Quelques données générales pour
le Pays Basque
Une production soutenue
Le rythme moyen d’accroissement du nombre de logements est de l’ordre de 16% (20% entre 1968 et 1975, 17% entre 1975 et 1982)
La part des résidences principales a diminué. Elle est passée de 81% en 1968 à 75% en 2007 (et aussi en 1999 et 1990).
Alors que les résidences secondaires ont progressé régulièrement. Elles représentaient 12% du nombre total de logements en 1968 et atteignent en 2007, 21%.
D’importantes disparités apparaissent suivant les zones géographiques.
Une surconsommation foncière et une faible densité d’habitat
L’action publique a été peu présente pour organiser, maîtriser ou réguler le développement de l’urbanisation. Les Zones d’Aménagement Con-certé (ZAC) ou les Zones d’Aménagement Différé (ZAD) auraient pu jouer un rôle plus important. Dans les documents d’urbanisme, les zones constructibles ont été largement ouvertes, sans au préalable mettre en place des équipements.
En zone périurbaine, le tout à l’égout n’est pas très répandu. Le recensement INSEE 99 pointe près de 25.000 résidences principales non raccordées au réseau tout à l’égout. Indépendamment du fait de la faible performance des filières anciennes d’assainissement non collectif sur les terrains argileux, peu filtrants, et des pollutions qu’elles entrainent , une maison non raccordée au tout à l’égout, doit être érigée sur un terrain suffisamment grand (1.500 à 2.000m2), d’où, une très faible densité d’habitat (5 logements à l’hectare en zone peu urbanisée).
Cet habitat est d’ailleurs constitué essentiellement de maisons individuelles (85% des résidences principales, cf CDPB 2001).
Une étude préalable à la mise en place du SCOT de l’agglomération BAB, portant sur 56 communes révèle qu’entre 1977 et 1998, 2890 hectares ont été urbanisés, pour y construire 50.654 logements (17,50 logements à l’hectare) incluant aussi les constructions collectives au cœur de l’agglomération.
Le Programme Local de l’Habitat de l’Agglomération Bayonne, de 2002 indique une con-sommation foncière en progression sur 10 ans, de 22% au Sud de l’Adour (canton de St Pierre d’Irube élargi) et de 14% au Sud de la Nive (secteur d’Ustaritz).
Avec l’augmentation continue du prix des terrains, la logique aurait voulu que l’on densifie l’habitat.
A titre d’illustration, sur un même terrain de 5.040 m2, qui autorise la construction de 2.520 m2 de plancher (SHON), les densités peuvent différer suivant le type de bâti.
Ainsi, 36 logements répartis dans 6 petits immeubles consomment deux fois moins de foncier que 30 maisons individuelles.
Ces derniers temps, le souci de mieux utiliser l’espace se renforce. On préfère parler de ménagement de territoire plutôt que d’aménagement. Le chemin sera long, avant que ne se généralise l’utilisation optimale des sols, car de lourds investissements préalables sont nécessaires (égoûts…).
Manque de mixité et de fluidité
En périurbain ce sont surtout les propriétaires qui ont construit, pour y habiter eux-mêmes, des grandes maisons, sous occupées après le départ des enfants. Le logement locatif y est rare et insuffisant pour satisfaire la demande. Le parcours résidentiel ne peut se faire sur la zone. Le demandeur d’un logement locatif doit migrer vers la ville.
Le logement locatif social
Il est porté par les organismes HLM, qui maîtrisent la chaîne, depuis la construction jusqu’à la gestion des locations. Des offices HLM sont adossés à des collectivités (communes, département…). D’autres sont structurés sous forme de sociétés anonymes, coopératives ou d’économie mixte.
Leur mode d’action est régi par la loi. Les logements sont soumis à un loyer plafond (5,10e/m2 sur le littoral en PLUS) et les ressources des locataires à l’entrée dans le logement ne doivent pas dépasser un certain montant (revenu fiscal inférieur à 25.394e pour un couple), mais ceci ne constitue pas un handicap, car près de 75% des ménages du Pays Basque seraient éligibles à un logement social.
Pour compléter le dispositif, les opérations HLM bénéficient de subventions de l’Etat et des collectivités territoriales, mais aussi de prêts bonifiés puisés dans le livret A.
Le Pays Basque comptait en 2005, 11.300 logements publics sociaux.
Une montée en régime irrégulière
La période 1960 / 1975 a été la plus fructueuse. Bayonne assure 68% de la production avec les grands ensembles de la rive droite de l’Adour ou de Mousserolles, Cam de Prats, Balichon ou Polo Beyris. Biarritz livre Pétricot et Parme et les premières réalisations émergent à St Jean de Luz, Urrugne, Hasparren, Cambo.
