On connaît la grande diversité des dialectes basques, fruits d’une lan-gue primitive qui, au cours des temps, a pris des formes différentes selon les territoires où elle était parlée. C’est là un phénomène général que l’on retrouve avec le breton, l’occitan, le corse, le catalan, toutes ces langues qui, selon le politiquement correct français, sont qualifiées de “régionales” par rapport à la langue “nationale”.
Un exemple de dialectalisation, fort connu dans l’Europe occidentale, est celui du latin, langue mère par excellence. En même temps qu’avec la fin des guerres de con-quête s’établissait la “pax romana” le latin s’installait sur tous les territoires conquis et alors qu’il éliminait les langues qui y étaient parlées, il subissait l’épreuve de la dialectalisation à cause, pour une part au moins, des substrats de ces langues disparues. Ainsi, naquirent les langues dites “ro-manes”, telles que le français, l’espagnol, le portugais, l’italien, l’occitan, le catalan, le corse qui ne sont autres que des dialectes du latin. Selon les aléas de l’histoire certaines d’entre elles sont devenues des langues officielles qui ont donné naissance à de grandes littératures, alors que les autres, du moins en France, n’ont pas eu le privilège de l’officialisation. Dans la ro-manisation des premiers siècles de l’ère chrétienne seul l’euskara a perduré et s’il n’en a pas moins adopté au latin, il a aussi adapté à sa convenance en maintenant sa structure originale.
La dialectologie est née au Pays-Basque au cours du XIXe siècle grâce au prince Louis-Lucien Bonaparte qui, à partir de l’étude du verbe basque, a établi la carte des dialectes basques qu’il a publiée dans la décennie des années 1860.
Dès sa naissance, l’Académie de la langue basque / Euskaltzaindia, en même temps qu’elle souhaitait une langue littéraire commune, rêvait d’établir un Atlas linguistique qui est resté à l’état de projet. Soixante ans plus tard, la commission de dialectologie s’est mise au travail en faisant appel à des chercheurs français tels que les occitanistes Jacques Allières et Xavier Ravier ou encore au Breton Le Dû qui ont formé les divers enquêteurs basques.
Parmi ceux-ci Xarles Videgain et Gotzon Aurrekoetxea furent désignés par l’Académie comme responsables de la bonne mar-che du projet supervisé par un académicien titulaire.
Les enquêtes commencèrent dans les années 1980 sur 145 points du territoire basque dûment sélectionnés, auprès de personnes nées dans le village en question et issues de parents natifs du même en-droit. Les témoins dont certains sont décédés pendant les enquêtes et ont été immédiatement remplacés, ont répondu à 2.800 à 3.000 questions intéressant surtout le vocabulaire. Les résultats de ces en-quêtes qui ont duré une vingtaine d’années ont été mis en informatique et l’Atlas est actuellement en phase de publication avec une carte pour chaque mot, ce qui, bien entendu constitue un progrès extraordinaire par rapport à la carte des dialectes du prince Louis-Lucien Bonaparte: un total de dix volumes doublé d’un véritable trésor de la langue orale, car chaque témoin a eu la possibilité de s’exprimer librement sur un sujet de son choix, ce qui constitue un ensemble où se regroupent à la fois des données intéressant la phonétique, l’intonation, le vocabulaire et la syntaxe.
Le rêve des premiers académiciens devient réalité grâce au travail de notre génération, heureuse et fière de la concrétiser, grâce aussi à l’aide financière qu’Euskaltzaindia obtient des pouvoirs publics. Hommage soit rendu à tous les acteurs du projet.