Etienne d’Alençon : “le pôle archives rend service à un public nouveau”

Enbata: Le pôle archives de Bayonne et du Pays Basque ouvrait ses portes en juin dernier. Quel bilan faites-vous de cette première année de fonctionnement?
Etienne d’Alençon: Le pôle d’archives de Bayonne et du Pays Basque a ouvert ses portes au public le 14 juin 2010. Il a très vite pris son essor en devenant l’outil de collecte, de traitement et de valorisation des archives qu’il se devait d’être pour ce territoire. Le bilan est très positif dans la mesure où ces trois missions sont reconnues, non seulement localement mais aussi nationalement et internationalement, tant par le public que par les partenaires institutionnels. De plus, ce pôle a su inscrire son action dans un parfait esprit de transversalité avec le second site du service départemental des archives, celui de Pau: c’est donc une seule équipe qui travaille sur deux sites.

Enb.: Quels ont été les points les plus positifs de cette première année de fonctionnement? Votre outil est-il adapté aux besoins exprimés par les utilisateurs?
E. d’A.: Le pôle a d’abord pris sa fonction de centre d’archivage avec l’arrivée de très gros versements d’archives (environ 150 mètres linéaires) en provenance des juridictions du Pays Basque et notamment de celles qui, touchées par la réforme de la carte judiciaire, avaient entreposées leurs archives au Palais de justice de Bayonne avant de pouvoir les verser au pôle d’archives; et aussi les archives du Tribunal de commerce (environ 100 mètres linéaires) et des archives de la Délégation à la Mer et au Littoral (DDTM) ou encore de la Maison d’arrêt de Bayonne qui sont venues les rejoindre.
Mais surtout le public qui nous témoigne régulièrement sa satisfaction, parfois même par écrit, pour la manière dont il est accueilli, pour la beauté du site et le confort des conditions de communication des documents.

Enb.: La fréquentation est-elle à la hauteur de vos attentes? Qui fréquente le pôle?
E. d’A.: Le pôle a déjà reçu 1.905 chercheurs. Et le plus intéressant est de remarquer que parmi ceux-ci, 662 sont de nouveaux chercheurs pour notre service, des chercheurs qui n’étaient donc jamais allés sur notre site de Pau. En ce sens le pôle rend indéniablement service à un public nouveau.
En outre, les deux expositions présentées jusqu’alors ont reçu 740 visiteurs dont 616 ne sont venus que dans ce but et pas pour faire des recherches. Ce chiffre est important pour un lieu d’exposition nouveau et un peu éloigné du cen-tre ville, qui échappe donc au public piéton.
Enfin, le monde scolaire commence à répondre à l’appel et dès cette première année de fonctionnement plusieurs classes ont été accueillies pour des activités pédagogiques.

Enb.: L’ancrage dans le paysage culturel du Pays Basque Nord vous semble donc réussi?
E. d’A.: Certainement, même si ce n’est qu’un début, et on peut le démontrer par exemple avec les 10 cours de paléographie assurés en hiver, en soirée, pour lesquels des personnes n’ont pas hésité à franchir près de cinquante kilomètres pour les suivre. Ce sont de petites actions peut-être, mais qui ont leur public et qui sont demandées.
Au-delà, il y a bien sur les partenariats avec l’Institut culturel basque, les cercles généalogiques, ou encore la direction des affaires culturelles de la ville de Bayonne pour les Journées du patrimoine notamment.
Et puis pourquoi se limiter au Nord? Nous tenons aussi à créer des liens avec nos collègues d’Egoalde: nous avons invité les archivistes du Gipuzkoa, notamment ceux de la diputaciòn forale et à notre tour, nous sommes allés visiter les archives d’Oñati, de Tolosa et celles du centre bénédictin de Laskao. Nous travaillons maintenant à rechercher des pistes de travail en commun mais ce n’est pas facile car les contextes archivistiques sont très différents.

Enb.: Qu’est-ce qui fait la valeur et la richesse du pôle que vous dirigez?
E. d’A.: Je pense que la principale richesse de ce pôle est d’avoir regroupé, autour d’une partie des fonds départementaux, les archives des principales villes et communes du Pays basque (Bayonne, Biarritz, Hendaye, Saint-Jean-de-Luz, Boucau, Urrugne, Ustaritz, Mauléon-Licharre). A ce titre, il faut aussi noter que la commune de Briscous nous a confié ses archives depuis l’ouverture et que deux autres communes importantes frappent à la porte…
Un autre indéniable point fort est la présence des archives de la Chambre de commerce et d’Industrie Bayonne-Pays Basque qui remontent à 1760 et qui contiennent les archives du port de Bayonne notamment. Celles-ci constituent, avec les archives de l’Amirauté de Ba-yonne et les archives municipales de Bayonne, une mine pour la recherche en histoire maritime et portuaire.

Enb.: Pau a-t-il correctement joué le jeu en matière de transferts des archives du Pays Basque?
E. d’A.: Je ne trouve pas que la formulation soit appropriée: je rappelle que le responsable du pôle de Bayonne est l’adjoint de la directrice des Archives départementales. En ce sens, la partition des fonds entre les deux sites a été longuement et scrupuleusement réfléchie au sein de l’équipe départementale; cette partition s’appuie sur des principes scientifiques et techniques qui respectent la déontologie en matière d’archivistique.
Mais ce n’était pas seulement une affaire de professionnels: il y avait aussi, dès l’origine du projet, un comité scientifique de préfiguration auquel participaient des chercheurs, des intellectuels, des partenaires culturels. Les critères de sélection, définis par ce comité et permis par la déontologie, ont été respectés.