Dans la période de 1975 à 1990, l’évolution a été plus lente. Il fallait d’abord faire occuper les logements existants . En 1970 / 71 plusieurs centaines de logements étaient inoccupés à Bayonne. Les nouveaux programmes ont été retardés, et n’ont été livrés qu’à la fin des années 70.
Après 1990, la production de logements sociaux s’est accélérée et les communes du littoral y ont largement contribué: Anglet 782 logements sur la période, Bayonne 372, Biarritz 458, Boucau 116, Ciboure 187, Hendaye 232, Saint-Jean-de-Luz 333, Urrugne 101.
Un étalement géographique lent
Le développement du logement social a souffert d’une image négative, car on l’imaginait sous forme de grands ensembles de barres et de tours, occupés par une population typée, venue d’ailleurs.
Les premiers logements dans le canton de Saint-Pierre-d’Irube ont accueilli leurs occupants en 1986, dans celui de Labastide-Clairence en 1986, dans celui de Bidache en 1978, à Ciboure en 1986.
Depuis 1990, la couverture territoriale s’est généralisée.
Accélération de la production à partir de 2005
Trois éléments ont profondément modifié l’environnement du logement social:
– La délégation des aides à la pierre par l’Etat à la Communauté d’agglomération BAB et au Conseil général. Les conditions de financement des opérations restent très encadrées par les textes, mais les Collectivités obtiennent des marges de manœuvre élargies pour définir les politiques d’habitat.
– L’Etablissement public foncier local (EPFL) est créé et doté de moyens pour procéder à des acquisitions foncières en partie réservées à l’habitat.
– Le Plan d’urgence logement (PUL) est mis en place. Il réunit des fonds de l’Etat, du Conseil général, des Collectivités pour financer le surcoût foncier et permettre aussi aux opérateurs du logement social de finaliser les opérations. Son action est territorialisée sur 6 intercommunalités (agglomération Côte Basque Adour, Communauté de communes (CC) Sud Côte Basque, CC Nive Adour, CC Errobi, CC Hasparren, CC Bidache) et la Commune de Labastide Clairence.
Les réalisations sont satisfaisantes. A ce jour, 87% des logements financés sur la première période ont été livrés ou sont en travaux (1.821 logements).
Pratiquement tous les logements (95%) PLAI et PLUS aboutiront. C’est en priorité les catégories qui correspondent le mieux aux at-tentes des demandeurs. Les logements PLS —dont le loyer avoisine 8e par m2 de surface utile— ne sont pas accessibles à une partie des demandeurs. Ils sont pour une part construits par des promoteurs privés.
La crise a ralenti la production en 2008 (275 logements financés) et en 2009 (327).
Elle a aussi modifié les comportements et conduit à des rapprochements entre les bail-leurs sociaux et les promoteurs privés. Ces derniers, en possession de stocks de terrains et de logements, les ont proposés aux organismes HLM, en leur vendant, soit une partie du terrain, soit des logements construits en VEFA (Vente en Etat Futur d’Achèvement).
Entre 2005 et 2009, 752 logements étaient financés en VEFA. La production de logements PLS a fortement augmenté.les délégataires (ACBA, CG64) ont demandé aux bailleurs sociaux de prioriser les PLUS et PLAI à vocation plus sociale. Les promoteurs privés continuent d’en produire, aussi à la demande des communes, car ils entrent dans le quota de 20% de logements sociaux exigé par la loi SRU. Néanmoins, pour un meil-leur suivi, le Conseil général demande que la gestion en soit confiée à l’Agence Immobilière SIRES (adossée au PACT), et le PUL préconise qu’ils soient localisés, à l’avenir, sur le littoral, là où les prix des loyers libres sont très élevés.
La multiplication des opérateurs, tant chez les promoteurs privés que les bailleurs sociaux, amène de la concurrence et de la surenchère sur le prix du foncier.
En 2005 et 2006, l’Etat a consacré aux opérateurs du PUL, 3.029.000e dont 37% au titre du surcoût foncier, le Conseil général respectivement 5.171.000e et 20% et les collectivités locales 3.851.000e et 30%.
La hausse des prix, sera-t-elle compensée par celle des subventions?
Parallèlement, les bailleurs complètent les plans de financement par les fonds propres qui sont forcément limités.
