglophones ! Désormais plusieurs universités dispensent leurs cours et décernent leurs diplômes en anglais ! Quelques rares d’entre elles, refusant ce contexte, sont amenées à faire de la résistance, et ce en plein Paris : on croit rêver ! Seuls les étudiants ressortissant de pays francophones permettent d’assurer la pratique de la langue française dans les universités de France. Mais jusqu’à quand ? Les étudiants d’Afrique pourtant francophones, sont désormais attirés par des villes telles que Pékin ou Moscou, intérêts économiques obligent !
Le français ne rayonne guère plus que dans l’hexagone, une partie de la Belgique, un tiers de la Suisse, et quelques isolats à Saint-Pétersbourg, Tchéquie, Roumanie et Canada, et bien évidemment en Afrique, mais jusqu’à quand ? La splendeur du siècle des lumières est en plein déclin, et la langue française technologiquement, scientifiquement et économiquement parlant, est une langue de second plan ! Messieurs les bourgeois triomphants, cessez de toiser les minorités car elles regorgent elles aussi de savoir et de sagesse populaire, qui seront vitales, je dis bien vitales, après les ravages du tsunami de la mondialisation. Regardez les pays voisins et faites de même en matière de politique linguistique, en reconsidérant et en officialisant l’alsacien, l’auvergnat, le basque, le breton, le corse, et le gascon… A moins que dans votre philosophie seul le français ait droit de cité !
Si c’est le cas, je puis en tant que basque vous affirmer que devant l’impitoyable prédominance des langues dominantes, le drame que nous vivons, toutes proportions gardées, sera celui de vos enfants et petits enfants. Les cocoricos des olympiades et la frénésie cocardière des stades, ne suffiront pas à endiguer la tendance. Alors, commencez par balayer devant votre porte !
Monsieur Mélenchon, même après deux empires, plusieurs guerres, dont deux mondiales, vous êtes toujours deux siècles plus tard, un néojacobin ultra attardé ! Mais consolez vous, tout en étant un candidat de circonstance, vous avez quand-même obtenu un groupe parlementaire à l’Assemblée Nationale. Mieux ! A l’instar d’un Fabre d’Eglantine, poète délicat qui par le calendrier républicain élabora le chef d’œuvre de sa courte vie, vous n’avez été, si j’ose dire, guillotiné que politiquement.
Avec vos talents indéniables, il vous reste encore un point de chute chez les verts. Les verts de l’Académie Française… Mais au fait, voudront-ils de vous ? That is the question. Pardon, telle est la question.
Jean-Michel BEDAXAGAR
Forgeron