Enb.: Certaines archives concernant le Pays Basque n’ont pas été transférés. Quelles sont les raisons de leur maintien à Pau?
E. d’A.: Par exemple les archives de l’Enregistrement ou des Hypothèques, tout simplement parce que, pour l’instant, elles ne sont pas définitivement inventoriées. Or pour que la sélection des documents soit correcte, il faut se baser sur un bon inventaire, donc il faut le faire avant le transfert; mais aussi parce que des archives non inventoriées ne sont pas communiquées au public. Donc pour l’instant, à Bayonne, elles ne seraient pas d’une grande utilité.
Ou encore les archives du service maritime des Ponts et Chaussées qui sont très riches pour l’histoire des aménagements portuaires fluviaux mais qui se trouvent dans la même situation.
Ce qui est formidable, c’est que les deux sites ne sont pas cloisonnés, les portes ne sont pas fermées et que le pôle s’enrichira encore, no-tamment avec des archives issues du site de Pau mais aussi avec des fonds communaux et des fonds privés qui sont encore entre les mains de leurs propriétaires.
Et il y a encore de la place disponible: plus de 7 km d’étagères!

Enb.: Comment se passe la coopération avec les villes, les communes ou les fonds privés pour les dépôts d’archives au pôle?
E. d’A.: Pour l’instant, nous gérons, au coup par coup, l’arrivée des dons et des dépôts qui arrivent de façon spontanée du fait de l’ouverture de ce nouvel outil. Mais nous allons mettre en œuvre dans les prochains mois une politique de collecte plus raisonnée et plus incitative.

Enb.: La numérisation se poursuit-elle convenablement? Quelle est l’offre de documents numériques faite au public?
E. d’A.: Après un très gros effort, dans le contexte de la préparation du second site géographique du service, les différents chantiers de numérisation des documents écrits ont permis de constituer un stock de plus de 8 millions d’images: ainsi, par exemple, l’ensemble des registres d’état civil et paroissiaux du département, l’ensemble des plans cadastraux, toutes les minutes des notaires du Pays Basque sont accessibles sous forme numérique dans les deux salles de recherches (Pau et Bayonne) et sur le site internet du service. Ce chantier continue avec la numérisation des registres de recrutement militaires des bureaux de Pau et Bayonne pour la fin du XIXe et le début du XXe siècle.
Aujourd’hui et dans les années qui viennent, c’est sur la numérisation des archives audiovisuelles que portera l’effort. Pour le compte du conseil général, l’INOC et l’ICB ont recensé plus de 20.000 heures d’enregistrement à sauvegarder. Ces archives se constituent de fonds radiophoniques, d’enregistrements de témoignages, de spectacles, etc. Un test de numérisation de 1.700 heures est en cours dès cette année. Pour le Pays Basque, il porte sur les fonds sonores de l’abbaye de Bellocq et sur les archives d’Irulegiko Irratia. Le reste sera traité au cours des prochaines années, suivant les conclusions de ce test.

Enb.: Le fonctionnement d’un pôle de l’importance du vôtre nécessite une équipe performante. De combien de salariés se compose l’équipe que vous dirigez?
E. d’A.: 13 personnes, équivalant à 12 équivalents temps pleins, travaillent sur le pôle. L’originalité de cette équipe vient du fait qu’elle est composée d’agents provenant d’horizons différents: les archives départementales, les archives municipales et d’autres encore.

Enb.: Le pôle a-t-il une autonomie financière?
E. d’A.: Le pôle n’a pas de budget propre et il n’en a pas besoin dans la mesure où son organisation est complètement transversale avec celle du site de Pau. Le service a donc un budget unique pour ses deux sites.

Enb.: Un centre d’archives est un outil indispensable pour la recherche. Quels sont vos liens de coopération avec les UFR du campus basque?
E. d’A.: Pour l’instant, nous avons été sollicités par l’UER d’études basques de Bayonne pour une découverte des archives et des activités pédagogiques. Cette rencontre a été très fructueuse. Mais les enseignements du premier et du second degré sont les plus demandeurs.

Enb.: Pourquoi, selon vous, a-t-il fallu attendre si longtemps pour voir la construction du pôle à Bayonne?
E. d’A.: La décision de créer une antenne des archives départementales à Bayonne a été prise le 5 novembre 1999 par le Conseil général et tout de suite soutenue par l’Etat. Le pôle a ouvert ses portes en 2010. Soit dix années plus tard! Dix ans pour la définition intellectuelle d’un tel projet (environ 3 ans), sa préparation technique et financière (environ 3 ans), la construction du bâtiment avec les soucis rencontrés (environ 4 ans), ce n’est pas si long que cela.

Enb.: Le rapatriement du registre du Biltzar par les Démos a-t-il joué un rôle pour accélérer le projet?
E. d’A.: Appelons un chat, un chat. Aux yeux des démos, c’était une action symbolique. Mais au sens de la loi, c’est un vol qui a été commis le 19 juin 2000. Ce vol a été jugé et les Démos condamnés. Je pense que ce jour-là les démos auraient dû rendre les registres du Biltzar du Labourd. Ainsi, l’action serait restée dans les mémoires au niveau du symbole… l’accompagnement du projet n’aurait pas été perturbé et la fête inaugurale, pour tout le Pays Basque, aurait peut-être été meilleure…
Quoiqu’il en soit, je pense que cela n’a a pas eu d’incidence sur le calendrier du projet: dès la fin de 1999, les services du conseil général et ceux des Archives de France étaient au travail sur ce projet, très soutenu de part et d’autre. Ce sont les archives qui le disent. Et à titre personnel, je peux le prouver, même si je n’étais pas encore au Pays Basque à cette époque parce que j’ai découvert ce projet lors d’un congrès d’archivistes à Dunkerque, en 2002, par la présentation qu’en a faite l’Inspecteur général des archives de France qui présidait le comité de préfiguration, Gérard Ermisse.

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