Une forte demande locative insatisfaite
Ces dernières années, le nombre global de logements a augmenté de près de 3.000 par an; le taux de vacance a fortement diminué. Ces facteurs auraient du améliorer l’offre. Et pourtant, la demande locative auprès des bailleurs sociaux demeure très forte: soit plus de 7.500 demandeurs en liste d’attente.
Le bassin de vie de Bayonne concentre 55% des demandes des Pyrénées-Atlantiques et Landes réunis.
Elles émanent pour 87% du Pays Basque. C’est la population locale, dont les salariés représentent 62%, qui n’arrive pas à se loger.
Le niveau des ressources des demandeurs est très inférieur aux plafonds réglementaires pour l’accès à un logement social. 75% ont des revenus inférieurs à 60% des plafonds.
Les structures d’accueil d’urgence sont
pleines et n’arrivent pas à libérer les hébergements pour accueillir de nouvelles personnes.
Les résidences secondaires
Une croissance soutenue
La part des résidences secondaires a pres-que doublé passant de 12% à 21% de l’ensemble des logements. La progression de leur nombre d’une période à l’autre, est deux fois supérieure à celle des résidences principales (+ 15% en moyenne).
En réalité, le nombre de résidences secondaires est probablement supérieur, si on se fie à une enquête menée par une collectivité, qui avait révélé que 41% des logements portés vacants étaient en fait des résidences secondaires.
Le nombre de résidences secondaires a pres-que triplé sur la zone littorale (hors Bayonne / Boucau). L’attractivité de la région, le relais des professionnels du tourisme sont des facteurs déterminants de ce développement. Les pouvoirs publics y ont aussi contribué par les ac-tions de la MIACA dans les années 1960/1970, par le Projet collectif de développement Elgarrekin vers 1990, qui a produit 1.000 lits touristiques en Pays Basque Intérieur, ainsi que le Projet Haute Soule Accueil.
Ces deux derniers programmes se situaient dans des zones où le marché du logement n’est pas tendu. Ils ont permis de sauver de la ruine des bâtiments délabrés.
Le parc ancien privé et locatif
Au début des années 60, les conditions d’habitation étaient plutôt spartiates. Les immeubles en ville affichaient le panonceau «eau de source à tous les étages». Les commodités se résumaient bien souvent à un WC sur le palier. Il y a eu une migration des habitants des cen-tres ville vers les immeubles et les villas de la périphérie. S’y ajoutant l’exode rural, le nombre de logements vacants et inconfortables s’est accru. La population du centre ancien de Ba-yonne (secteur sauvegardé) est tombée à 5.000 habitants, alors que du 18ème au début du 20ème siècle elle était de plus de 10.000 habitants. De nombreux immeubles abritaient un commerce en activité au rez-de-chaussée, surmonté de 4 ou 5 étages de logements vacants. On a dénombré près de 1.000 locaux vacants en centre ville à Bayonne.
Le rapport Nora/Barre en 1975, signalait aux pouvoirs publics, la désertification du milieu rural, et la dévitalisation des centres urbains, et insistait sur l’obligation de réorienter les politiques du logement et requalifier les centres anciens et les logements existants.
Les politiques d’amélioration de l’habitat
En 1977, naissent les Opérations Programmées d’Amélioration de l’Habitat (OPAH). Elles se caractérisent:
– par une contractualisation entre l’Etat et les communes ou leur groupement.
– pour une durée déterminée de trois ans.
– en apportant aux propriétaires privés des subventions fortement majorées pour améliorer l’habitat des propriétaires ou des logements destinés à la location —notamment en recyclant les logements vacants.
Ces procédures d’OPAH ont eu un énorme succès en Pays Basque. L’une des premières OPAH lancée en France, le fut à Bayonne en 1979. 350 logements locatifs, souvent vacants, y furent réhabilités sur la période de trois ans.
L’OPAH de Soule s’enclenchait rapidement 170 logements locatifs y furent mis sur le marché. Au gré des Contrats de Pays, ou de revitalisation, les OPAH couvrirent le Pays Basque, les villes du littoral n’y furent pas en reste. Plus tard, les intercommunalités prirent le relais.
L’apport des OPAH a été déterminant dans la remise à niveau de l’état des logements. Il a permis de proposer des logements locatifs disséminés sur l’ensemble du territoire, là où l’offre était quasi inexistante. Des ménages ont pu trouver sur place des choix d’hébergement. La reconquête des logements vacants a contribué au maintien de la population.
Il semble que les OPAH soient en fin de cycle. Les aides sont dorénavant orientées vers la résorption de l’habitat insalubre, et l’amélioration de la performance énergétique des logements. Ce sera probablement le déclin de l’offre de logements locatifs privés, à loyers maîtrisés, et disséminée sur l’ensemble du territoire.
