SI mai 1968 est une date qui compte en France, octobre 1968 représente une date capitale pour l’évolution de la langue basque. En effet, les 3, 4 et 5 octobre Euskaltzaindia a organisé un Congrès dont le thème majeur est une réflexion approfondie sur “l’euskara batua”.
Il y a quelques années que ce sujet préoccupe un certain nombre d’écrivains basques qui, finalement, vont se réunir à Bayonne en 1964 et formuleront des ré-flexions et des directives novatrices fort intéressantes.
La première réunion de 1968 qui rassemble les académiciens à Bilbao a pour but d’organiser les noces d’or d’Euskaltzaindia (1918-1968) et, ce jour-là, le poète Aresti propose la réunion d’un congrès qui porterait sur la mise en marche de la langue standard, langue commune à l’ensemble du Pays-Basque, proposition qui est adoptée à l’unanimité.
C’est ainsi que le congrès se tiendra à Aranzazu, ce haut lieu de la résistance basque, en octobre 1968, cinq rapporteurs étant nommés, chacun ayant à traiter d’un thème spécifique. Manuel Lekuona, le président de l’époque, traite de la nécessité de l’unité de la langue, Luis Mitxelena de l’orthographe, Luis Villasante de la forme des mots, Anbrosio Zatarain des mots nouveaux et Salbador Garmendia de la déclinaison.
Dans son intervention Luis Mitxelena titulaire de la chaire de langues et littératures indo-européennes à l’Université de Salamanque établit la philosophie du Congrès et marque la feuille de route. Il est l’homme de la situation, le linguiste de haut niveau que tout le monde respecte. Pour lui, s’engager dans la voie de l’unification est une question de vie ou de mort pour la langue basque et, après avoir fait remarquer qu’Euskaltzaindia est dans son rôle pour faire des propositions, elles devront être approuvées ou non par le peuple euskaldun. D’autre part, il propose afin d’être efficace d’aller du simple au compliqué, de ce qui est facile à réaliser à ce qui sera malaisé: en premier lieu l’orthographe, puis la forme des mots anciens, la naissance ou l’emprunt des mots nouveaux, la morphologie nominale et verbale et enfin la syntaxe. Sa contribution traite de tous ces thèmes et trace des voies de compromis futurs absolument nécessaires, le “hautsi-mautsi” réaliste.
Tous les “euskaltzain” avaient en mémoire les Congrès de Hendaye (1901) et
de Fontarrabie (1902) destinés à unifier l’orthographe et l’échec total de cette entreprise, la création d’“Euskaltzaleen Biltzarra” d’une part et d’“Eusko Esnalean” d’autre part, chacun gardant sa propre orthographe, française au Nord, espagnole au Sud. Mais six décennies plus tard, quoique en plein franquisme, l’esprit n’est plus le même. Euskaltzaindia, l’Académie de la langue basque est née et occupe sa place dans la culture basque, d’autant plus qu’elle rassemble des représentants de tous les dialectes basques. Quelques exemples illustreront la démar-che commune. Au rayon des voyelles le y disparaît (on le laisse au grec) mais on y ajoute le ü souletin. Dans les consonnes sibilantes z, s, x, la dernière correspond au ch français et dans les affriquées tz, ts, tx, la dernière représente le ch espagnol. Quant au graphème h c’est celui qui pose d’autant plus de problèmes qu’il n’est plus utilisé en Hegoalde. Le “hautsi-mautsi” entre le Nord et le Sud s’effectue de la manière suivante: à l’exemple du Nord le h est adopté en initiale du mot ainsi qu’entre deux voyelles; par contre les occlusives aspirées ph, th, kh perdent leur aspiration, de même qu’à la suite d’autres consonnes (alaba et non alhaba).
Les journaux et la presse en général adoptent la nouvelle orthographe et comme le gouvernement basque en fait autant, le ministre de l’Education l’impose dans le système scolaire ce qui fait que, à partir de 1982, toutes les générations d’élèves d’Hegoalde baignent dans la nouvelle orthographe. La marche vers l’unité de la langue est amorcée. Elle se poursuivra.