Concurrences multiples
L’investissement locatif, défiscalisé et ses effets
Les logements locatifs sont pour près de 75% situés dans le parc privé.
Ces dernières décennies, ce parc s’est développé par la construction neuve, car soutenue par des dispositifs souvent affichés sur les panneaux de vente des promoteurs (Périssol, de Robien, Besson, Boorlo, Scellier).
Les acquéreurs bénéficient d’un avantage fiscal, (réduction d’impôt ou déductions du revenu foncier) estimé par des experts à une économie d’impôts de 15.000 à 18.000e par logement. En contre partie, le propriétaire s’engage à louer le logement au moins pendant 9 ans et à un loyer plafonné. Ces loyers sont pour le dispositif Scellier actuellement en vigueur de 13e/m2 sur la zone littorale+ CC de Nive Adour + Bassussary Arcangues Ahetze et de 10,60e sur la zone rétro littorale. Le dispositif de Robien a même proposé sur les deux zones réunies, le loyer à 15,05e/m2. Pour un couple, occupant un logement de 3 pièces (2 chambres) le loyer varie de 700e par mois (10,60em2) à 1.000e/mois (15, 05em2)
A ces prix, les logements ne sont pas accessibles à 80% de la population locale, si ce n’est pour une occupation temporaire en attendant une meilleure solution.
Le revenu moyen 2005, par foyer fiscal, de 16.299e soit environ 2.000e par mois, ne permet pas de subvenir à de tels loyers. Cette production, très importante en quantité, ne répond pas aux attentes et aux besoins de la population locale.
L’accession à la propriété, intervention publique accrue
Dans les années 1960/1970 l’accession à la propriété s’est fortement développée sous ses différentes formes —immeubles collectifs— maisons individuelles en ou hors lotissements.
Elle était largement ouverte aux ménages modestes. Des prêts dédiés (PAP), une aide (APL) au remboursement du prêt, une inflation faisant évoluer les revenus plus vite que les charges, étaient autant d’éléments favorables.
Dans les années 80, la désinflation, la progressivité des taux des prêts, la cherté des terrains, en ont freiné la progression.
D’autres dispositifs ont vu le jour, comme le prêt à taux zéro, dont les remboursements sont modulables selon les ressources du demandeur. 817 ménages en ont bénéficié en 2005 dans l’arrondissement de Bayonne- dont 60% en maison individuelles.
Plus récemment, le Pass-foncier, (issu des fonds du 1% logement), permet soit de payer le terrain plus tard, quand on aura payé la maison, soit en collectif, de bénéficier d’un prêt à remboursement différé. En outre, si une collectivité locale apporte une subvention, la TVA se trouve réduite à 5,5%.
A la demande des financeurs, et pour contrer toute dérive spéculative, des organismes comme les HLM s’engagent, en complément de leur production propre de logements locatifs, dans l’accession à la propriété. Ils s’inscrivent dans une logique sociale en ciblant des ménages dont les revenus se situent entre 2 et 3 SMIC par mois. Parmi les de-mandeurs inscrits auprès des organismes publics, le rêve de la maison individuelle s’estompe. Pour 40% d’entre eux le type de construction (individuel,collectif) est indifférent (cf étude Codra 2007).
La très forte augmentation du nombre de logements, ces dernières décennies, n’a pas réussi à satisfaire les attentes de la population. Les initiatives comme les acteurs sont nombreux et les efforts des collectivités sont à souligner. En a-t-on assez fait pour rechercher de la cohérence dans les bassins d’habitat, et élaborer des documents d’urbanisme (PLU) directifs. Le rédacteur de la mission gouvernementale, indiquait en 2003, le risque de juxtaposition de PLU, sans au-cun cadrage, appelant les élus à s’engager. Le PLU permet, de réserver des emplacements pour assurer de la mixité sociale, d’imposer certains types de logements. Si des cahiers de charges précis affichent la politique de la collectivité, les professionnels de l’immobilier doivent s’y conformer.
Sur la partie littorale, la planification des opérations se fait par les Programmes locaux de l’habitat ( PLH ), ces procédures devraient être établies pour la zone intermédiaire. Par contre la planification des infrastructures ou des réseaux —comme l ‘assainissement collectif— a beaucoup de retard. Il s’agit d’investissements très lourds; si on ne les fait pas, on ne peut pas densifier l’habitat ni s’engager dans la maîtrise du coût du foncier ni envisager une baisse des prix des terrains, des loyers, des logements
Jean-Marie Etxart